Il faut plus de travailleurs immigrants, mieux intégrés

Déclin du français - La France dégénérative...





Yanek Lauzière-Fillion
_ L'auteur est technicien en francisation au cégep du Vieux-Montréal.

Le gouvernement du Québec doit prendre rapidement un virage en ce qui concerne le nombre d'immigrants admis annuellement. Le gouvernement québécois doit augmenter le nombre d'immigrants travailleurs sélectionnés annuellement et augmenter les ressources à leur intégration en plus de stimuler les naissances par diverses mesures sociales incitatives.
On compte actuellement 50 000 immigrants admis par année. En 2006, les immigrants représentaient 11,5% de la population totale du Québec, une proportion deux fois inférieure à celle observée en Ontario et en Colombie-Britannique. Les ressources à l'intégration des immigrants manquent, notamment parce que le gouvernement libéral semble incapable de se doter de cours de francisation structurés, parce que la reconnaissance des diplômes étrangers pose problème et parce que le taux de chômage des immigrants au Québec est plus élevé qu'ailleurs au Canada.
Dans le dernier budget du gouvernement Charest, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles s'est fait couper 5 millions de dollars. Résultat: 31 classes de français écrit à temps complet ont été abolies en 2010. Trente autres classes à temps complet de la Commission scolaire de Montréal ont, elles, été maintenues. Cela ne se justifie pas: on ne peut pas augmenter le nombre d'immigrants et réduire les services qui leur sont destinés.
C'est sans compter que le gouvernement libéral a supprimé récemment le Conseil des relations culturelles qui devait guider le gouvernement à propos du processus d'intégration des immigrants. Selon le Conseil, si le Québec attire des immigrants, il perd aussi une partie de sa population (y compris immigrante) au profit des autres provinces canadiennes, puisque le solde migratoire interprovincial est négatif. Le Québec pourrait donc être une porte d'entrée vers les autres provinces canadiennes.
En 1759, c'est la question du peuplement qui avait surtout causé la ruine de la Nouvelle-France. Le Canada était sous-peuplé. Il comptait 55 000 personnes et la Nouvelle-Angleterre, un million. Le taux de natalité élevé, les vagues successives d'immigration et l'occupation plus ancienne du territoire avaient favorisé le Québec au moment où celui-ci est entré dans la Confédération canadienne, puisqu'il comptait 200 000 personnes de plus que le Haut-Canada.
À l'époque, les structures électives ne tenaient pas compte du poids démographique bien plus élevé du Québec, parce qu'on voulait faire du nouveau pays un Dominion britannique. Il était ouvertement question d'angliciser et d'assimiler une race inférieure, celle des Canadiens-Français (Durham, Russell). Le manque d'espace disponible pour l'agriculture, les famines et les épidémies, ainsi que la grande disparité entre la richesse anglophone et francophone ont fait qu'on estime qu'entre 1830 et 1930, un million de Québécois ont quitté le Québec vers la Nouvelle-Angleterre. En 1951, le poids démographique du Québec au sein du Canada n'était plus que de 28,9%, et en 2008, le poids démographique du Québec était seulement de 23%.
Selon l'Institut de la statistique du Québec, près de 81 000 personnes se sont ajoutées à la population du Québec en 2009, soit un taux d'accroissement annuel d'un peu plus d'un pour cent. Un tel niveau de croissance démographique n'avait pas été enregistré depuis 1990. Cette hausse serait due principalement à l'immigration et à l'augmentation du nombre de femmes en âge d'avoir des enfants.
En outre, le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) a publié récemment un rapport qui indique que «dès 2010, le Québec sera confronté à une pénurie de main-d'oeuvre et sera touché plus rapidement par le vieillissement de la population que le reste des provinces canadiennes puisque la vague des naissances des années 1946 à 1966 y a été plus abondante que nulle part ailleurs en Amérique du Nord». Le rapport indique également qu'«il convient de signaler que l'Accord Canada-Québec entré en vigueur en 1991, stipulait que le Québec pouvait recevoir un nombre d'immigrants proportionnel à son poids démographique au sein du Canada, plus 5% additionnels s'il le juge à propos».
On ne sait pas pourquoi le gouvernement du Québec n'utilise pas pleinement cette marge. S'agit-il de contraintes au niveau de la capacité d'absorption du marché du travail québécois ou plutôt du manque de ressources pour l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants?
Selon l'Institut de la statistique du Québec, après 2029, seule l'immigration deviendra la source de croissance démographique de notre État. L'Institut prévoit aussi que le Québec accueillera 300 000 personnes immigrantes au cours de la prochaine décennie et que 90% de ces nouveaux arrivants seront âgés de moins de 45 ans. Emploi-Québec estime donc que l'immigration «devrait accroître la population active de plus de 225 000 personnes».
Du point de vue économique, l'immigration prend tout son sens. Sous cet angle, il apparaît impératif de stimuler les naissances et d'augmenter le nombre d'immigrants travailleurs admis par année.
Mais d'un point de vue d'intégration culturelle et linguistique, l'immigration est elle aussi un succès quotidien avec les étudiants inscrits au programme d'intégration linguistique des immigrants du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.
L'équipe de moniteurs en francisation du cégep du Vieux-Montréal dont je fais partie a créé avec les années du matériel pédagogique unique. Ils organisent des visites guidées dans Montréal, des rencontres interculturelles avec des Québécois et visionnent avec leurs étudiants des documentaires historiques, en plus de préparer leurs étudiants au marché de l'emploi. Bref, une hausse du nombre d'immigrants accompagnée des ressources nécessaires à leur intégration est une solution viable et efficace.


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