Lucien Bouchard, président de l'Association pétrolière et gazière du Québec.
: GRAHAM HUGHES, ARCHIVES PC
Renaud Lapierre et Daniel Turp*
Cher M. Bouchard, parmi tous ceux qui se sont exprimés sur votre arrivée surprise à titre de nouveau président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, nous sommes de ceux qui croient que le défi que vous acceptez de relever est crucial pour le Québec et qu'en l'absence d'interlocuteurs gouvernementaux crédibles pour gérer ce dossier au sein du gouvernement libéral, vous constituez un dernier recours.
Cette constatation, bien entendu, découle du fait que nous comptons sur vous pour rester fidèle à votre feuille de route à la fois comme fin négociateur pour l'État et comme homme public, longtemps au service des citoyens du Québec.
Plusieurs passages importants du communiqué de presse annonçant votre nomination et, particulièrement, ceux où l'on vous fait parler semblent confirmer que vous entendez exécuter ce mandat dans le sens de vos engagements antérieurs envers les Québécois.
Citons-en quelques mots: «contribution réelle à l'enrichissement public», «un atout très important pour le financement des missions de l'État» et «dans le meilleur intérêt de notre collectivité».
Forts de ces assurances, nous sommes convaincus que vous accepterez de répondre franchement et sans ambiguïté à plusieurs questions restées en suspens ou tout simplement ignorées, tant par l'industrie que vous représentez maintenant que par le gouvernement de Jean Charest.
Comme les questions liées aux impacts environnementaux, à la sécurité publique et à l'acceptabilité sociale sont déjà largement couvertes et qu'elles ont de nombreux porte-parole, nous nous contenterons de vous poser une première question qui, comme ancien ministre de l'Environnement du Canada, devrait vous interpeller, d'autant plus que vous n'êtes pas sans savoir que les citoyens du Québec ne font plus confiance au gouvernement actuel pour les protéger sur ces aspects.
1) Êtes-vous prêt à convaincre les entreprises que vous représentez de respecter les normes d'exploitation mondiales les plus sévères en la matière, indépendamment des exigences qui seront probablement moins sévères que le gouvernement libéral leur imposera?
S'agissant de l'autre aspect fondamental de ce potentiel de développement de nos ressources énergétiques, à savoir la propriété de ces ressources et le partage des bénéfices pouvant découler de leur exploitation, tous les intervenants et les experts indépendants ont conclu que le gouvernement Charest a bradé pour un prix ridicule l'émission des permis d'exploration de nos ressources. Or, maintenant que ces permis ont été presque tous distribués, il est malheureusement impossible de corriger cette erreur stratégique en utilisant la méthode employée, notamment en Colombie-Britannique, où l'État, grâce à un appel de propositions, a engrangé des milliards. Que faire alors?
Nous sommes persuadés que, comme premier ministre du Québec, vous n'auriez jamais accepté qu'une telle injustice soit faite aux véritables propriétaires de ces ressources que sont les Québécois eux-mêmes ni permis qu'un tel cadeau soit offert aux entreprises, notamment, par le démantèlement de la filiale gaz et pétrole d'Hydro-Québec.
Aussi est-il légitime de souhaiter que vous répondiez à quelques autres questions.
2) Êtes-vous disposé à convaincre les entreprises que vous représentez de recéder à l'État, à l'instar de la situation qui prévaut en Norvège, 50% de la propriété des permis d'exploration contre un engagement ferme de celui-ci de rembourser à celles-là 50% des coûts qu'elles ont supportés jusqu'à ce jour? Parce que nous doutons que, malgré votre fort ascendant sur ces entrepreneurs, vous puissiez les convaincre de corriger cette situation inique pour les véritables propriétaires de cette ressource, nous osons poursuivre notre questionnement.
3) Prendrez-vous le parti de les convaincre que reviennent dans les coffres de l'État 51% des revenus nets générés par l'exploitation de ces ressources?
4) Si ces entreprises refusent, vous sentez-vous prêt à leur faire comprendre qu'elles doivent indiquer précisément le niveau minimal qu'elles considèrent que ces revenus nets devraient revenir à la collectivité?
Et si, par un immense hasard, ces entreprises croient suffisantes les modestes redevances de la loi actuelle ou celle qui découlerait des intentions que les libéraux laissent entrevoir:
5) Auriez-vous l'obligeance de nous rassurer que vous interviendrez auprès des entreprises pour les convaincre à ne s'engager à exploiter commercialement ces ressources (gaz ou pétrole) que lorsque le prix courant permettra à l'État de récolter un niveau de revenus minimum visé par ce dernier et qui serait encadré dans la loi?
Nous estimons que les réponses à ces questions donneront la vraie mesure de vos engagements lors de votre nomination. Comme négociateur aguerri, vous savez mieux que quiconque que toute négociation réussie doit satisfaire chaque partie. Nous vous invitons donc à éviter de penser que le gouvernement actuel, auquel près de 80% des citoyens ne font plus confiance, est l'une des parties, mais plutôt à considérer que, dans le présent cas, c'est la population du Québec qui constitue la partie à satisfaire.
***
* M. Lapierre est un ex-sous-ministre de l'Énergie et ex-membre du Conseil d'administration de la Société québécoise d'initiative pétrolière (SOQUIP). M. Turp est un ex-député du Bloc québécois et du Parti québécois.
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Renaud Lapierre10 articles
Ex-sous-ministre de l'Énergie et ex-membre du conseil d'administration de la Société québécoise d'initiative pétrolière (SOQUIP)
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