La FTQ mène une charge à fond de train contre la commission Charbonneau afin de bloquer l’utilisation des écoutes policières visant le président de la centrale, Michel Arsenault, et d’autres leaders syndicaux.
M. Arsenault, le Fonds de solidarité de la FTQ et l’ancien président du bras immobilier du Fonds, Guy Gionet, ont présenté jeudi une requête qui pourrait nuire considérablement à la commission. Ils demandent à la juge France Charbonneau de ne pas admettre en preuve les écoutes électroniques du projet « Diligence II », portant sur les liens entre les leaders syndicaux de la FTQ et des membres du crime organisé.
Le clan syndical est déterminé à ne pas laisser la commission piger dans la preuve de Diligence II. Si la juge France Charbonneau n’acquiesce pas à sa requête, les avocats de la FTQ vont se tourner aussitôt vers la Cour supérieure.
Leur premier geste sera d’exiger un sursis de toute urgence, afin d’empêcher la commission d’utiliser ces preuves explosives, tant et aussi longtemps que le fond du litige n’aura pas été tranché par la Cour supérieure.
L’un des six avocats du Fonds et de la FTQ, Jean-Claude Hébert, a même qualifié sa présence à la commission de « visite de courtoisie ».
Le risque de plonger la commission dans la paralysie judiciaire est bien réel. À titre de comparaison, lors de l’enquête du coroner sur la mort de Fredy Villanueva, les travaux ont été interrompus pendant plus de deux ans, en février 2011, à la suite d’une manoeuvre de diversion du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Me Hébert, un criminaliste réputé, a fait du respect du droit à la vie privée la pierre d’assise de ses remarques à la commission.
Michel Arsenault et Guy Gionet ont été placés sous écoute dans le cadre du projet Diligence II, une enquête qui a été compromise en raison de fuites. Aucune accusation n’a été portée contre eux, et ils bénéficient de la présomption d’innocence. Ils craignent que la commission cause « un préjudice irréparable à leur droit à la vie privée en utilisant le matériel de Diligence II », allèguent-ils dans leur requête.
« Le droit à la vie privée, c’est un droit fondamental », a fait valoir Me Hébert devant une France Charbonneau qui ne semblait pas du tout convaincue de la justesse de ses arguments. Elle rendra sa décision à une date ultérieure.
Selon le Fonds, Michel Arsenault et Guy Gionet, l’utilisation de l’écoute viole l’article 193 du Code criminel. La commission Charbonneau n’a « ni la compétence ni le pouvoir » d’utiliser ces écoutes, allèguent-ils dans leur requête.
L’article 193 du Code criminel interdit la diffusion de conversations privées sans le consentement des parties. Il y a cependant une exception lorsque cette divulgation se fait par un témoin assigné à comparaître dans le cadre d’une poursuite pénale, civile ou de toute autre procédure.
« En aucun temps cette disposition permet-elle l’utilisation par la [commission] de conversations privées d’écoute électronique ou d’images privées aux fins de ses travaux », affirme la requête.
« L’utilisation de tels renseignements par la [commission] n’est ni raisonnable ni justifiée légalement », enchaîne la requête.
Une preuve essentielle
Dans le cadre du volet syndical de ses travaux, la commission compte beaucoup sur les écoutes de Diligence II pour étoffer sa preuve sur l’infiltration du crime organisé dans les syndicats de la construction et sur les chantiers.
Des cibles de la police ont été informées qu’elles étaient sous surveillance durant l’enquête. Le bureau de l’ex-premier ministre Jean Charest a même été mis au courant de l’existence de ce projet « sensible » mettant en cause des leaders syndicaux, des figures connues du monde interlope et des politiciens provinciaux. La SQ avait interrompu une filature sur un dirigeant de la FTQ-Construction lié à la mafia, Eddy Brandone, après qu’il fut entré en contact avec M. Charest.
Des écoutes de Diligence II ont été mises en preuve publiquement à la commission, lors du témoignage de l’entrepreneur Giuseppe Borsellino. Le grand patron de Garnier discutait avec l’ex-directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis, des façons d’obtenir du financement du Fonds de solidarité de la FTQ.
Les conversations datant de 2008 laissent entrevoir l’existence d’une importante lutte de pouvoir pour accéder au financement du Fonds. D’un côté, Tony Accurso (aujourd’hui accusé de fraude) bénéficiait de l’appui de Michel Arsenault. De l’autre, Joe Borsellino et Jocelyn Dupuis (aussi accusé de fraude) cherchaient à accroître leur influence, entre autres par l’intermédiaire de Rénald Grondin, directeur général de l’Association des manoeuvres interprovinciaux, un syndicat affilié à la FTQ.
Michel Arsenault est toujours le président incontesté de la FTQ. Guy Gionet a quitté son poste dans la controverse, en 2009. Sous sa gouverne, le bras immobilier du Fonds a consenti des prêts controversés à une relation des Hells Angels, Ronald Beaulieu.
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