N'attendons plus. Regroupons-nous. Soyons impatients. Ce seul chapelet d'impératifs a servi de base au mouvement d'indignation populaire qui a culminé cette fin de semaine par le rassemblement à Montréal de plus d'un millier de citoyens excédés. Sous le cynisme exprimé à l'endroit des partis politiques couve la grogne, signe que l'indifférence n'a pas gagné la population, au contraire des gouvernements.
Ce samedi de fin de septembre, ils étaient quelques centaines à houspiller le premier ministre Jean Charest sous les fenêtres de son bureau montréalais. Insultes habituelles. Slogans traditionnels. Même ras-le-bol généralisé. Refrain connu, donc inutile? Il serait hasardeux de conclure aussi crûment à l'inefficacité d'un cri, car celui-ci a été poussé en dehors des cadres de protestation familiers, à un moment où le cynisme est à son paroxysme. Voilà des indices d'une exaspération à laquelle le gouvernement devrait se montrer sensible.
Jean Charest a lui-même mis le feu aux poudres en avouant à la presse n'avoir pas lu le rapport Duchesneau, objet la veille de fuites dans certains médias. «Non, je ne l'ai pas lu.» Ébranlée déjà par le contenu du document, la population a eu le souffle coupé par cet aveu d'indifférence. Elle espérait une déclaration solennelle; le premier ministre a choisi de se draper dans la désinvolture. C'en était trop!
Voilà comment fut semée la première graine de révolte, celle qui a donné lieu au Mouvement du 24 septembre. Orchestré en quelques petites heures par des citoyens non connus du grand public, ni associés aux groupes syndicaux et communautaires habituels, ni non plus téléguidés par les partis politiques, ce mouvement pourrait bien contenir la promesse d'une indignation nouveau genre. Nous croyons que le gouvernement devrait lui accorder son écoute plutôt que d'en minimiser les sursauts.
La manifestation du 24 septembre reposait uniquement sur le bruit des réseaux sociaux pour prendre naissance dans la rue. «Une manif bien timide», ont bougonné les cyniques, sans voir que derrière les 1000 ou 1500 descendus dans la rue samedi se profilaient des milliers d'anonymes inquiets, fâchés, exaspérés. Pour ceux-là, ce n'est peut-être que partie remise.
Partout dans le monde, une certaine ébullition surchauffe les humeurs. Au Québec, les fuites du rapport Duchesneau et l'annonce de compressions imprévues ont attisé l'impatience populaire. Des appels à la révolte (pacifique) pas même camouflés se sont fait entendre: la présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec, Lucie Martineau, a invité «quasiment la population à se révolter» contre les dérives liées à l'industrie de la corruption. De Québec solidaire, Françoise David a emboîté le pas. L'appel a été entendu, et on promet une suite au premier frétillement de la fin de semaine.
Afin de ne pas succomber au cynisme ambiant, il faut saluer cette agitation populaire et espérer qu'elle ébranlera les dirigeants. Le tout en se désolant de certains constats brutaux: depuis les grandes manifestations contre la guerre en Irak (150 000 personnes dans la rue en 2003), contre la conversion de bourses en prêts par le gouvernement Charest (80 000 étudiants dehors en 2005), qu'est-ce qui a fait descendre les Québécois dans la rue? La résurrection souhaitée des Nordiques de Québec (75 000 personnes en 2010). Ah, cynisme, quand tu nous tiens...
Manifestation anticorruption
Graine de révolte
Voilà des indices d'une exaspération à laquelle le gouvernement devrait se montrer sensible.
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