L’ancien premier ministre Lucien Bouchard s’est emporté contre Amir Khadir

LULU - une loyauté à géométrie variable


Lucien Bouchard comparaissait en commission parlementaire à titre de président de l’Association pétrolière et gazière quand il a été apostrophé avec virulence par le représentant de Québec solidaire. ( d'archives)

Photo : Jacques Nadeau – Le Devoir

La Presse canadienne - Québec — Un affrontement épique a eu lieu aujourd'hui à l’Assemblée nationale entre deux hommes que tout oppose: Lucien Bouchard et le député Amir Khadir. L’ancien premier ministre comparaissait en commission parlementaire à titre de président de l’Association pétrolière et gazière quand il a été apostrophé avec virulence par le représentant de Québec solidaire.
M. Bouchard venait réclamer l’indemnisation des pétrolières détentrices de permis dans une zone du fleuve, en amont de l’île d’Anticosti, où leurs activités seront interdites. Le député de Québec solidaire l’a accusé de «ne pas avoir été fidèle à ses engagements en tant que serviteur du bien public» et de ne pas avoir défendu les intérêts du Québec, ce qui a provoqué l’ire de M. Bouchard, déjà réputé pour avoir un tempérament plutôt vif.
«Est-ce que je suis ici pour subir les jugements moraux de ce monsieur?» l’a interrompu M. Bouchard, furieux. «Est-ce que c’est la tradition dans cette enceinte [...]? Mais c’est absolument indigne, ça! Où est-ce qu’on est? C’est la cour du roi Pétaud! Vous me dites que je n’ai pas été fidèle aux Québécois, monsieur! Vous n’avez aucun droit pour porter des jugements sur ma fidélité aux Québecois, aucun! Il est en dehors de ses pompes, là, lui!»
Nullement démonté, M. Khadir poursuivait quand il a été arrêté par le président de la commission, le député péquiste Claude Pinard, qui essayait de reprendre le contrôle. «Oui, il y a certaines choses qui se passent différemment depuis la dernière élection, s’est-il excusé à M. Bouchard. Nous essayons de maintenir au mieux le décorum.»
M. Khadir est finalement revenu avec sa question, reprochant à M. Bouchard d’avoir lui-même bradé les droits pétroliers et gaziers de l’État québécois dans ces zones en liquidant la Société québécoise d’initiative pétrolière (SOQUIP), du temps où il était premier ministre, ce que le principal intéressé a réfuté.
«C’est arrivé avant que je sois au pouvoir», a-t-il dit. Puis il a répliqué qu’il était soucieux des intérêts de la nation québécoise et que, pour cette raison justement, il fallait «se préoccuper de recevoir des investissements», puisque «le Québec n’en reçoit pas assez, moins qu’autrefois même».
Au terme des audiences, M. Khadir en a rajouté en affirmant que le rôle de M. Bouchard était «troublant», lui qui peut figurer pour certains au rang de «père de la nation». À ce titre, M. Khadir estime qu’il n’a «pas le droit moral d’être au service des intérêts privés».
Avant d’être interpellé par M. Khadir, M. Bouchard mettait en garde le gouvernement du Québec contre ce qu’il considérait comme un dangereux précédent, dans son projet de loi qui interdit les activités pétrolières et gazières dans la zone du fleuve en amont de l’île d’Anticosti.
Selon lui, il faut prévoir un mécanisme d’indemnisation pour les entreprises qui ont déjà des permis, sinon cela s’apparente à une «expropriation sans compensation» qui pourrait mettre la réputation du Québec en péril dans le monde aux yeux des investisseurs. «Jamais le gouvernement du Québec n’a fait ça. Quand j’étais au gouvernement, jamais je ne me le serais permis», a-t-il déclaré en soutenant qu’un tel geste revient à «spolier les droits individuels de propriété».
La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a «reconnu la validité des arguments juridiques» de M. Bouchard, mais semble fermer la porte à l’indemnisation, puisque «aucuns travaux (sic) n’ont été exécutés en milieu marin». Trente-et-un permis sont touchés, détenus par neuf entreprises.


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