La jeunesse québécoise est-elle en train de devenir canadienne?

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Une affaire de subordination politique





La nouvelle en a surpris plusieurs, mais on se demande bien pourquoi : les jeunes Québécois, à la différence de leurs ainés, réhabilitent la part canadienne de leur identité. Alors que depuis la Révolution tranquille, l’identité québécoise avait tendance à s’affranchir du cadre canadien, elle semble aujourd’hui s’y redéployer au moins partiellement. Plusieurs seront surpris : on misait traditionnellement sur le renouvellement des générations pour assurer le progrès de l’idéal souverainiste. Il faudra voir les choses autrement. C’est à tout le moins le résultat d’une enquête à laquelle Alec Castonguay donnait un écho sur le site de L’Actualité.


Il y a probablement plusieurs manières de lire ce phénomène. Mais l’une d’elle ressort spontanément : le Québec commence à ressentir intimement les effets de son maintien dans une fédération qui nie son caractère national. La Révolution tranquille autonomisait le Québec politiquement et culturellement. Le Québec accédait à une pleine conscience de lui-même. Pour certains, il fallait redéfinir le Canada sur le base d’une entente dualiste. Pour les autres, l’indépendance était le destin naturel du peuple québécois. Mais si l’indépendance échouait, on pouvait s’attendre à un reflux de la conscience nationale. Nous y sommes. Tous les repères de la conscience collective se brouillent.


Un peuple vaincu politiquement risque de l’être culturellement. Le Canada, depuis toujours diront certains, depuis 1982, diront d’autres, cherche à neutraliser l’identité québécoise. Il ne s’agit pas de dissoudre tous les aspects de la culture québécoise, évidemment, mais de la dissoudre comme identité de référence fondatrice d’une légitimité collective et d’un pouvoir politique. Les Québécois doivent devenir des Canadiens comme les autres. Ils pourront ensuite conserver les traits culturels qu’ils voudront, puisque cela ne portera plus à conséquence dans la configuration des institutions.


On a longtemps redouté l’assimilation des Québécois. Puis la peur s’est dissipée. On croyait l’existence du Québec pour toujours assurée. Souverain ou pas, on croyait sa modernité garante de son identité. C’est qu’on avait oublié la puissance des institutions sur l’identité collective, ou pour le dire autrement, du régime canadien sur l’identité québécoise. Aujourd’hui, l’assimilation prend d’abord la forme d’une canadianisation des consciences et des esprits. Les Québécois ont intériorisé, ou du moins, intériorisent à grande vitesse les prescriptions idéologiques qui fondent le régime de 1982.


À tout le moins, c’est le cas des élites et des nouvelles générations qui n’ont jamais connu l’affirmation nationale autrement qu’à la manière du récit d’une génération dont elles ne partagent pas vraiment l’imaginaire politique. On peut aussi, dans le cas de la jeunesse, y voir un effet de l’éducation dénationalisante qu’on lui inflige depuis une vingtaine d’années. Le mauvais sort réservé à l’enseignement de l’histoire est essentiel dans ce portrait. Il a été détourné par une logique pénitentielle, culpabilisante, qui en vient inévitablement à handicaper l’identité collective. La transmission de la référence québécoise a de moins en moins lieu.


Évidemment, les leaders fédéralistes masqueront la dimension politique de cette résurgence du sentiment canadien. Ils y verront l’effet d’une réconciliation enfin bienvenue des Québécois avec l’ensemble des citoyens de la fédération, et probablement même le signe d’une ouverture des consciences conforme à l’éthique de la mondialisation. Ce discours sera claironné médiatiquement, on s’en doute bien. Il ne faudra pourtant pas y voir autre chose qu’une tentative de voiler l’évidence : la recanadianisation des Québécois masque leur déquébécisation identitaire et confirme comme jamais leur subordination politique.




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