Bonjour Monsieur Facal,
[Je n'en doute pas, je suis un des illuminés dont vous parlez->20367]. Vous auriez pu aussi, j'imagine, évoquer le club très sélect des purs-et-durs, mais je vous reconnais le mérite d'être allé droit au but avec franchise, en utilisant un terme peu flatteur qu'on sous-entend souvent dans ces circonstances. Il est toujours désagréable, cela dit, de se voir accoler ce genre d'étiquette, et je note que, quand le PQ s'éloigne d'une démarche indépendantiste, lui et ses supporteurs s'approprient cette manie et, ma foi, en font usage presque davantage que quiconque.
Ainsi, le club tend à s'agrandir, ces derniers temps.
Quoi qu'il en soit, selon les critères que vous posez ici, je dois porter le chapeau.
En effet, je n'admets pas cette litanie défaitiste que vous reprenez, que distribuent à tout vent certains analystes, et qui aurait dû rester là d'où elle vient : dans la bouche des adversaires de l'indépendance, ceux qu'on appelle pompeusement " fédéralistes ".
Je parle de cet argumentaire selon lequel l'option piétine, et qu'il soit impossible en ce moment de poser franchement la question aux Québécois , sous peine d'attraper la peste ou de provoquer la fin du monde. Les tenants de cette vision de grisaille, affirment souvent péremptoirement, comme vous le faites ici, que 1995 fut un moment touché d'une grâce quasiment surnaturelle, survenu de façon indiscutablement fortuite, qui permit à Parizeau de faire l'impensable, complètement par hasard. je caricature à peine.
Or, qu'en est-il au juste ? Faut-il vraiment être dramatiquement déraisonnable pour avoir une appréciation différente des choses ?
Premièrement, l'indépendance, comme les diverses marques de commerce qui lui sont généralement associées, récolte aujourd'hui, grosso modo, le même appui dans les sondages qu'à l'époque. Je regrette, mais il faut être exagérément dépressif pour dire le contraire, ou bien travailler pour La Presse.
Au moindre coup de vent, ce score s'approche du 50%, s'il ne franchit pas carrément cette barre, comme c'est encore arrivé il y a moins de cinq ans. Chez les francophones, l'appui est constamment majoritaire, et on parle ici d'une majorité plus que substantielle.
D'autre part, avant d'en venir à 1995, peut-on prendre en considération que près de quinze années se sont écoulées depuis, et que ce n'est pas parce que le PQ semble les avoir passées dans la mélasse que les mentalités des québécois, elles, n'ont pas évolué, tout comme le contexte général ?
Un observateur consciencieux peut légitimement constater que l'indépendance ne fait plus peur comme on dit que ce fut le cas avant. La nationalité québécoise est plus sûre d'elle, nous rayonnons à l'international. Même Jean Charest est allé dire que le Québec a tout-à-fait les moyens de son indépendance. Cela témoigne, je pense, d'un changement que les apôtres de la peur péquiste mesurent mal.
Pour ce qui est du climat de 95, par quelle sorte d'imprudence en vient-on à ne voir ainsi que la moitié des choses ?
Premièrement, l'alignement des planètes dont vous parlez battait son plein en 1990, et s'est étiré jusque vers le refus référendaire de Charlottetown. En 1995, tout ça s'était passablement résorbé. On nous disait que Parizeau était casse-cou, qu'il avait tort de persister. Or, son gouvernement adopta une démarche, les commissions sur l'avenir du Québec auxquelles participèrent des dizaines de milliers de personnes, autrement plus positive que les crises qu'on essaie de nous vendre ces jours-ci -- Pour le Québec, le Canada est une crise perpétuelle. A-t-on vraiment besoin d'en rajouter ? --.
Deuxièmement, le réalignement indépendantiste du PQ d'alors, depuis l'arrivée d'un nouveau chef qui avait refusé le " beau risque ", et les gestes qui en ont résulté, peuvent-ils être dissociés du contexte de l'époque ?
La présence de cet épouvantail séparatiste n'a-t-elle pas eu quelque chose à voir dans l'escalade du débat et le braquage canadien ?
Si l'indépendance monte quand le Canada rebute, il est aussi vrai que le Canada s'embourbe quand l'indépendance est portée par des gens crédibles. Cette dynamique fonctionne dans les deux sens.
Même si c'est un cliché, je pense que le point de vue que vous étayez ici, ainsi que la posture péquiste actuelle, sont fondées sur la peur. Une peur, à mon sens, qui ne se justifie pas si on prend le temps de fouiller les lieux de fond en comble avant de se faire une idée.
L'attitude démissionnaire qui en résulte est nocive pour le Québec, autant que pour l'idée de l'indépendance, et il serait temps qu'on puisse en parler sans se faire traiter d'illuminé.
Ceci dit, j'apprécie, Monsieur Facal, votre vigoureuse contribution au débat public, tout comme je salue votre engagement politique, même si nous ne sommes pas toujours d'accord.
Cordialement,
N.Payne
Je dois porter le chapeau
il serait temps qu'on puisse en parler sans se faire traiter d'illuminé
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé