À quatre jours du budget et des «décisions difficiles» que le premier ministre Charest a évoquées dans le discours inaugural, la lettre ouverte que l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) vient d'adresser à Monique Jérôme-Forget avait des airs de déjà entendu.
La mauvaise conjoncture économique ne doit pas conduire à une diminution du budget accordé à la santé et aux services sociaux, prévient-elle. D'autant plus que l'Organisation mondiale de la santé estime que la récession aura des effets négatifs importants sur la santé en provoquant une augmentation des mauvaises habitudes de santé et des maladies mentales.
Dans une entrevue à La Presse, [la directrice générale de l'AQESSS, Lise Denis->18683], a expliqué qu'il faudrait au moins 1,1 milliard de plus, simplement pour maintenir les services à leur niveau actuel, sans tenir compte de l'augmentation de la demande.
Quand les compressions budgétaires sont inévitables, le réflexe est toujours le même: il faut couper ailleurs. En fin de semaine dernière, l'aile jeunesse du PLQ a également fait connaître ses exigences à la ministre des Finances: malgré le déficit appréhendé, les versements prévus au Fonds des générations doivent être maintenus intégralement.
Personne ne devrait être surpris d'apprendre que, selon un sondage commandé à Angus Reid par l'Institut économique de Montréal, 56 % des Québécois souhaitent plutôt une réduction du nombre de fonctionnaires et que seulement 7 % sont favorables à des hausses de tarifs.
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L'expérience de la «réingénierie», qui est venue bien près de provoquer le renvoi des libéraux dans l'opposition, semble toutefois avoir convaincu que la population n'est pas disposée à tirer un trait sur la Révolution tranquille, comme l'avait projeté Jean Charest.
Au cours de son deuxième mandat, tout en continuant à préconiser un contrôle serré des dépenses, le gouvernement a plutôt donné l'impression de chercher la solution du côté des revenus, même s'il s'est empressé de tabletter le rapport Montmarquette sur la tarification.
Dans un contexte minoritaire, il a cependant préféré s'en tenir à un dégel très mesuré des droits de scolarité. Il a également manqué une belle occasion d'occuper l'espace fiscal qui a été libéré par la baisse de la TVQ décidée par le gouvernement Harper.
Même si M. Charest semble avoir pris goût au confort de l'inaction, la crise actuelle ne lui laissera malheureusement pas le loisir d'en profiter, sous peine de laisser le Québec replonger dans un déficit structurel dont il aura le plus grand mal à s'extirper.
Si la situation des finances fédérales est encore pire que ce que James Flaherty avait prévu en janvier dernier, comme le croient les économistes de la banque Toronto Dominion, on peut penser que Mme Jérôme-Forget n'annoncera rien de très réjouissant jeudi.
Personne ne souhaite revivre le douloureux épisode des mises à la retraite de 1997, dont le réseau de la santé ne s'est pas encore remis. Les choses auraient sans doute pu être faites différemment, mais il demeure que l'on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs.
Il est facile de jeter les fonctionnaires -- et les syndicats en général -- en pâture aux contribuables dans un sondage, mais il y a des limites à dégraisser sans influer sur les services de façon significative. C'est un choix tout à fait légitime, mais il faudrait que les implications soient claires pour tout le monde.
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Il serait sans doute mal avisé d'alourdir le fardeau des contribuables-utilisateurs au moment où la crise économique frappe de plein fouet, mais il n'est pas trop tôt pour réfléchir à la meilleure façon de rétablir les finances publiques quand l'horizon commencera à s'éclaircir. Se fier uniquement aux retombées du «Plan Nord» ou du «nouvel espace économique» que fait miroiter M. Charest serait bien imprudent.
Mme Jérôme-Forget indiquera peut-être quelques pistes jeudi. Il est cependant douteux que le gouvernement ait l'autorité morale nécessaire pour convaincre la population de la nécessité d'un virage majeur. Quand il a réussi à mobiliser le Québec tout entier dans la quête du déficit zéro, au sommet de mars 1996, Lucien Bouchard était encore au sommet de sa popularité.
C'est très loin d'être le cas de M. Charest et de sa ministre des Finances. À peine trois mois après les dernières élections générales, ils sont les deux personnalités politiques dont les Québécois ont la plus mauvaise opinion, selon le plus récent baromètre de Léger Marketing.
Que l'objectif soit de réduire la dimension de l'État ou d'introduire une toute nouvelle philosophie en matière de tarification des services publics, la confiance est un ingrédient indispensable. Les sacrifices ne peuvent être acceptés que dans la mesure où leur justification ne fait aucun doute, sous peine de compromettre sérieusement le climat social.
Malheureusement, au cours des derniers mois, le gouvernement Charest a lamentablement échoué au test de la franchise. Ce n'est certainement pas la comparution de Mme Jérôme-Forget en commission parlementaire et la nomination tout à fait irrégulière du nouveau président de la Caisse de dépôt qui vont arranger les choses.
mdavid@ledevoir.com
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