Apprécié, invité aux meilleures tables, frayant avec le gratin politique et économique, Jean Charest s’est taillé dans la Ville Lumière une place enviable et rentable... |
On comprend mieux pourquoi Jean Charest a décidé de ne pas se présenter à la chefferie du Parti conservateur du Canada. Outre les raisons qu’il a lui-même évoquées, l’associé de McCarthy Tétrault brasse de grosses affaires, notamment à Paris où il passe presque une semaine par mois.
Pour participer à des réunions de conseils d’administration, mais aussi pour réaliser de discrets mandats de « conseils stratégiques » pour, entre autres, l’Association des industries aérospatiales du Canada qui l’a chargé de mettre en place un plan pour assurer la croissance à long terme de ce pôle économique.
Chose certaine, il a peu de temps pour jouer au touriste à Paris. Au moins une fois par mois, il se rend au siège-social de Publicis Groupe, la troisième agence en communication dans le monde qui affichait 8,9 milliards d’euros de revenus à sa dernière année financière.
Élisabeth Badinter. Photo : Wikipédia
Il y siège au conseil de surveillance de la firme, est membre de son comité de nomination et surtout, il préside le comité d’audit. À ce titre, il veille à la qualité des contrôles financiers internes et de gestion des risques. Le cumul de ces fonctions lui a assuré des jetons de présence de 80 000 euros (116 800 $) en 2018. Au fil des années, il a également acquis 1 400 actions de Publicis qui valent maintenant 60 600 $.
Mais la véritable valeur de ces fonctions n’est pas que monétaire. Sa présence au conseil de Publicis le met en contact avec des joueurs clés d’Europe et d'Amérique du Nord. Au comité de nomination, il siège en compagnie d'Élisabeth Badinter. Cette dernière est non seulement la plus importante actionnaire de Publicis, ayant hérité d’un bloc d’actions valant plus de 1,5 milliard de dollars, mais c’est également une intellectuelle de haute voltige qui a ses accès dans les meilleurs salons de l’Hexagone.
Marie-Josée Kravis et Henry Kravis. Photo : Flickriver
Au conseil de Publicis, il croise également Marie-Josée Kravis. L’économiste d’origine montréalaise est aujourd’hui l’épouse d’Henry Kravis, un financier new yorkais qui a accumulé une fortune évaluée à 5,5 milliards de dollars US avec sa firme éponyme de placements privés, qui a tenté, sans succès en 2007 de mettre la main sur BCE.
À la même réunion il peut également échanger avec Cherie Nursalim, la vice-présidente du conseil de GITI-GROUP, une entreprise de Singapour qui contrôle GITI-TIRE qui emploie 33 000 personnes dans ses usines chinoises.
Ces entrées et ces contacts renforcent la position de rainmaker de l’avocat de McCarthy qui a débuté sa pratique en droit criminel à Sherbrooke et dont le book of business annuel dépasse maintenant deux millions de dollars selon des observateurs avertis du milieu juridique.
Cherie Nursalim. Photo : Worldfuturecouncil.org
Les eaux les plus poissonneuses au monde…
L’autre point de chute de Jean Charest à Paris est Tikehau Capital qui se spécialise dans les placements alternatifs.
La firme fondée en 2004 s’est taillé une place enviable dans le milieu très concurrentiel de la dette privée, du financement immobilier intérimaire et des placements privés. Avec des actifs sous gestion de 24,8 milliards d’euros, Tikehau, qui tire son nom d’un l'atoll polynésien réputé abriter les eaux les plus poissonneuses au monde, continue sa croissance rapide.
François Fillon. Photo : secoloditalia.it
Jean Charest a joué un rôle stratégique dans cette aventure. En 2017 et 2018, Me Charest a été le pivot dans le recrutement des membres du conseil consultatif international de Tikehau.
Pour réaliser ce mandat, qui prévoit aussi « un accompagnement dans le développement international de la société », Me Charest a reçu 120 000 euros ( 30 000 euros par trimestre). Fait à noter, les documents réglementaires notent que pour cette période, la prestation de service a été assurée par Chardi inc, la société de gestion de M. Charest créée en 2013 et qui a comme adresse son domicile de Westmount.
Enrico Letta. Photo : Twitter
Chez Tikehau, l’ancien premier ministre peut côtoyer un autre ancien premier ministre, François Fillon, candidat défait de la droite à la dernière élection présidentielle française et Enrico Letta qui fut premier ministre d’Italie en 2013 et 2014.
Tikehau a de grandes ambitions en Europe et également en Amérique de Nord et il y a de fortes chances que Jean Charest continuera d’agir comme passerelle entre des investisseurs potentiels et des influenceurs capables de faire avancer les dossiers du fonds d’investissement.
Les déboires de M. Charest avec l’UPAC ne pèsent sûrement pas lourd dans la balance outre-mer. En France, le financement occulte des caisses électorales est presque un sport national et la mise sous enquête d’un politicien est devenu quasiment un passage obligé...