L’Europe à la recherche de son âme

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L'Europe n'a pas d'âme. Seules les nations qui la composent en ont une

1 – Le coût des victoires


La fable s’attache comme le lierre à l’arbre de la souveraineté des peuples. Il nous faudra donc une maïeutique du bon sens, et pour cela, nous nous exercerons à un calcul précis du prix que les démocraties décérébrées et leur culte de la platitude paient pour accoucher de l’immoralité de leur politique. Si les Etats issus des principes universels de 1789 apprenaient en toute lucidité à prévoir le coût éthique des désastres réels et surréels qui succèderont inévitablement à ceux auxquels il fallait bien mettre précipitamment un terme, ils sauraient également en circonscrire les suites désastreuses et en limiter le coût.


Exemple : quel fut le montant de la facture qu’il a fallu payer pour remporter la victoire, pourtant nécessaire, sur Hitler?


Primo, il était impossible de ne pas collaborer avec l’auteur du Goulag, lui-même attaqué par les troupes nazies; secundo, le tyran de l’Est, puis les émules de son école du salut, on les a eus sur le dos pendant quarante quatre ans, de 1945 à 1989; tertio, l’empire, biphasé lui aussi, de la démocratie américaine, en a profité pour se porter au rang de la première puissance schizoïde de tous les temps; quarto, l’Europe démilitarisée par ce dieu-là, a perdu son rang de continent-pilote; quinto, le rêve économique des apôtres du prolétariat mondial a bloqué un siècle durant les sciences humaines et l’anthropologie critique pourtant si clairement inscrites dans la postérité réaliste et logique de Darwin et de Freud; sexto, l’effondrement du séraphisme armé de Karl Marx a conduit à l’hypertrophie d’un capitalisme monoculaire, comme si le cerveau simiohumain oscillait sans cesse de l’aveuglement au cynisme.


Si nous réfléchissions à ces apories que notre souveraineté retrouvée devra résoudre, nous prendrions une grande avance sur l’étiage cérébral de notre temps.


Second exemple : quel a été le coût de la victoire sur le premier empire, de « Dieu » et de son bras droit du moment – la Sainte Alliance des rois européens de droit divin de l’époque? Trois rois – Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe – puis un empereur à barbichette – Napoléon III – ont obscurci l’horizon mondial de la réflexion sur les arcanes anthropologiques de la grande Révolution de 1789.


Si, dès 1789, nos radiographes s’étaient attachés à la pesée des théologies bicéphales, puis à décoder l’enracinement viscéral du sacré simiohumain dans la politique mythologique des démocraties modernes, ils auraient prévu l’échec actuel d’une Union Européenne toute verbale et qui s’est égarée dans un angélisme de la candeur. Qui peut croire que les urnes seraient les couveuses naturelles des grands chefs d’Etat? Considérons les niais que notre suffrage universel met depuis deux siècles au timon des affaires du monde!


Troisième exemple : En Libye, la sodomisation publique du Colonel Kadhafi à l’aide d’un bâton, au Caire le spectacle d’un octogénaire sur une civière – le Colonel Hosni Moubarak – devant un tribunal du peuple triomphant, au Pakistan, le meurtre en direct de Ben Laden à la télévision américaine et sous les yeux ravis du Président des Etats-Unis et des principaux membres de son gouvernement tombés en extase, tout cela ressortit au calcul du prix de l’entretien après vente des victoires théopolitiques.


2 – Le réapprentissage de la souveraineté


Si le Quai d’Orsay s’entendait avec Moscou, Téhéran et Ankara ce groupe d’Etats pourrait limiter l’influence passagère de l’Amérique dans le monde arabe – alors que le maître de l’OTAN en avait profité pour bâillonner plus étroitement ses vassaux.


Il est absurde de donner au monde entier l’illusion que les Etats-Unis seraient les chevaliers sans peur et sans reproches d’une démocratie naïvement universelle; il est absurde de donner à l’empire américain l’occasion de crier: « Voyez comme nous sommes démocrates », alors que, dans le même temps, l’Arabie Saoudite demeure le pilier, dans la région, de la stratégie du pétrole et du dollar et que ces deux Etats ont été les fournisseurs d’une armée de mercenaires fanatisés, chargés de déstabiliser tout le Moyen-Orient à leur profit.


Nous expliquerons donc à M. Poutine qu’il ne suffit pas d’avoir arraché les richesses du sous-sol russe aux crocs d’ivoire de Goldman Sachs et aux mâchoires en or massif d’autres banquiers, mais qu’il fallait éviter, en 2008, de laisser un néophyte, Dmitri Medvedev, ruiner le crédit de la Russie à Téhéran et au Moyen Orient en cautionnant les sanctions américaines.


Nous expliquerons aux peuples démocratiques la nécessité d’un patient apprentissage du contenu tragique et pourtant revigorant de leur future souveraineté. Souvenons-nous de ce que les trois vaincus de la dernière guerre, l’Allemagne, l’Italie et le Japon sont encore des pays occupés, que l’Allemagne de Mme Merkel joue encore les femmes de ménage à enseigner seulement la diététique et la morale à une Europe anesthésiée et que la seule ascèse qui conduise les peuples libres à la grandeur politique est celle qui leur fait aimer les dangers que leur solitude leur fait courir parmi les fauves. L’angoisse des arènes est inséparable des responsabilités souveraines.


Le premier pas de tout chef d’Etat européen serait de demander résolument le départ des troupes d’occupation américaines d’Allemagne, d’Italie et du Japon. Nous y ajouterions des remerciements, parce que la diplomatie est une forme de la courtoisie entre les Etats – mais nous savons qu’il n’est jamais arrivé dans l’histoire du monde qu’un pays occupé par des troupes étrangères aurait disposé autrement qu’en trompe-l’œil, des prérogatives et des apanages d’un véritable Etat. Puisque notre classe dirigeante est demeurée enfantine et benête et puisque toute l’élite politique des démocraties nées du Candide de Voltaire, ignore ces évidences, nous les expulserions de l’arène.


  3 – La démocratie et le principe de l’égalité devant la loi


Et maintenant, étudions Lycurgue et observons la scission actuelle de la population mondiale entre deux catégories de citoyens de rangs différents. Cette scission a présidé aux funérailles de toutes les sociétés et de toutes les civilisations. L’empire du Milieu a fait naufrage à la suite de l’hypertrophie du mandarinat des lettrés, la Rome antique a commencé, sous Tibère, d’autoriser les légions à camper dans l’enceinte de la ville, où elles ont non seulement fait et défait les empereurs à leur fantaisie, mais bien vite subordonné les Romains à leur loi.


Mais la variante militaire de la scission interne des Etats obéit à un schéma qu’illustre désormais l’omnipotence de la bureaucratie : Justinien avait six cents barbiers attitrés avant que les Germains vinssent y « mettre de l’ordre », comme disent les Allemands d’aujourd’hui. De nos jours, le Président Hollande dispose d’un coiffeur personnel dont les appointements s’élèvent à ceux d’un ministre.


Et pourtant, le XXIe siècle n’est ni celui de Tacite, ni celui d’Henri IV d’Allemagne, qui humilia le pape Grégoire VII à Canossa. Les terres de Arioviste servent désormais de champ d’exercice et de rampe de lancement aux troupes américaines appelées à gesticuler aux frontières de la Russie. Quand une civilisation a abandonné à la fois sa terre et ses armes, le champ est libre pour la foule des petits chambellans des Etats modernes qu’on appelle maintenant des fonctionnaires.


Pour qu’un Etat qualifié de démocratique conquière sa souveraineté pleine et entière sur la scène internationale, le peuple doit échapper à la coupure mortelle entre deux catégories de la population. Apprenons donc de Lycurgue que la moitié d’un peuple ne saurait appartenir à une essence supérieure et exercer sur l’autre moitié une suprématie due à son essence et quintessence, donc anticonstitutionnelle par définition.


Mais nous observerons que, deux siècles seulement après la Révolution, toutes les nations dites démocratiques se trouvent à nouveau divisées entre deux fractions du peuple, séparées par un fossé social et politique aussi profond et non moins infranchissable que sous la monarchie. Mais, du moins l’Ancien Régime n’affichait-il pas la tromperie de prétendre incarner le principe à la fois républicain et biblique d’une égalité mythologique de ses sujets devant la cour et les grands, tandis que le trône de la démocratie principielle proclame universelle une égalité mythique, donc chimérique et pourtant censée incarnée.


Observons combien l’inégalité des citoyens devant la loi s’exprime désormais jusque dans leur chair, observons combien la démocratie dite égalitaire sécrète une titanesque classe para ecclésiale, dont l’un des privilèges les plus exorbitants et de « droit divin », si je puis dire, n’est autre que l’inégalité de traitement effectif des malades tant devant le corps médical que devant le concept de démocratie auquel l’Etat sert d’autel et d’offertoire. En effet, la masse des Français salariés se trouve rangée à l’écart de la caste des petits aristocrates du pouvoir politique, dont la noblesse s’est seulement rapetissée derrière des guichets. La multitude des pauvres hères ligotés aux entreprises privées se gardent bien de l’imprudence de se porter pâles – sinon, trois jours durant, leur carcasse perdra sa pitance et il a été question de leur en faire perdre quatre. Puis jetons un regard aux cinq millions de charpentes que nous voyons jouer les malades imaginaires aux frais de la nation – et cela tout le temps qu’il leur prendra fantaisie de goûter aux pathologies simulées.


Comment voulez-vous que l’obésité administrative d’une démocratie de malades imaginaires ne s’agrippe pas à l’Etat comme leur seringue aux médicastres du grand Siècle, comment voulez-vous qu’un Etat retranché sur l’Aventin et devenu le défenseur des nouveaux privilèges ne suscite pas un nouveau Sieyès?


Souvenons-nous des lois de Sparte, la seule cité dont la Constitution ait su associer l’autorité des rois à celle d’une sorte de conseil constitutionnel chargé de l’assister et de contrôler en permanence l’exercice de ses fonctions, souvenons-nous de ce que les décisions élaborées en commun par ces deux instances législatives étroitement associées étaient soumises à l’approbation ou au rejet du peuple. Pour aboutir à cet équilibre, Lycurgue avait dû s’entourer d’une garde de trente citoyens lourdement armés. La légende raconte qu’à l’occasion de la promulgation d’une loi sur les grandes fortunes, il fut attaqué en pleine rue et qu’on lui creva un œil. A la vue de son visage ensanglanté, la foule fut saisie de honte. On le raccompagna chez lui avec toutes les marques de vénération alors en usage.


Si aucun Lycurgue ne venait remettre à flots le vaisseau alourdi de hochets coûteux qu’on appelle l’Europe, ce continent empruntera le même chemin de la mort qu’un certain Empire du Milieu, dont on sait qu’il était devenu à lui-même sa cité interdite.


Mais n’oublions pas que, de surcroît, vingt-six ans après la chute du mur de Berlin, l’Europe demeure occupée par cinq cents bases militaires américaines, de Narwick à Sigonella et de l’Angleterre à la Roumanie. Sitôt que le Président Trump sera enfin entré effectivement en fonctions, ce seront les constitutions mêmes des Etats vassalisés sous le sceptre de l’OTAN qu’il faudra remettre sur le droit chemin. En effet, la loi fondamentale de ces vassaux les place à perpétuité sous la domination du Pentagone.


Il sera impossible à la Russie de ne pas soulever d’emblée cette question focale avec la Maison Blanche.



source: http://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagic/1024/tstmagic/decodage/europe_ame.htm


 




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