Fusion acceptée

Bourse - Québec inc. vs Toronto inc.

À quelques garanties écrites ou virgules près, rien n'empêche la Bourse de Montréal de passer dans le giron de Bay Street. Tel que dessiné, et avec les assurances requises, ce regroupement s'inspire d'une logique économique et d'une sensibilité politique aux enjeux montréalais. Surtout, il traduit la justesse d'une vision qui, il y a neuf ans, arrimait la survie du parquet montréalais à un pari risqué.
Les journalistes présents à cette première de deux journées d'audiences publiques menées par l'Autorité des marchés financiers sur le thème de la fusion des Bourses de Montréal et de Toronto croyaient déceler une forte majorité favorable. Des engagements écrits, des garanties et assurances plus précises composaient l'essentiel des revendications des intervenants. Certes, une opposition s'est manifestée, créant un contraste dans un processus appelé autrement à devenir une simple formalité. Mais cette opposition a vite été reléguée au rang de l'expression d'une dissidence nostalgique. Après tout, quelle serait la solution de rechange à cette acquisition -- appelée fusion -- de la Bourse de Montréal par la Bourse de Toronto?
On ne peut apprécier le processus actuel sans remonter à son origine. Il faut revenir à 1999. Il faut se rappeler cette spécialisation des parquets qui conférait à la Bourse de Toronto l'exclusivité de la négoce des actions alors que Montréal se confinait au créneau des produits dérivés, options et contrats à terme en tête. Le tout ayant été enchâssé dans un pacte de non-agression de dix ans.
Cette spécialisation avait été proposée par Luc Bertrand et Gérald Lacoste, alors respectivement président du conseil et président du parquet montréalais. Il existait alors une froide réalité, celle voulant que la Bourse de Montréal devait reconnaître la victoire de Bay Street dans la négociation des actions. En 1999, la Bourse de Montréal ne retenait plus qu'une part d'à peine 10 % du marché des actions au Canada. Pis, les trois quarts des titres inscrits à la cote montréalaise étaient interlistés et se négociaient également sur le parquet torontois. En d'autres termes, sauf pour une poignée de titres REA et miniers, la pertinence du parquet de la rue Saint-Jacques n'était plus que symbolique.
Le duo de l'époque voyait également cette maturité se dessiner sur le marché boursier traditionnel. On s'inspirait alors d'un glissement prévisible vers le sud, vers Wall Street, de la négoce des actions des grandes capitalisations canadiennes, pour la plupart également listées sur le téléscripteur de New York. On anticipait également une prolifération des systèmes de négociation alternatifs, plus souples, plus flexibles, plus confidentiels et moins coûteux.
Puisque Montréal abritait tout de même la deuxième Bourse d'options sur actions du monde, pourquoi alors ne pas relever le défi de faire de Montréal avec Toronto ce que Chicago était pour New York. Le pari a été tenu, et relevé avec brio.
En 1999-2000, les négociations sur les produits dérivés à Montréal portaient sur une valeur notionnelle totale de 280 milliards, avec un volume quotidien de 55 000 contrats négociés. Sept ans plus tard, cette valeur nominale dépassait les 700 milliards et le volume quotidien moyen touchait les 176 000 contrats négociés. La croissance annuelle composée de la Bourse de Montréal avoisinait les 30 % dans un marché progressant au rythme de 18 % par an, multipliant par six la croissance des Bourses traditionnelles.
Aujourd'hui, avec cette fin du pacte de non-concurrence en 2009, Montréal devait conjuguer avec une Bourse de Toronto stagnante, qui ne cachait pas son intérêt pour les produits dérivés et d'autres parquets spécialisés, telle la Bourse du carbone. Le statu quo aurait conduit à une fragmentation de la liquidité au Canada et à la confrontation de deux chambres de compensation. La plus petite des deux Bourses risquait tout simplement de disparaître.
Dans cet environnement marqué par la multiplication des regroupements boursiers à l'échelle planétaire, la Bourse de Montréal n'a eu d'autre solution que d'entamer des discussions avec Toronto. Bay Street a mis un terme aux négociations sur des enjeux de gouvernance, forçant alors Montréal à reluquer du côté des Bourses américaines. Deux d'entre elles ont manifesté un intérêt pour la spécialisation du parquet montréalais et son système de négociation, mais sans pouvoir garantir le maintien des activités à Montréal et la sauvegarde de la pérennité montréalaise sur l'expertise du parquet. Quatre mois après l'interruption des négociations, les pourparlers ont repris entre Montréal et Toronto, sous l'initiative cette fois de Bay Street.
Ces négociations ont abouti à l'annonce de décembre visant l'achat du parquet montréalais pour une contrepartie de 1,3 milliard. L'offre est assortie d'une série d'engagements consolidant, voire renforçant Montréal dans une spécialité élargie pour inclure la future Bourse climatique. Les activités de compensation sont également valorisées dans le cadre de cette transaction.
Autre point digne d'intérêt: l'Autorité des marchés financiers se voit accorder un droit de veto en cas d'offre d'achat sur le nouveau Groupe TMX et une espèce de légitimité inhabituelle de la part d'une Bay Street pourtant partisane d'une agence de réglementation en valeurs mobilières unique, et torontoise.
Quelle est la solution de rechange?


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