L’après-Couillard

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Qui remplacera Philippe d'Arabie ?

La prochaine élection n’aura lieu que dans quatre mois et demi, mais on a l’impression que certains pensent déjà à l’après-Couillard.


Il est difficile de croire qu’en acceptant d’être le président de la campagne électorale, Alexandre Taillefer veut simplement ajouter une nouvelle expérience à une vie déjà bien remplie. Il déplore que la politique n’attire plus les meilleurs et il est volontaire pour changer les choses.


Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours, mais le dernier sondage Léger-Le Devoir-Le Journal de Montréal a de quoi inquiéter les stratèges libéraux. Après avoir été temporairement réduite, l’avance de la CAQ est passée à 9 points et elle recueille toujours 41 % des intentions de vote des francophones, ce qui permettrait vraisemblablement à François Legault de former un gouvernement majoritaire.


Qui plus est, le vote de la CAQ commence à se cristalliser. Près de deux électeurs caquistes sur trois (63 %) affirment que leur choix est définitif, par rapport à 53 % dans le cas du PLQ. Les jeux ne sont pas faits, mais 37 % des Québécois prévoient maintenant une victoire de la CAQ, alors que 22 % croient à celle du PLQ, ce qui indique clairement de quel côté est la lancée.


Même dans les domaines qui constituent traditionnellement la marque de commerce des libéraux (finances publiques, développement économique, création d’emplois), la CAQ est jugée nettement plus apte, sans parler de la santé et même de l’environnement ! Sur les questions identitaires (langue, culture, francisation des immigrants), le PQ demeure premier de classe, mais la CAQ est préférée au PLQ.


Après la vague de départs des dernières semaines, l’arrivée d’Alexandre Taillefer constitue certainement une bonne nouvelle pour le PLQ, malgré la controverse à laquelle elle a donné lieu. Il a réagi rapidement au problème éthique que pouvaient constituer ses intérêts dans le secteur des médias. Sa manie de collectionner les cartes de membre de divers partis ne devrait pas alimenter les conversations très longtemps, même si ses explications n’ont convaincu personne. De toute façon, la majorité des Québécois (55 %) pensent que les députés, ce qui inclut sans doute ceux qui veulent le devenir, sont « plutôt menteurs », indique le sondage.


Ce brillant touche-à-tout incarne bien le changement auquel la population aspire. Il pourrait également se révéler très utile dans le recrutement de candidats, passablement difficile dans la situation actuelle, mais il est douteux que sa seule présence suffise à masquer l’usure de 15 ans de règne libéral. Il envoie plutôt aux militants le message qu’il y aura une vie après le 1er octobre, même en cas de défaite.


Son éclectisme politique aurait pu l’amener à lancer un nouveau parti, qui se voudrait rassembleur. Mais le chemin qui mène au pouvoir peut être long. L’exploit réalisé par Emmanuel Macron relève de l’exception. François Legault pourrait devenir premier ministre sept ans après avoir fondé la CAQ, mais il l’a bâtie sur les fondations de l’ADQ. Le PLQ offre une voie plus rapide, même si Jean Charest a quand même dû patienter cinq ans.


Il est vrai que M. Taillefer a adopté au fil des ans des positions différentes de celles du PLQ. Il devra s’y conformer, a déclaré le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, sans aucun doute conscient d’être en présence de celui qui pourrait bien être son principal adversaire lors de la prochaine course à la chefferie. La vieille garde contre le jeune loup.


Cette discipline ne vaut cependant que jusqu’à l'élection. Si le PLQ la gagne, M. Taillefer pourra toujours retourner à ses affaires en attendant une prochaine fois. Si le PLQ la perd, il sera libre de proposer sa propre vision de l’avenir du Québec.


Bien entendu, certains grands paramètres ne sont pas négociables, comme l’adhésion au fédéralisme et aux lois du libre marché, mais un nouveau chef bénéficie d’une bonne marge de manoeuvre, pourvu qu’il mène le parti à la victoire.


Certains au PLQ rêvent d’un retour à l’époque où il était considéré comme un parti progressiste, c’est-à-dire avant que Jean Charest ne le transforme en « machine à ramasser de l’argent », comme l’a déjà qualifié Robert Benoît, son président entre 1985 et 1989. Dans leur esprit, M. Taillefer est l’homme de cette résurrection. Tant qu’à y être, pourquoi ne pas revenir à la « souveraineté culturelle » ?


> La suite sur Le Devoir.



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