Élection du 8 décembre

Faire rêver ou rassurer?

La présente conjoncture favorise Pauline Marois

Chronique de Louis Lapointe

Il semble bien que la prochaine campagne électorale québécoise sera ennuyeuse à en mourir. Les stratèges de tous les grands partis, PQ, PLQ, ADQ, s’entendent probablement déjà pour dire que le chef de parti qui va remporter les prochaines élections sera sans doute celui qui saura le plus rassurer la population. Si on fait un parallèle avec l’élection américaine, pas celui qui ressemble à Barack Obama, mais bien celui qui ressemblera le plus à John McCain !
Même si la plupart de nos savants analystes québécois reconnaissent volontiers que nos voisins du sud ont besoin de rêver pour renaître, étonnamment, ils nous annoncent déjà que ce sera le plus « drabe » des chefs qui devrait gagner la prochaine campagne électorale. Dieu sait que Jean Charest peut être ennuyant quand il le veut. Il peut aussi être détestable et fielleux, comme tous les Québécois ont pu le constater au cours des derniers jours. Peut-il faire rêver ? Non, je ne me souviens pas avoir vu Jean Charest jouer ce rôle ! Pas étonnant que les analystes de Gesca soutiennent que le prochain premier ministre québécois sera ennuyant alors qu’ils souhaitent tous qu’Obama soit le prochain locataire de la Maison Blanche. Quand il s’agit de parler du Québec, ils sont toujours en mission commandée !
On ne peut certainement pas accuser Mario Dumont d’être endormant. Si lui aussi peut être méchant, il est incapable de jouer les Dr Jekyll et Mr Hyde comme le fait avec tant de succès Jean Charest. Mario Dumont est toujours direct, le problème c’est qu’il l’est parfois trop. Un comportement que détestent les Québécois. S’il est habile à dénoncer les travers de ses adversaires et qu’il sait parler au peuple, il peine lui aussi à faire rêver. C’est avant tout un caricaturiste qui n’a rien d’un poète. Cependant, contrairement à Jean Charest, il est incapable d’être monotone et de se laisser aller à la dépression.
Mme Marois est probablement celle qui peut le plus rivaliser avec Jean Charest sur le terrain de la monotonie. Je dirais même qu’elle le dépasse à certains égards. Elle est capable de prononcer de longs discours ennuyeux et endormants, et contrairement à Jean Charest et à Mario Dumont, elle n’a absolument aucun sens de la formule. Elle n’est tout simplement pas le genre de personne prête à faire des pitreries pour se faire remarquer. Elle a trop d’amour propre. Elle est incapable de frapper ses adversaires avec hargne. Elle n’a rien du boursicoteur prêt à tout pour s’enrichir. Elle est incapable d’excès, c’est profondément ancré dans sa nature. Elle veut apaiser, temporiser, rassurer.
Ce qui fait que contrairement à Mario Dumont et Jean Charest, elle n’est pas prête à prendre de risque pour gagner. Étonnamment, elle veut gagner sans prendre de risque. C’est justement là qu’elle rejoint l’âme des Québécois qui veulent être indépendants sans être obligés de faire l’indépendance. En période d'incertitude, les Québécois ne veulent surtout pas prendre de risques, ils veulent être rassurés. Plus qu'en toute autre situation, en période de crise les Québécois souhaitent confier leur bas de laine à une personne équilibrée. Compte tenu de la nature profonde des Québécois, la présente conjoncture économique favorise donc Mme Marois plus que tout autre chef.
Voilà pourquoi elle ne nous fera pas rêver au cours de la prochaine campagne électorale en ne nous parlant pas du pays que nous voulons fonder, même si elle est la seule des chefs de parti bénéficiant du programme pour le faire.
Voilà pourquoi elle ne risquera pas de jouer les Obama, ce que, de toute façon, ses adversaires sont incapables de faire.
Voilà pourquoi elle est la chef de parti la plus apte à rassurer les Québécois en cette période de crise.
Je ne serais donc pas étonné qu'elle joue fessier pour gagner !
Cependant, aussi paradoxal que cela puisse sembler, en ne voulant pas oser pour plaire à une majorité, elle fait un pari encore plus risqué, celui de devoir se passer du vote de ceux qui veulent rêver et qui pourraient bien faire la différence entre une majorité et une minorité.
Un dilemme qu'elle n'aurait pas si elle choisissait de tous nous faire rêver!
Louis Lapointe

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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4 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    1 novembre 2008

    C'est vrai que la prochaine campagne électorale provinciale risque d'être ennuyeuse.Pour les indépendantistes.
    Mais à ce jour, la campagne n'est pas encore lancée.Et même si elle l'était prochainement,rien n'est totalement joué.Les libéraux semblent vouloir saisir la balle au bond,refaire un coup de la Brinks,sans être à l'origine des menaces financières,et semblent en mesure de profiter de l'inquiétude de l'électorat.
    Mais l'électorat n'est peut-être pas seulement inquiet.Cela,les libéraux aimeraient bien le croire et le faire croire.
    Les libéraux sont présentement "minoritaires" parce que l'électorat fut bien plus"excédé" qu'inquiet.Les sondages ne disent maintenant peut-être pas tout.
    S'il fallait--s'il fallait !--qu'advenant une prochaine élection,les libéraux soient encore minoritaires,ce n'est pas juste le P.Q. qui garderait toutes ses chances,ce serait l'idée même de l'indépendance qui gagnerait en ferveur.
    À cet égard,M.Duceppe pourrait bien avoir un rôle majeur à assumer.La victoire du Bloc a surtout montré que la victoire était possible si un combat est livré

  • Archives de Vigile Répondre

    1 novembre 2008

    Elle devra relever ses manches, Mme Marois, car la campagne ne se fera pas sur l'économie, mais sur une autre crise beaucoup plus près et fondamentale aux Québécois et dont ceux qui feront peur aux Québécois dans cette crise seront Charest et surtout Marois.
    Est-ce que Dumont saura de nouveau la flairer comme il a su flairer c'elle des accommodements raisonnables ?
    Ce sera à voir.
    Je n'en dit pas plus long.
    Tant qu'à moi, je suit encore VLB et conserve mon indépendance d'homme libre. Je préfère des Québécois possédant encore une conscience de survie que de voter pour ceux qui préparent le cerceuil de la nation en chantant des hymnes à la liberté.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 novembre 2008

    M. Lapointe écrit : «C’est justement là qu’elle rejoint l’âme des Québécois qui veulent être indépendants sans être obligé de faire l’indépendance»
    Ça fait toujours ça de pris. Les Québécois aimeraient faire l'indépendance du Québec de façon sécuritaire avec, de préférence, un certain lien avec le ROC mais il y en a encore 50 % qui aimeraient mieux ne pas avoir à toucher à ce danger là de leur vivant. Ce sont eux qu'il faut convaincre.
    Si les Québécois veulent un genre McCain au provincial, le moins loin de cet "idéal" serait M. Charest, ex-vieux-conservateur-de-droite sauf qu'il n'est pas allé se faire tirer à la guerre, lui et que Michoui n'est pas encore milliardaire comme Mme McCain. Too bad.

  • Raymond Poulin Répondre

    1 novembre 2008

    À force de jouer sur le terrain des autres partis plutôt que sur le sien propre, le Parti québécois finira par être comme eux. À force d’avoir peur de faire peur, sa direction ne pourra plus se permettre de revenir à sa raison d’être sinon pour les besoin du decorum, afin de ne pas perdre ce qu’il reste d’indépendantistes chez ses membres et dans les urnes. Madame Marois compte sur les indépendantistes vaccinés, sur les souverainistes-associationnistes, sur les confédéralistes, sur les simples nationalistes et même sur ceux que Léon Dion nommait les fédéralistes fatigués, sans compter les ratons-laveurs. Il est après tout possible que cela fonctionne le jour du scrutin, mais, à compter du lendemain, qu’arrivera-t-il si jamais elle se sent tenaillée par l’orientation officielle du parti et veut agir en conséquence? Parmi ses supporters de la veille, ceux qui ne veulent pas de l’indépendance vont-ils se ramasser dans la rue en scandant : «On n’a pas voté pour ça»?
    Faudrait-il implorer le Bloc de déménager ses pénates au Québec ou de noyauter le PQ?.. Faudrait-il donc se résigner à appuyer le Parti indépendantiste bien qu’il soit trop insuffisamment rodé pour reprendre le flambeau? Ma grande fragilité aux allergies me condamnant à l’épipène si je m’avisais de voter PLQ, ADQ ou QS, je me résoudrai à devoir voter pour le Parti québécois, ne fût-ce que pour ne pas me sentir anéanti par la culpabilité si jamais Charest se retrouvait au pouvoir avec une confortable majorité absolue. Un vote par défaut, non pour le meilleur mais pour le moins pire, en attendant Godot. Le lendemain des élections, je viderai mentalement une bouteille avec monsieur Parizeau. Nous en aurons bien besoin tous les deux.