Être Québécois, c'est d'abord vivre à la québécoise

C'est en nous-mêmes que nous portons le Québec

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Tribune libre

À mon humble avis, il n'y a aucune définition civique de l'identité québécoise qui ne tienne. Posséder simplement une adresse, un numéro civique, un bail, un passeport quelconque de citoyen anonyme, une carte-santé, rien de tout cela ne fait pas de vous ipso facto un Québécois, loin s'en faut. Car à ce compte, il y aurait 8 milliards de Québécois potentiels sur la planète, à une simple distance de billet d'avion, de n'importe quel parachutage, de n'importe quel déversement de boat people.

Procédons à une simulation kafkaïenne, voire orwellienne: imaginez 8 millions d'Hindous sautant en même temps en parachute sur le territoire québécois en criant à l'unisson: "Nous sommes tous Québécois identiques à vous. Ouvrez-nous grand les portes nous arrivons". (remplacez Hindou par l'ethnie de votre choix)

Vivre au quotidien dans l'environnement culturel québécois, c'est la seule manière de créer un sentiment d'appartenance et d'attachement à la nation et de sentir qu'on est d'ici et de nulle part ailleurs. C'est ainsi que se bâtit une identité collective solide et partagée là où il fait bon vivre ensemble.

Voyons en quoi une définition psychologique de l'appartenance à l'identité culturelle québécoise recouvre les principaux aspects de notre rapport à la réalité, affectant la perception de chaque évènement de notre vécu.

L'autre soir, la musique de fond au centre sportif jouait "Donne-moi une petite chance" des BB. Un garçon de cette génération qui passait se mit à la fredonner spontanément, voix de fausset inclue, et de fort jolie façon ma foi. Eh bien, c'est tout bonnement ça être québécois: mille, dix mille, cent mille références qui ont du sens pour nous, qui nous situent quelque part sur la planète et qui font de nous des gens semblables vivant collectivement des expériences communes, et qui nous rendent si merveilleusement différents de tous les autres hors nos frontières provinciales.

En se mettant à chanter, le garçon en question s'est "connecté" automatiquement à son réseau culturel interne, démontrant que toutes ses associations d'idées issues de sa culture sont prêtes à être déclenchées par le bon stimulus, dans ce cas-ci une chanson de son adolescence qui a laissé sa marque quelque part dans ses souvenirs, un souvenir parmi tant d'autres prêts à ressurgir au besoin pour nourrir son expérience.

Quelques minutes plus tard, c'était au tour de "T'es tellement, tellement, tellement belle" (vous l'entendez dans votre tête, n'est-ce pas? vous voyez, c'est ça être Québécois: quelques simples mots lus et une mélodie surgit comme par magie) dans une interprétation autre que celle de l'auteur. J'ai reconnu la voix du jeune académicien Marc-André Fortin, qui fait honneur à son aîné. Eh bien, c'est ça être Québécois: posséder la suite d'associations d'idées qui nous mène de Richard Desjardins à Marc-André Fortin via une chanson qui les relie. C'est une question de routage de neurones, par milliers, par millions.

Pour certains, René Angélil signifie chanteur des Baronnets, pour d'autres gérant et mari de Céline, pour d'autres encore un joueur de poker averti, mais pour tous il loge quelque part dans notre tête, dans notre identité culturelle partagée. C'est dans la tête que ça se passe. Un cadre de références formé de mille et un éléments partagés par tous et qui ne caractérisent que nous par opposition à toutes les autres cultures.

On voit un vieux documentaire de l'ONF avec du bon monde de chez nous qui se racontent durant les années cinquante et on se dit: "Tiens, ils parlent comme mon oncle Paul-Émile, comme ma tante Lucille parlaient quand j'étais petit". Cela les rend plus proches de nous, nous donnant le sentiment réconfortant d'être en famille.

L'identité culturelle traverse les époques et renforce la continuité des générations qui se succèdent. À travers elle, chacun fait office de passeur. Elle nous sert de témoin d'une personne à l'autre à travers le temps.

Évoquez Macha Grenon, Karine Vanasse, Véronique Cloutier, Anne-Marie Withenshaw, tout le monde saisira automatiquement leur point commun: compter parmi les plus belles filles du Québec. Impression collective partagée, imprimée en chacun de nous. Être Québécois, c'est ça. C'est dans la tête que ça se passe. Par un flot innombrable de pensées qui sont propres à nous et caractérisent notre vision des choses, notre rapport à la réalité.

Si on nous demande à brûle-pourpoint: "Sais-tu ce qui est arrivé à Pierre-Karl Péladeau ? Tout le monde sursaute et veut savoir. Dans chaque tête, il y a des interrogations qui surgissent, associées à ce qu'on sait de lui: accident de vélo, transactions chez Québécor, nomination comme futur premier ministre, son mariage avec Julie Snyder, etc. Chacun sait de qui on parle et la place qu'il occupe dans la société. Tout Québécois pense automatiquement à tout ça.

À un jeu-questionnaire vu à la télé, on demande de compléter "mon oncle...". L'un répond oncle Georges (le personnage clownesque de Daniel Lemire), l'autre Mon oncle Antoine (le classique du cinéma de Claude Jutra). Cela illustre parfaitement mon propos qu'être vraiment Québécois, c'est dans la tête que ça se passe. Dans un foisonnement d'associations d'idées qui nous appartiennent tous et qui couvrent l'éventail de notre réalité immédiate. Nous portons tous le Québec en nous-mêmes.

En tant que nation québécoise, nous formons un vaste réseau de pensées similaires, une vaste toile de millions d'esprits interreliés par un contenu formé d'innombrables éléments que nous avons en commun, une espèce de banque de données qui nous irrigue et nous fait voir à travers son prisme notre réalité quotidienne immédiate.

Le travailleur saisonnier mexicain si utile qui ramasse nos laitues avec tant de cœur à l'ouvrage n'est pas un Québécois, quand bien même il travaillerait ici 12 mois par année. Toute sa mentalité est mexicaine. Sa famille, ses pensées, ses préoccupations sont totalement ailleurs.

Les Anglo-Montréalais qui ne connaissent rien de notre culture et vivent totalement déconnectés de l'endroit où ils habitent ne sont au fond que des Canadiens, et répondent difficilement à l'appellation de Québécois. Une telle prétention usurpée s'apparenterait dans les faits à une tentative d'appropriation d'identité collective.

Pour leur part, les nouveaux arrivants ont le devoir de s'immerger volontairement et pleinement dans cette nouvelle culture qu'ils se doivent d'adopter sans réserve, et de se mettre à interpréter les événements à travers cette nouvelle grille de perception, sinon il y a erreur flagrante sur le choix de la destination. Car leur non-participation à notre vie culturelle fait d'eux une réelle menace à son existence même en contribuant à l'amoindrir à petit feu.

Nous venons de démontrer qu'une définition psychologique de qui est Québécois recoupe tous les éléments qui traduisent l'appartenance et la participation à l'identité culturelle qui est nous propre et qui nous situe par rapport à toutes les autres. C'est par l'immersion quotidienne dans ce riche environnement culturel que se renforce l'attachement à la magnifique nation qui est la nôtre.

On ne peut se targuer d'être Québécois au Québec qu'en vivant à la québécoise.

Références:

Les BB, Donne-moi ma chance: https://www.youtube.com/watch?v=m2RTZLO-Jjg

Richard Desjardins, Tu m'aimes-tu?: https://www.youtube.com/watch?v=PC1Xx8eIuyU

Marc-André Fortin, Tu m'aimes-tu?: https://www.youtube.com/watch?v=fwSmG58z5wM

Visionnement gratuit du film complet de Mon oncle Antoine de Claude Jutra: https://www.youtube.com/watch?v=RROqgJvr8ZM

La chaîne de l'ONF sur Youtube: https://www.youtube.com/user/onf/playlists

La culture québécoise comme vision du monde: http://www.independance-quebec.com/forum/about7084.html&sid=25c087ef67a0db7c94fd03fe3d0cdd87

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Réjean Labrie881 articles

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Réjean Labrie est natif de Québec. Il a fait une partie de sa carrière dans la fonction publique provinciale.

Il tire la plus grande fierté d’être un enraciné de la 11ème génération en sol natal. Son élan nationaliste se porte sur la valorisation de la culture québécoise et sur la préservation de l'identité culturelle québécoise et de sa démographie historique.

Il se considère comme un simple citoyen libre-penseur sans ligne de parti à suivre ni carcan idéologique dont il se méfie comme des beaux parleurs de la bien-pensance officielle.

L'auteur se donne pour mission de pourfendre les tenants de la pensée unique, du politiquement correct, de la bien-pensance vertueuse, toutes ces petites cliques élitistes qui méprisent le bon peuple.

Près de 900 articles publiés en ligne ont été lus un million et demi de fois par tous ceux qui ont voulu partager une réflexion s'étendant sur une période dépassant 15 ans. À preuve que l'intérêt pour une identité nationale québécoise affirmée ne se dément pas, quoi qu'on en dise.





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 septembre 2015

    M. Labrie,
    Je reviens lire votre texte inspirant pour la troisième fois.
    Il fait grandir la fierté d'être d'ici.
    C'est le genre de texte qu'on devrait faire lire aux jeunes à l'école
    pour qu'ils développent leur sentiment d'appartenance au Québec.
    François-Xavier Archambault

  • Archives de Vigile Répondre

    24 août 2015

    Monsieur Labrie, il m'apparaît important que vous lisiez attentivement le commentaire de sml. Surtout parce qu'il est critique à l'égard de son «ancienne religion» et a écrit un livre qui révèle ce que «beaucoup de musulmans ont peur» qu'on finisse par apprendre, c'est-à-dire les «secrets du Coran les plus inavouables» que cachent les islamologues.
    Et, en le lisant, que vous vous demandiez pourquoi vous ne dites Québécois que les gens du Québec ayant en commun des référents de culture identitaire (ce qui serait le cas des musulmans psychologiquement informés par leurs intellectuels d'être des musulmans) et, de ce fait, d'avoir pour mission de former en Québécois comme eux les gens qui vivent au Québec.

  • Marcel Haché Répondre

    20 août 2015

    Ai beaucoup aimé votre texte Réjean Labrie. Beaucoup. Vous montrez qu'être patriote, ce n'est pas compliqué.C'est même tout simple.Vous montrez que cela n'a rien à voir avec de grandes démonstrations de force, de port du drapeau, celui du Québec ou même celui des patriotes.
    Le patriotisme, c'est bien plus simple que de marcher avec un drapeau ou encore le mettre sur le top de son char.C'est simplement être au diapason du monde ordinaire qui nous entoure.C'est pédaler avec une gang qui pédale... et rire avec une gang qui rit. Ça commence par des choses qui nous paraissent si anodines qu'on peut se demander ce que les progressistes n'ont pas encore compris du nationalisme et du patriotisme pour s'en méfier autant.
    Au fond, et très souvent, les "progressistes" d'Ici ne sont progressistes que de nom: ils font carrière de "progressisme", et sont souvent, comme par hasard, sur la même barricade que le West Island. Évidemment, je parle de ce West Island dressé contre Nous de père en fils et en filles.Car il existe de tels québécois, qui le sont de nom, le coeur n'y étant pas...
    L'indépendance est devenue essentiellement une affaire coeur.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 août 2015

    Ajout: Mon Oncle Antoine? J'aime beaucoup ce film, du début à la fin. Toutefois, je me souviens que vous avez déjà écrit de ne pas supporter ce film. Vous le trouviez ennuyant, disiez-vous.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 août 2015

    Espérons pour l'option souverainiste que ses partisans accouchent d'une définition de l'identité beaucoup moins restreinte, pour ne pas dire quétaine (stu québécois ca?).
    Que Danièle Fortin en soit émue, cela n'est aucunement surprenant.

  • Danièle Fortin Répondre

    18 août 2015

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    _ Monsieur Réjean Labrie, votre texte est l'un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire , ces dernières années, sur l'identité québécoise.
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    _ Soyez-en remercié.
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  • Archives de Vigile Répondre

    17 août 2015

    «Nous venons de démontrer qu’une définition psychologique de qui est Québécois recoupe tous les éléments qui traduisent l’appartenance et la participation à l’identité culturelle qui est nous propre et qui nous situe par rapport à toutes les autres.»
    «Mon livre "Il était une foi, l'islam...", essai critique d'un ex-musulman vis-à-vis de son ancienne religion, a pour ambition de vous révéler LE PIRE des projets, opinions et actions du Dieu Allah et de Son prophète Muhammad, ce que beaucoup de musulmans ont peur que vous finissiez par apprendre ! Le Coran est la source idéologique la plus à même de définir ce qu'est l'islam voulu par son fondateur (Allah ou Muhammad) et surtout ce qu'il n'est pas. Quand les islamologues du Système passent à la télé ou à la radio pour convaincre ceux qui les écoutent du fait que les attentats terroristes commis par des islamistes n'auraient rien à voir avec "le véritable islam", que disent-ils vraiment... Et surtout que ne disent-ils pas ? Les avez-vous déjà entendu conseiller aux non-musulmans la lecture du Coran afin de s'assurer du fait que le Dieu des musulmans est un Dieu tolérant et pacifique ? Comptez-vous vraiment sur des "spécialistes de l'islam" de confession musulmane pour vous dresser un portrait objectif et impartial des secrets du Coran les plus inavouables ?»
    https://www.youtube.com/watch?v=E02KW9SyBJQ