Avant même que la campagne électorale fédérale ne soit officiellement déclenchée, le premier ministre Charest a déjà commencé à accuser le PQ de vouloir profiter de l'occasion pour défendre ses intérêts partisans aux dépens de ceux du Québec.
C'est précisément ce dont Mario Dumont avait accusé M. Charest durant la campagne de 2008, alors qu'il n'avait pas cessé d'asticoter Stephen Harper, qui n'avait lui-même pas daigné répondre à la lettre que le premier ministre avait adressée à tous les chefs de partis fédéraux.
Il est vrai qu'à l'époque, M. Charest n'attendait que la fin de la campagne fédérale pour appeler les électeurs aux urnes à son tour. L'ADQ était en chute libre, et il devait se presser avant que la crise des marchés financiers n'entraîne toutes les économies de la planète dans la récession.
Dans cette perspective, il avait tout intérêt à se poser en défenseur des intérêts du Québec, quitte à indisposer M. Harper. Il serait toujours temps d'essayer de recoller les pots cassés une fois réélu.
Cette fois-ci, M. Charest n'a aucun intérêt à jouer les matamores. Il n'y aura pas d'élections au Québec avant deux ans. Peu importe qui dirigera le PLQ à ce moment-là, les libéraux doivent mettre ce délai à profit pour améliorer leur bilan au chapitre des relations fédérales-provinciales.
Qu'il réussisse ou non à obtenir une majorité parlementaire, M. Harper a toutes les chances de demeurer premier ministre et il a clairement démontré qu'il est contreproductif de le contrarier. Il n'a jamais digéré que les 700 millions de dollars additionnels qu'il avait consenti à verser au Québec au printemps 2007 aient été dilapidés en baisse d'impôt.
La revendication québécoise sur l'harmonisation de la TPS et de la TVQ a beau être parfaitement légitime, c'est Ottawa qui a le gros bout du bâton. Encore tout récemment, Raymond Bachand disait vouloir en faire un enjeu électoral, mais M. Charest semble maintenant tout disposé à laisser son vis-à-vis canadien gérer le dossier à son rythme.
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À Québec, on a longtemps espéré que Michael Ignatieff arriverait à s'imposer, mais il faut bien se faire une raison. Au cours des prochaines semaines, M. Charest fera donc preuve de la plus grande déférence envers l'actuel premier ministre canadien. Le molosse de 2007 va se transformer en gentil toutou.
D'ailleurs, M. Harper lui-même, qui se vante continuellement d'avoir envoyé les souverainistes au plancher, sera mal avisé d'apporter de l'eau au moulin péquiste. Un gouvernement dirigé par Pauline Marois ne tiendrait peut-être pas de référendum, mais les relations entre Québec et le reste du pays seraient inévitablement plus tendues.
Ce ne sont pas les dossiers litigieux qui manquent. La longue liste de réclamations totalisant plus de 5 milliards brandie par le Bloc québécois s'inspirait largement de celle que Raymond Bachand avait annexée à son budget de l'an dernier.
La quasi-totalité des dossiers que M. Charest avait évoqués dans sa lettre aux chefs de partis en 2008 demeure d'actualité: l'encadrement du pouvoir de dépenser, la maîtrise d'oeuvre en matière de culture et de communication, la réforme du sénat, la commission des valeurs mobilières pancanadienne, le protocole de Kyoto, le contrôle des armes à feu, l'exploitation pétrolière dans le golfe, le financement de l'enseignement postsecondaire, etc.
D'autres sujets de controverse se sont ajoutés plus récemment: le transport des déchets nucléaires ontariens sur le Saint-Laurent, la reconstruction du pont Champlain, la relance du chantier maritime Davie... Sans parler des transferts fédéraux, qui arriveront à échéance en 2014 et sur lesquels le budget Flaherty est resté totalement muet.
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M. Charest a parfaitement raison de croire que le PQ et le Bloc vont chercher la chicane au cours des prochaines semaines, comme il l'avait lui-même fait en 2008. Pourquoi s'en priveraient-ils puisqu'il leur abandonne le terrain?
Les souverainistes ont beau se défendre de pratiquer la politique du pire, ils ont tout intérêt à ce que le Québec soit le moins représenté possible dans le prochain gouvernement fédéral, et le Bloc a d'excellentes chances de ravir quelques sièges au PC, particulièrement à Québec. À défaut d'être en mesure de sortir le Québec du Canada, on peut toujours essayer de sortir le Canada du Québec.
De toute manière, un député fédéraliste de moins à la Chambre des communes sera un adversaire que le PQ n'aura pas à affronter sur le terrain lors de la prochaine campagne québécoise.
La position dans laquelle se retrouve l'ADQ est plus délicate. Gérard Deltell est un ancien conservateur et il le demeure dans l'âme. D'ailleurs, le plan de réduction de la taille de l'État annoncé par M. Flaherty n'est certainement pas pour déplaire aux adéquistes.
Il reste que Mario Dumont n'a rien gagner à se coller aux conservateurs en 2008. Dans la région de Québec, qui est vitale pour l'ADQ, ce n'est pas la meilleure carte de visite ces temps-ci. Même si M. Harper est son seul allié potentiel, il vaudrait peut-être mieux avoir l'amitié discrète.
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