L'indépendantisme québécois traverse actuellement des heures sombres. Le Parti Québécois, obéissant docilement aux diktats des chantres du renoncement national au profit des " vraies affaires ", et à moins d'un virage spectaculaire que rien ne laisse présager, s'apprête à adopter tranquillement un programme qui ne l'engage qu'à de la gouvernance provinciale, comme c'était déja le cas dans les faits depuis l'élection de 2008.
Au même moment, et comme par hasard, un consensus assez fort traverse toutes les mouvances politiques québécoises, autour du constat d'une impasse, d'un sentiment de bloquage. On dit qu'on piétine, qu'on manque de vision, que rien n'aboutit. Dans cette dépression quasi générale, l'estime-de-soi collective en prend pour son rhume.
Curieusement, rarement souligne-t-on que cette morosité triomphe au moment même où nos horizons sont plus provinciaux qu'ils ne l'ont été depuis des décennies. Généralement, le commentateur sérieux -- ou lucide... --, s'abstient rigoureusement de voir une relation de cause à effet entre ces deux facteurs. Mieux encore, ceux qui dénoncent l'immobilisme québécois sont souvent les mêmes qui insistent pour qu'on n'envisage surtout pas l'indépendance. Rien que d'en parler serait une immonde perte de temps.
Au surplus, dans ce contexte déjà psychologiquement mal barré, on ne prend pas toujours la pleine mesure du changement d'orientation majeur des péquistes, tant et si bien que derrière la cacophonie gauche-droite-progressiste-conservatrice, la joute partisane sur fond de question nationale perdure, même rendue complètement factice par le réalignement du PQ.
On voit le parfait exemple de ce débat qui tourne à vide quand des péquistes, ou de leurs supporteurs, dénoncent la démission souverainiste de François Legault; cet apparent désaccord est un leurre. Ou du moins, il se fonde sur des nuances qui, dans les faits, sont bien ténues.
Loin d'être des concurrents du PQ, les " ex " comme Legault, Facal, Bouchard et cie, peuvent très bien servir de caution à la démarche péquiste, qui consiste depuis quelques années à baisser la barre souverainiste toujours plus bas, dans une sorte de descente sans fin qu'on s'empresse d'accentuer à la moindre occasion. Voici, en quelque sorte, une aile non-partisane qui défriche le terrain de la démission, sur lequel le PQ peut ensuite s'avancer plus confortablement.
Le fondateur de la CAQ disait cette semaine, dans une entrevue radiophonique, qu'il sait qu'une partie de la députation péquiste pense, comme lui, que l'indépendance est hors de portée dans un avenir prévisible. Que semble faire Legault actuellement, comme Facal et Bouchard incidemment, sinon relayer, en dehors de la ligne de parti, une pensée péquiste qui hésite à s'exposer trop brutalement au grand jour ?
Tous les signes de cette pensée sont là : Pauline Marois repousse l'accession à l'indépendance dans le champ de l'improbable, Jonathan Valois n'en finit plus d'annoncer la faillite du souverainisme, Bernard Drainville dit que les québécois " ne sont pas prêts ", Louise Beaudoin ne rêve plus au " grand soir ", Gérald Larose " congédie le référendisme ", qu'on remplace aussitôt par de la gouvernance de province... Legault et les autres allaient déjà dans ce sens lorsqu'ils étaient encore au PQ, et ils ne vont qu'un tout petit peu plus loin aujourd'hui.
Même sans être dans le secret des dieux, on voit bien que souverainistes et ex-souverainistes sont beaucoup plus semblables que différents. On peut donc imaginer qu'ils puissent éventuellement trouver un terrain d'entente, et qu'un jour ou l'autre, certains qui sont, au fond, des faux dissidents, réintègrent le PQ, ou qu'une forme quelconque d'alliance se fasse, propulsée par la déconfiture libérale. En résulterait une mouvance nationalisto-provincialiste unifiée, qui pourrait se réaliser même dans l'éventualité où le mouvement de M. Legault se serait déjà transformé en parti.
Donc, même s'il est possible que les marques de commerce péquiste et souverainiste soient en péril, c'est essentiellement l'objectif indépendantiste qui écope, alors que se multiplient les vendeurs d'étapisme et de renoncement.
Pourtant, l'indépendantisme demeure, même dans ses creux de vague à quarante pour cent d'appui dans les sondages, un dénominateur politique commun parmi les plus forts au Québec.
Cette tendance de fond mérite mieux que la désolante classification au rayon des idées radicales et utopiques que lui font subir ses dépositaires actuels. Or, rien n'indique que le grand effouèrement souverainiste ne soit sur le point de s'arrêter. Le Québec médiatico-politique risque donc de continuer de crier à l'impasse encore longtemps, et de chercher des solutions de midi à quatorze heures, tout en faisant semblant d'ignorer l'impitoyable tribut de la tutelle politique.
Il est bien dommage que tant de politiciens et de militants troquent la volonté de régler cette question fondamentale, contre l'espoir du petit plaisir, médiocre et éphémère, que procurerait une victoire des Dupond bleus contre les Dupont rouges.
Entre l'impasse, le déni, et le jeu partisan
L'indépendantisme écope
Voici, en quelque sorte, une aile non-partisane qui défriche le terrain de la démission, sur lequel le PQ peut ensuite s'avancer plus confortablement.
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
4 mars 2011Nous devons tous envahir le PQ et l'obliger à profiter des mesures favorables à l'indépendance qui c'est évident sont toutes réunies
MCN21 et éxigeons des élections référendaires pour récupérer notre gaz notre pétrole nos minéraux notre langue nationale et nos droits internationaux..
Gilles Bousquet Répondre
4 mars 2011M. Bouchard, tant que la majorité des Québécois va être fédéraliste, le PQ ne pourra faire plus que procéder à des gestes de souveraineté du genre : Adopter une constitution québécoise, améliorer la loi 101, tenter de récupérer des pouvoirs du fédéral etc.
Si le PQ tente d'aller plus vite ou plus loin que la majorité des Québécois le veuille, il va frapper un mur solide.
Nic Payne Répondre
3 mars 2011Bonjour Monsieur Bouchard,
En 2010-2011, ce ne sont pas 30%, comme le prétend ci-haut M.Bousquet, que je salue, et qui aime bien faire dire à des chiffres ce qu'ils ne disent pas, mais bien 40% environ de Québécois qui sont favorables à l'idée d'un pays souverain. Cet appui était à 50% il y a six ans, et il a été en moyenne de 46% depuis quinze ou vingt ans.
Si les péquistes décidaient demain matin de se donner une vraie démarche indépendantiste, ils ne seraient pas seuls, loin de là.
Par ailleurs, il est vrai que le fait d'invoquer l'incapacité d'agir, au PQ, n'est pas nouveau. Cependant, la situation actuelle est quand même inusitée parceque nous sommes loin du dernier référendum, le PQ n'est pas aux prises avec l'usure du pouvoir, et la conscience nationale québécoise a beaucoup cheminé depuis 1995. Or, le PQ est moins engagé qu'en 1976, ce qui est franchement surprenant.
Aussi, j'aime le débat et suis à l'écoute des opinions d'autrui, mais je ne considère pas l'amour partisan comme un argument en soi. Comme disait l'autre, " les faits sont têtus ". Il ne faut donc pas perdre confiance en ses idées quand l'opposition qu'elles reçoivent est davantage partisane que bien étayée, ceci dit en tout respect pour ceux qui appuient et apprécient les positions péquistes pour ce qu'elles sont. Et ils sont nombreux.
Salutations,
N.P.
Archives de Vigile Répondre
3 mars 2011Bonjour M. Payne,
je pense qu'un certain nombre d'entre nous sur Vigile sont bien d'accords avec vous mais je pense aussi que la majorité ne veut pas entendre ce discours. Vous le savez. Je pense que peu de gens ici sur Vigile se préoccupent de cette dynamique de conditionnement que vous décrivez, comme s'ils démissionnaient devant l'ampleur du problème en se réfugiant dans un militantisme puéril. Je ne vise personne, j'espère ne choquer personne. Je répète depuis des années qu'on ne travaille pas sur l'essentiel, on reste toujours en superficie. Même si 30% ou 40% de gens sont souverainistes depuis des décennies, les médias et tous les commentateurs autorisés ont toujours banalisé cela. Chaque année depuis 1995 on nous rentre dans la tête que ce n'est pas le temps, les gens ne veulent pas de référendum, etc., etc. Ça marche, les gens en viennent à intégrer ces réalités fabriquées.
Gilles Bousquet Répondre
3 mars 2011M. Nic Payne, même s’il y a 40 % de souverainistes, ce n’est pas assez pour faire la souveraineté. Sans compter que le dernier récent sondage Léger marketing réduit le nombre de souverainistes à 30 % « 24 % PQ plus 8 % Québec solidaire » avec un parti politique imaginaire, à être Messieurs Legault, viré fédéraliste et Sirois full-fédéraliste qui irait chercher 30 % des votes. Les souverainistes qui songent à voter pour cette coalition sont certainement mous de la constitution. Ça veut dire qu’ils sont prêts à renoncer, à la première occasion.
Le PQ ne peut, quand même pas, être plus dur que les Québécois qui seront appelés à voter OUI, au prochain référendum.