Enveloppé dans un drapeau représentant de l'English Defence League défie un groupe de policiers.
Photo: Reuters
Mali Ilse Paquin, collaboration spéciale La Presse (Londres) Ils ont la croix de saint Georges tatouée sur le coeur. Ils combattent l'«islamisation» de l'Angleterre. Et ils ont pour allié le terroriste norvégien Anders Behring Breivik. Les «croisés» au crâne rasé de l'English Defence League déversent leur haine dans les quartiers musulmans depuis deux ans déjà. Leur popularité est telle qu'ils envisagent de former un parti politique.
Le 3 septembre, samedi après-midi. Les Londoniens ont déserté l'est de la capitale, entre la City et le marché indo-pakistanais de Whitechapel. Environ 3000 policiers antiémeutes encerclent la station de métro Aldgate.
Derrière eux, des drapeaux anglais et des poings fendent l'air au son de chants «E-E-EDL!». Quelques milliers de membres de l'English Defence League dénigrent la charia, la loi islamique, aux portes de Tower Hamlets, la circonscription ayant la plus forte proportion de musulmans en Angleterre.
L'humeur est explosive. «Pas de mosquées dans nos rues», hurle la foule, en majorité des hommes issus de la classe ouvrière. Certains n'hésitent pas à faire le salut nazi devant les caméras.
«Nous avons des boucheries halal partout, dans un pays chrétien! Aux musulmans, je dis: «Si vous n'aimez pas notre façon de vivre, fuck off», dit à La Presse Chelsea Ann White, originaire de Bristol.
Islamophobie
Soudain, le chef du groupe islamophobe, Tommy Robinson, apparaît costumé en rabbin. En liberté conditionnelle, l'hooligan notoire nargue les autorités qui l'ont frappé d'une interdiction de manifester.
«Personne ne m'empêchera de dénoncer les islamistes qui font la loi dans Tower Hamlets. L'est de Londres appartient aux Cockneys», clame Tommy Robinson, Stephen Yaxley-Lennon de son vrai nom, avant de dénoncer des agressions perpétrées par des jeunes intégristes islamistes contre des homosexuels, un prêtre anglican et des musulmans modérés.
Même si l'English Defence League ne prêche pas ouvertement la violence, son essor fulgurant depuis juin 2009 a coïncidé avec une hausse d'attaques islamophobes dans le pays. Elles surviennent souvent dans le sillage de ses démonstrations.
Des cimetières musulmans ont été profanés à répétition à Manchester et à Leeds. Une croix gammée et le sigle «EDL» ont été peints à la bombe sur une mosquée à Luton, ville natale de Tommy Robinson. Une autre a été la cible d'un pyromane à Stoke-on-Trent, une petite ville dans le nord de l'Angleterre, où l'EDL compte 1000 sympathisants.
Lors des émeutes du mois d'août, une fausse rumeur terrorisait les musulmans de Birmingham: l'English Defence League était en route pour incendier leurs mosquées.
Amis de Breivik
Le groupe d'extrême droite, dont les sympathisants seraient au nombre de 100 000, a réussi un coup médiatique inespéré le 25 juillet dernier lorsqu'il a été affilié avec l'ennemi public numéro un de la Norvège: Anders Behring Breivik. Il a été cité plusieurs fois dans le manifeste du terroriste, dont les attentats ont fait 77 morts.
«J'ai déjà eu plus de 600 amis sur Facebook qui étaient membres de l'EDL et j'ai parlé avec des dizaines de ses représentants, a écrit Breivik dans son manifeste 2083. Je leur ai fourni du matériel idéologique (y compris des stratégies rhétoriques) dès leurs débuts.»
Invité à la BBC pour éclaircir ses liens avec Breivik, qu'il nie connaître, Tommy Robinson a lancé un avertissement au premier ministre David Cameron: «Une énorme colère couve au pays contre l'islam. Quand un gouvernement fait l'autruche et musèle des gens, cela crée des monstres.»
Dès lors, l'English Defence League a éclipsé Nick Griffin et le British Nationalist Party comme la bête noire de la presse britannique et de l'élite politique. «Il n'y a pas plus dégoûtant que l'EDL», a indiqué David Cameron le mois dernier.
Friand des coups d'éclat, Tommy Robinson, qui a été arrêté à la suite de son discours à Londres, a entrepris une grève de la faim derrière les barreaux cette semaine. Ironiquement, l'EDL le qualifie de «martyr» sur son site internet, un terme adopté par les djihadistes.
Bientôt sur les bulletins d'élections
Son incarcération ne l'empêche pas d'avoir des visées politiques. «Nous sommes en discussion pour former un parti, confirme en entrevue téléphonique Kevin Carroll, numéro deux de l'EDL. Après tout, nous représentons la voix de la majorité silencieuse.»
L'attitude de plus en plus hostile des Britanniques face à l'immigration donne des munitions aux troupes de Tommy Robinson. Le premier ministre David Cameron avait d'ailleurs promis de réduire l'immigration nette dans les dizaines de milliers avant de remporter les élections de 2010.
L'extrémisme de droite anglais n'est pas près de disparaître, croit l'expert Matthew Goodwin. «L'anxiété générale face aux musulmans et l'incertitude économique sont propices à la montée du fascisme. Il est temps d'avoir un débat honnête sur la diversité culturelle», dit le professeur de l'Université de Nottingham.
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