La nécessité d’un appel d’air

Ne tirez pas (que) sur le pianiste !

Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!

On éprouverait certainement moins d’agacement à constater, sur Vigile, l’unanimité presque totale des critiques à l’encontre du PQ si on la voyait à tout le moins tempérée par un regard lucide sur les intentions et motivations de la population québécoise, population qui semble avoir choisi la fuite en avant comme projet de société. Le fait que la critique soit ici cristallisée sur le principal vecteur de changement m’apparait en effet relever d’un aveuglement à l’égard de l’électorat qui n’est en rien salutaire pour la suite des choses.
Car peut-être après tout n’est-il pas inutile de dire que le Québec s’use et use les voies les plus prometteuses, qu’il participe lui-même au cynisme politique par son amnésie, sa passivité, son incohérence, son immaturité politique, que l’indignation ne le touche qu’à peine, qu’il a apparemment d’autres chats à fouetter, qu’en d’autres mots le Québec s’ennuie profondément et que, pendant qu’il regarde ailleurs s’il y est, le train passe et celui-ci ne repassera peut-être pas au moment où on voudrait bien qu’il passe.
Mais de s’arrêter à cette colère, cette colère bénéfique qui devrait animer ceux pour qui notre avenir signifie quelque chose, ne nous apporterait qu’un bref soulagement. Soyons généreux et allons-y donc plus modérément de quelques brèves observations additionnelles, des plus factuelles aux plus personnelles, à propos de la population du Québec et de ses humeurs. Qu’en conclurons-nous sinon par la nécessité d’un appel d’air ?
Ce qui caractérise en premier lieu la population québécoise est évidemment sa division linguistique. Il n’est pas inutile de rappeler que celle-ci se découpe selon un axe qu’on peut sans mal tracer entre, d’une part la langue maternelle française et, d’autre part, les langues maternelles anglaise et autres. Les attitudes et motivations politiques de chaque segment de la population ainsi découpée sont parfaitement inégales. Nous avons d’une part une portion de la population (francophones) qui ne croit pas vraiment que la question nationale soit une priorité et, d’autre part, une autre portion (anglophones et allophones) qui en tient compte de manière systématique. Chaque sondage le démontre : les anglophones et allophones votent massivement pour le PLQ alors que les francophones dispersent leur allégeance. C’est là une autre caractéristique de la politique québécoise : la dispersion du vote francophone par opposition à l’unité du vote anglophone et allophone. A la division linguistique s’ajoute donc la dispersion du vote francophone.
Une autre caractéristique, assez étonnante, de l’électorat francophone est la recherche constante du « sauveur ». La saveur du mois est en ce moment Legault. Mais tour à tour nous avons vu en Lévesque, Bouchard, Dumont, Layton une incarnation de celui qui allait peut-être nous mener à bon port. Il est évident qu’une démarche de la sorte ne s’accompagne pas toujours de convictions fortes. Par ailleurs, on voit qu’elle n’oriente pas toujours le vote dans une direction compatible avec les intérêts du Québec.
Peut-être pourrions-nous ajouter que l’appétit de « changement » éclipse chez nous le désir du « Changement », le vote du 2 mai apparaissant à cet égard assez révélateur. Or, redisons-le : le seul changement qui n’a pas eu lieu est celui qui ferait du Québec un pays. La fuite en avant semble caractériser trop souvent les choix des québécois francophones.
De même a également fini par s’imposer la volonté de s’extraire du champ politique, conçu essentiellement comme un jeu partisan, comme tentative illusoire de se situer « au dessus de la mêlée ». Au point où fédéralisme et souveraineté sont souvent renvoyés dos à dos comme postures essentiellement partisanes, la fameuse « troisième voie » seule semblant désormais trouver grâce aux yeux des électeurs qui paraissent refuser leur part de responsabilité dans cette dévaluation de la politique.
Par ailleurs, la population du Québec est relativement sourde à un discours national conséquent, assimilé par elle trop souvent à une forme de partisanerie (ou de ringardise) dont elle se méfie plus que jamais. ‘Anglicisation’, ‘Assimilation’, ‘Minorisation’, ‘Poids politique’, ‘Langue’, ‘Histoire’ : des mots, des concepts qui ne comptent presque plus - aussitôt sont-ils exprimés qu’ils sont détournés de leur sens, avalés dans le jeu politique où se joue pourtant notre destin.
Sans doute observe-t-on encore chez les Québécois cette volonté de croire, fondée sur l’illusion qu’un jour le Canada nous réserve enfin en son sein notre place que nous voudrions privilégiée ou alors celle, tout aussi néfaste, voulant que désormais nous pouvons tout simplement faire comme s’il n’existait pas. C’est ainsi qu’on accepte de vivre dans un pays auquel nous n’adhérons pas sans que cela ne nous émeuve outre mesure. C’est ainsi qu’on accepte de faire « comme si de rien n’était ».
***
Que tirer de ces quelques observations ? L’ampleur du vide laissé après le cycle de Meech (qui a pris fin avec le dernier référendum) est immense. Qu’on le veuille ou non, le rejet du Québec était alors un facteur important de mobilisation.
On ne construit évidemment pas une politique de responsabilité sur un sentiment de rejet.
Du point de vue souverainiste/indépendantiste deux voies semblent maintenant se dessiner : une qui, prenant acte du manque de « volonté » de la population, remet la souveraineté à « plus tard »; une autre qui exige un raffermissement de la démarche vers l’indépendance. Il s’agit probablement d’une fausse alternative.
Il ne saurait être question de mettre de côté le projet de faire du Québec un pays : il est même urgent de le faire. Mais, faute de circonstances favorables, l’idée selon laquelle le mouvement souverainiste/indépendantiste s’attirerait davantage d’appuis en se « radicalisant » ne me semble reposer sur rien d’autre que des vœux pieux.
Son avenir passe moins par sa radicalisation que par le développement et la poursuite de son « hégémonie intellectuelle » et, bien sûr, par sa prise du pouvoir.
Comme il y a urgence en la matière, on admettra que la locomotive la plus apte pour ce faire est le PQ.
Il faut tenter de contrer l’errance de la population québécoise. Il est pour cela inévitable de refonder le discours souverainiste/indépendantiste. Il est à souhaiter que cette refondation, attendue depuis le dernier référendum, devienne une étape marquante et capitale du mouvement souverainiste/indépendantiste.
Les bases de celle-ci devraient pouvoir être nettement dégagées du climat politique actuel. En voici quelques-unes, parmi les plus évidentes :

- S’imposer comme force politique et intellectuelle;
- Affirmer fortement et clairement l’importance de la question nationale;
- Identifier fortement et clairement les enjeux actuels d’une politique nationale;
- Identifier fortement et clairement la volonté de faire du Québec un pays;
- Convaincre les francophones que leur avenir est entre leurs mains;
- Affirmer que le vrai changement est celui de faire du Québec un pays;
- Inscrire ce projet dans la perspective d’un renouveau pour le Québec;
- Affirmer que ce projet ne peut être qu’une œuvre collective;
- Faire en sorte que ce pays ne soit pas une coquille vide;
- Réaffirmer un discours national conséquent.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    15 octobre 2011

    Monsieur Maréchal
    Je vous ai lu avec beaucoup d'intérêt mais moi, présentement, je n'attends plus rien de nos dirigeants politiques québécois tous confondus qui sont tous vendus à la machine fédéraliste et économique de Bay Street et qui avec les médias capitalistes au Québec travaillent sans arrêt pour notre disparition collective en nous lavant le cerveau à journée longue avec leur propagande faciste pour nous empêcher de prendre conscience que l'indépendance du Québec est la seule solution valable pour nous éviter de basculer dans l'assimilation, dans la perte de nos repéres collectifs avec cette immigration débordante qui est en train de nous tibétiser pour employer une expression de monsieur Noël.
    J'en suis rendu à penser que la seule solution immédiate pour éviter que ça bascule dans le non-retour, c'est le retour du FLQ pas moins! Lorsqu'une bête est attaquée et dans ses derniers retranchements, méfiez-vous en! Nous en sommes là! Les dissertations, les grandes sorties philosophiques, le verbiage inutile, le mombrilisme, je ne veux plus en attendre parler; c'est de l'action que ça prend au Québec pour nous sortir de cette situation précaire que nous vivons et nous n'avons plus de temps à perdre si nous ne voulons pas disparaître définitivement comme nation.
    André Gignac 15 oct 2011