La réforme du mode de scrutin - Et si on se concentrait sur l'essentiel?

2005

mardi 4 janvier 2005
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Au Royaume-Uni, la loi électorale ne s'appelle pas The Election Act mais The Representation of the People's Act. Le but d'un mode de scrutin est d'assurer la représentation des citoyens conformément à leur volonté. Au Québec, la tradition est de voir les élections comme un objectif en soi, en perdant de vue qu'elles ne sont qu'un processus technique pour enregistrer la volonté populaire.
Pas facile de savoir ce que le peuple veut quand, depuis toujours, les partis politiques ont pris sur eux de décider qu'il ne voulait que deux ou trois partis, qu'il voulait un gouvernement à majorité artificiellement soufflée, qu'il tenait mordicus à une relation électeur/élu que pourtant toutes les études et tous les sondages indiquent comme presque inexistante.
Ce ne sera pas beaucoup plus facile aujourd'hui de savoir ce que le peuple veut si les organismes et les partis prennent sur eux de décider pour le peuple qu'il veut une multiplication des partis à l'Assemblée, qu'il veut exactement autant de femmes que d'hommes comme députés, qu'il veut établir un quota d'élus à partir des communautés ethno-culturelles, etc.
Et si on se concentrait sur l'essentiel ? Si on cherchait un système qui enregistre la volonté populaire le plus fidèlement possible ? On finirait peut-être par savoir ce que le peuple veut sans que ses objectifs lui soient dictés par les partis traditionnels ou les nouveaux.
Le projet actuel du gouvernement du Québec constitue, dans notre histoire, le premier pas parlementaire important en cette direction. Il s'agit d'un avant-projet de loi, ce qui donnera à la Commission parlementaire un maximum de latitude pour y intégrer ce qu'apporteront les consultations populaires. Espérons maintenant que la consultation sera authentiquement populaire et non pas dominée ni par les experts, ni par les intérêts particuliers de partis ou d'organismes.
Analyse douteuse
En ce sens, la récente lettre au Devoir (22 décembre 2004) en provenance de l'Union des forces progressistes (UFP) rend un service douteux. Je sympathise avec Paul Cliche qui mène le combat de la réforme depuis toujours et à qui on doit beaucoup dans le fait qu'on se retrouve finalement devant une volonté gouvernementale. Mais a-t-on le droit de dire qu'une réforme qui a «pour effet de rétablir l'équité entre les trois partis actuels représentés à l'Assemblée nationale» constitue «pire qu'une innocente réforme cosmétique...tellement boiteux qu'il ne saurait même pas être considéré comme un premier pas valable vers une vraie proportionnelle» !
Que la réforme établit une représentation effectivement proportionnelle entre les trois partis sur lesquels se concentrent présentement plus de 90% du vote, ce n'est quand même pas sans conséquences très positives. Dire que le gouvernement n'agit qu' «en concoctant un nouveau mode de scrutin fait sur mesure pour qu'il conserve le pouvoir», c'est carrément malhonnête quand on sait que le Parti libéral du Québec, comme le Parti québécois et l'Action démocratique du Québec, obtiendra une proportion de sièges très près de ce que lui auront accordée les électeurs.
Les porte-parole de l'UFP soulèvent des considérations bien plus sérieuses quand ils réclament un double vote pour l'électeur ou encore un seuil qui fasse que le moins de votes possible soit gaspillé. Ce sont deux objectifs qui rejoignent directement la qualité du geste électoral posé par l'électeur. Voilà le véritable objectif à rechercher.
Il se peut que les Québécois aspirent à l'entrée de nouveaux partis à l'Assemblée; il se peut qu'ils y veuillent plus de femmes; il se pourrait qu'ils veuillent même y avoir plus de femmes que d'hommes. Mais il n'appartient pas aux partis ni aux lobbies d'en décider : ça appartient aux électeurs. L'essentiel est de mettre d'abord la Commission parlementaire puis l'Assemblée nationale devant un projet de système électoral fait pour tous les électeurs, hommes et femmes, progressistes ou pas, gauche ou centre ou droite, souverainistes et fédéralistes.
Par la suite, on verra bien quel sort la volonté populaire fera aux aspirations particulières des partis et des groupes.
André Larocque
_ Professeur associé à l'École nationale d'administration publique et ancien sous-ministre à la Réforme des institutions démocratiques (1977-85, 2002-03)


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