La « canadianisation » des élections québécoises

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Sans transcendance nationale, la politique québécoise est condamnée à l'insignifiance

La Coalition avenir Québec (CAQ) en a presque fait son slogan : pour la première fois en 50 ans, les élections cet automne ne porteront pas sur la question nationale. Est-ce dire que personne ne parlera de souveraineté d'ici le 1er octobre? Sûrement pas. Le premier ministre Philippe Couillard mettait en doute encore cette semaine l'attachement de François Legault au fédéralisme.


Il n’empêche que le chef caquiste a raison de dire que cette campagne sera différente, alors que les Québécois semblent prêts à faire leur choix autrement.


C’est un changement paradoxal, puisqu'à l'échelle du Canada, le Québec se prépare essentiellement à voter comme les autres. En d’autres mots, la différence cette année, c'est qu'il n'y aura pas de différence, ou si peu, entre une élection québécoise et une élection, disons, manitobaine.


En témoignent les intentions de vote dans les sondages, mais pas seulement. A mari usque ad mare, tous les partis se vantent de présenter des « propositions concrètes », et des solutions « pragmatiques » aux électeurs.


On parle d'impôt, de commerce, de services offerts à la population, mais ce qu'on appelait à une époque « le projet de société » paraît beaucoup plus difficile à cerner.


Les électeurs-clients


Le débat sur la question nationale écarté, la voie est libre, au Québec comme dans les autres provinces canadiennes, pour les clientélismes politiques.


Une réforme de la taxe scolaire pour les contribuables, des places en garderie pour les familles, un troisième lien pour les gens de Québec : les partis ont un produit sur mesure pour l’électeur, comme une boutique pour son client.


Les niches sont même géographiques, alors que d’autres clivages viennent s’ajouter à la traditionnelle opposition entre la ville et la campagne. Maintenant, l’offre politique se décline différemment dans l’ouest et dans l’est de Montréal, pour Québec, pour l’Outaouais, pour le 450, ou pour les régions.


Comme en Ontario


De quoi colorer la campagne électorale de teintes nouvelles pour le Québec, mais déjà à la mode chez nos voisins. Cette fin de semaine, le Congrès des Jeunes libéraux marque officieusement le début de la campagne du PLQ. Il y en a pour tout le monde : on parlera autant de voitures électriques que de minorités visibles ou d'économie.


Doug Ford a remporté l'élection chez nos voisins en surfant sur une vague de mécontentement populaire à l'égard du gouvernement libéral sortant. La CAQ ne promet pas de bière de à 1 $, ou de sortir le Québec de la bourse du carbone, mais elle compte sur un désir de changement semblable.


Même le soupçon d’antagonisme qu’entretient François Legault avec Ottawa, dans le dossier des demandeurs d’asile notamment, n’est pas étranger au discours du premier ministre ontarien. D’un côté comme de l’autre, le fédéral doit « prendre ses responsabilités », ce qui est assez populaire chez les électeurs.


Plus que jamais, la recette québécoise aura cette saveur canadienne : PLQ, PQ, CAQ et QS parleront moins aux fédéralistes qu’aux anglophones, et plus aux francophones, qu’aux souverainistes. À un électorat de plus en plus diversifié, dans ce qu’il est et dans ce qu’il exige, et dont la loyauté est désormais plus proche de celle du consommateur, que du partisan.