Comme si le Québec était suspendu à ses lèvres, La Fédération des femmes du Québec (FFQ), par l’entremise de sa fataliste présidente, Alexa Conradi, a jugé opportun de rendre publique son évaluation de la façon dont les partis en lice envisageaient la situation des femmes, toujours problématique, on s’en doute, quand elle n’est pas dramatique, bien sûr. C’est à l’occasion d’un débat tenu le 23 août dernier et organisé par le regroupement féministe le plus représentatif du Québec, que des candidates des cinq principaux partis politiques ont dû exprimer leur point de vue sur les « enjeux féministes actuels ». Je parie que vous ne vous en pouvez plus de connaître les conclusions de la FFQ sur leurs propos.
L’égalité, une question mathématique…
C’est un fait avéré, aux yeux de la FFQ comme de sa présidente, l’égalité homme femme reste d’abord et avant tout une question mathématique : l’obsession de la parité à 50 % de femmes (et plus, mais elles n’insistent pas trop sur cette subtile variante...) représente le suprême critère d’évaluation égalitaire. Dès que les femmes se retrouvent en infériorité numérique dans un secteur d’activités donné, il faut, naturellement, qu’elles soient victimes de discrimination, qu’il s’agisse des domaines de la construction, de l’armée, des mines, de la police, de la sécurité, des monteurs en ligne, pour ne nommer que les plus évidents. Ainsi, si au Québec les femmes ne représentent que 4 % des pompiers, il faut que ce soit parce qu’elles se voient exclues de cette profession non traditionnelle, comme si des candidatures féminines imaginaires étaient obstinément rejetées. On ne songera pas à se demander si les femmes s’intéressent seulement à cette profession. Pourquoi couper les cheveux en quatre ?
Curieusement, la FFQ ne voit aucun complot dans la sous représentation des hommes, notamment dans le domaine infirmier ou dans l’enseignement, non sans raison. Il y aurait cependant une nuance importante à souligner dans ce dernier domaine. Bien sûr, j’aurais aimé à une époque un peu plus naïve de mon expérience parentale que mon fils grandisse dans une école dotée d'une représentation professorale à 50 % masculine. Un jour, on se fait à l’évidence : on ne peut tout de même pas instaurer une conscription et forcer les hommes à enseigner aux enfants.
Malgré cela, les enseignants masculins demeurent réellement victimes de discrimination : certes minoritaires depuis toujours, leur nombre diminue sans cesse, en raison de la problématique des fausses allégations, d’abord fortement médiatisées avant d’être dissipées. Beaucoup d’enseignants voient leur carrière ainsi compromise, même innocentés. Que les hommes restent minoritaires en enseignement élémentaire, c’est inévitable, mais faut-il qu’ils disparaissent ? Et de cette manière ?
Prix orange…
C’est donc en pourcentage de candidates aux prochaines élections que la FFQ évalue le principe d’égalité chez les partis en lice, sans tenir compte du fait que moins de femmes que d’hommes se présentent en politique, sans doute repoussées avec une âpreté toute misogyne loin de ces instances faussement démocratiques. On ne s’étonnera guère de constater que la maison mère de la FFQ, Québec solidaire, se mérite le prix d’excellence, puisque ce parti, fidèle à son leadership bicéphale, atteint le nirvana féministe de parité avec 50 % de femmes.
Et Mme Conradi d’entonner un hymne à la grandeur du parti d’Amir et de Françoise : « C’est le seul parti à s’identifier comme féministe et à faire écho aux préoccupations exprimées par les groupes de femmes. Que ce soit sur l’équité salariale, la lutte contre la précarité du travail, la pauvreté des femmes à la retraite ou une vision du développement qui tient compte des femmes, QS a le discours le plus articulé autour des besoins des femmes. Il aborde clairement les enjeux identifiés par les groupes de femmes autochtones et les obstacles à l’intégration des femmes immigrantes. »
J’ai beau lire les journaux assidûment, je ne me rappelle pas avoir lu de nouvelle présentant un cas concret démontrant que la précarité était une spécificité féminine. Bien pis, particulièrement à la lumière de la crise manufacturière de 2008, j’ai constaté comme tout le monde – incluant Mme Conradi, à moins qu’elle ne vive dans un placard - que ce sont surtout des hommes qui ont perdu leur emploi. Rappelons que, selon Emploi et solidarité sociale Québec, ils demeurent majoritaires chez les chômeurs et les assistés sociaux, en plus de représenter huit itinérants sur neuf. Quant au travail à temps partiel, Statistique Canada affirme que c’est par choix que les femmes y recourent, et non parce qu’elles sont victimes d’une quelconque fatalité. La FFQ ne peut ignorer ces données, et si elle le fait, c’est pas pure malhonnêteté et opportunisme corporatiste.
Au fait, avez-vous déjà lu une seule nouvelle dénonçant une entreprise ou une institution qui rémunérait moins les femmes que les hommes pour un même travail ? Il faut cependant reconnaître que des femmes d’un certain âge, ayant passé le plus clair de leur temps à tenir maison avec une famille nombreuse, et survivant fréquemment à leur conjoint, connaissent parfois une grande précarité.
La FFQ apporte un seul bémol à son concert en louanges majeures : « Il (QS) aurait pu parler davantage de la violence envers les femmes. » Ça, Mme Conradi, vous et les vôtres vous en chargez, particulièrement entre le 25 novembre et au-delà du 6 décembre de chaque année, toujours à l’aide des statistiques dopées du ministère de la Sécurité publique, le tout assorti de demandes répétées d’augmentation de fonds publics. Inutile d’en rajouter…
Prix citron…
Au plan de « l’égalité homme femme », le parti libéral du Québec (PLQ) suit de près, avec 38,4 % de femmes, mais, bien que la FFQ reconnaisse les efforts de ce parti au plan d’une représentativité égale, elle n’en est pas satisfaite puisque « la faiblesse de ce parti réside dans son approche individualiste qui ne permet pas d’éliminer les discriminations persistantes. » Qu’est-ce que Mme Conradi entend par « approche individualiste » et par « discriminations persistantes », il faut le deviner, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le regroupement féministe ne brille pas par la gratitude.
En plus d’avoir fait passer le budget des maisons d’hébergements de 30 M $ à 60 M $ en cinq ans, d’avoir élaboré un plan d’action triennal prônant une approche différenciée au profit des femmes, d’avoir investi 60 M $ dans un projet destiné à lutter contre les agressions sexuelles, de continuer à favoriser outrageusement l’embauche des femmes dans une fonction publique où elles représentent plus de 60 % des effectifs (c’est déjà plus que 50 %...), de favoriser les bourses d’études universitaires réservées exclusivement aux filles et la discrimination positive les avantageant dans les facultés non traditionnelles, le PLQ continue de financer onze fois plus les besoins féminins en santé et en services sociaux que ceux des hommes.
Mais voilà, c’est le PLQ qui a piloté le dossier de la hausse des droits de scolarité, et Mme Conradi est mécontente. Du coup, c’est comme si le parti de Jean Charest n’avait rien fait pour les femmes : « Madame St-Pierre, la ministre à la Condition féminine, a affirmé lors du débat qu’il n’y a pas d’impact particulier dans la hausse des frais de scolarité chez les femmes, d'affirmer la présidente. C’est trop souvent le même refrain sur les enjeux de la santé, du travail et de la retraite. À beaucoup d’égards, les inégalités sociales tendent à augmenter avec le PLQ. » Alors, Mme St-Pierre, devant tant de reconnaissance, ne pensez-vous pas qu’il y quelques coups de pied au cul qui se perdent ?...
Médaille d’argent…
La FFQ envisage le parti québécois (PQ), gagnant probable des élections du 4 septembre, comme un candidat valable, bien que son pourcentage de candidates ait baissé de 31,2 à 27,2 %. Mme Conradi explique : « Le PQ compte plusieurs mesures qui faciliteront la vie des femmes : abolition de la taxe santé et de la hausse des frais de scolarité, engagement de créer un nombre suffisant de places en CPE, encadrement des agences de placement temporaire ou encore le soutien des services d’économie sociale en soins aux personnes en perte d’autonomie. » Quant à se demander avec quel argent toutes ces mesures seront financées ou compensées, ce n’est pas le problème de la FFQ. Le réseau des CPE, des services de garde en milieu familial et privés, à eux seuls, représentent un gouffre financier de 1,5 G $. Le Québec troquera-t-il bientôt le dollar canadien contre le drachme ?
Mais Mme Conradi n’est toujours pas pleinement satisfaite : « Toutefois, le PQ ne dit rien sur la retraite, la précarité du travail des femmes ou la violence envers les femmes. » Seules les femmes sont victimes de précarité et de violence, naturellement, malgré les études de Statistique Canada et de l’Institut de la statistique du Québec établissant la parité de la violence conjugale.
Prix de consolation
Le parti Option nationale (ON) se mérite une brève mention, avec peu de candidates représentant 23,1 %. À l’évidence, un parti aussi résolument indépendantiste a de quoi insécuriser les femmes, toujours plus prudentes devant les risques de turbulence économique qu’un changement constitutionnel radical ne manquerait pas d’apporter. Tout en soulignant la défense de l’universalité du système de santé et l’importance accordée à la gratuité scolaire, la FFQ juge que l’approche d’ON « en matière de condition féminine est à développer. »
Legault la menace
Après avoir souligné le faible représentation féminine de la Coalition pour l’avenir du Québec (CAQ), avec 21, 6 %, et ses déclarations « sexistes sur le salaire des femmes, sur leur rapport aux changements ou leurs compétences », sans préciser outre mesure, la FFQ « dénonce » la hausse anticipée des frais de scolarité, des services de garde et les coupures dans la fonction publique. Mme Conradi, par le biais de ce qui se veut un cri du cœur, interpelle ensuite François Legault avec l’habituelle rhétorique victimaire de la FFQ : « Que fera la CAQ au sujet de la précarité du travail chez les femmes ? Que fera la CAQ pour que les femmes gagnent plus que 66% des revenus des hommes à la retraite ? Que fera la CAQ pour que le développement économique et social tienne compte des besoins des femmes ? Que fera la CAQ pour protéger l’universalité et l’accessibilité des services publics, des services sociaux ? Que fera la CAQ pour augmenter la représentation des femmes en politique ? Quel rôle l’État aura-t-il à jouer pour assurer aux femmes des conditions de vie et de travail décentes ? » Je vous le disais, l’habituelle rhétorique victimaire…
Et la contribution de la FFQ ?
Et moi qui croyais jadis que le féminisme voulait aider les femmes à se prendre en main afin de devenir partie prenante de notre devenir collectif… Avec la FFQ, c’est l’enlisement dans la dépendance étatique des femmes que Mme Conradi ose présenter comme un projet de société, un pathétique pacte social, où le gouvernement est sommé de prendre la gent féminine en charge du berceau jusqu’à la tombe. S’il est une question de citoyenneté que Mme Conradi et ses consoeurs doivent redouter plus que tout au monde, c’est bien celle que devait prononcer John F Kennedy le 20 janvier 1961 lors du discours inaugural de sa présidence : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »
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