Élections fédérales: ne pas céder à la colère

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La gauche libérale de La Presse en panique devant la montée conservatrice au Québec

On a retenu une chose du sondage Angus Reid diffusé cette semaine : la percée des conservateurs au Québec, qui confirme les difficultés qu'aura Justin Trudeau à décrocher un second mandat.



Mais derrière le mouvement des différents partis à quatre mois des élections se cache un phénomène plus significatif qui devrait tous nous inquiéter : le clivage grandissant entre les villes et les régions.


Cette ligne de fracture n'est pas nouvelle en soi. Les électeurs urbains ont souvent voté différemment des électeurs ruraux.


Mais la « tendance claire » qui se dégage de l'enquête d'opinion d'Angus Reid, c'est que cette division est de plus en plus grande au pays : le Parti libéral a la faveur des citadins, à Montréal, Toronto et Vancouver, tandis que le Parti conservateur a celle des banlieusards et des ruraux.


 


Une division qui rappelle d'ailleurs celle qui a cours au Québec depuis les dernières élections, alors que la carte électorale était presque entièrement peinte en bleue par la CAQ, à l'exception de Montréal.


On pourrait hausser les épaules en se disant qu'il n'y a là rien de grave ou de surprenant, puisque c'est aussi ce que l'on observe ailleurs, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France.


Or, justement ! C'est parce que l'on constate la même chose dans les pays de Trump, du Brexit et des gilets jaunes qu'il faut s'inquiéter !


Car le dénominateur commun de tous ces troubles est un clivage villes-périphérie exacerbé.


Une fragmentation qui oppose, d'un côté, les urbains, majoritairement cosmopolites, favorables à la mondialisation et aux transformations de la société. Et de l'autre, les populations de la périphérie, qui sont plus susceptibles d'être bousculées par ces changements sociaux, politiques et démographiques en cours.


Il y a bien sûr des différences d'un lieu à l'autre. La banlieue n'est pas la même au Canada et en France. Le 905 est plus multiculturel que le 450. Et la dévitalisation des régions ne se fait pas à la même vitesse au Québec et dans le Midwest américain.


N'empêche, le constat est partout le même. L'écart entre les capitales et leurs périphéries s'accentue, et avec lui, le ressentiment des perdants de la mondialisation et de la nouvelle économie envers ceux qui en chantent les louanges.


D'où Trump, le Brexit et les gilets jaunes, qui ont poussé dans ce terreau propice au populisme.


Des mouvements de colère qui pourraient bien survenir au Canada si on n'est pas vigilants.


Le politologue américain Jonathan Rodden note d'ailleurs, dans son dernier livre Why Cities Lose : The Deep Roots of the Urban-Rural Political Divide, que les pays où le système électoral s'appuie sur un vote uninominal, comme la Grande-Bretagne et le Canada, sont particulièrement vulnérables au clivage ville-régions, comme l'a prouvé la victoire de Doug Ford l'an dernier.


Or à la veille des élections fédérales, le contexte politique aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Ontario devrait faire réfléchir les stratèges tentés par une wedge politic qui mettrait dos à dos les électeurs des régions et ceux des centres urbains.


L'état du débat politique dans ces deux pays et dans cette province montre que la tâche n'est pas facile pour ceux qui sont élus en surfant sur la colère !


Il est compliqué de gouverner quand on a exacerbé le ressentiment des électeurs, quand on a inventé toutes sortes de menaces, quand on a promis un utopique retour en arrière comme Trump et Nigel Farage.


Heureusement, les niveaux de frustration au Canada ne semblent pas avoir atteint ceux de son voisin. Du moins, c'est ce que laisse croire la stagnation du vote en faveur de Maxime Bernier.


Espérons que les prochaines élections ne nous rapprocheront pas de ce populisme qui carbure à la colère.


Consultez les résultats du sondage




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