Un an après sa sortie de la récession, la zone euro affiche une croissance au point mort, avec un moteur franco-allemand en panne et un risque de basculer dans la déflation, signe que la reprise a sérieusement du plomb dans l’aile.
Le PIB de la zone euro a stagné au deuxième trimestre, après avoir avancé de 0,2 % en début d’année. La faiblesse des investissements et des exportations semble en cause. Au même moment, le ralentissement de l’inflation, à 0,4 % en juillet, a été confirmé.
C’est une douche froide pour les analystes qui pariaient sur une croissance molle, mais pas complètement à l’arrêt.
« Après six trimestres de croissance négative et quatre trimestres de croissance positive jusqu’en début d’année, le risque est que la zone euro replonge en récession », avance Simon Smith, de FX Pro. Surtout compte tenu de la crise ukrainienne et des retombées des sanctions russes à l’encontre de l’Europe qui risquent d’assombrir les perspectives.
Une accélération de la croissance au second semestre « aurait été notre scénario s’il n’y avait pas des tensions géopolitiques », confirme Peter Vanden Houte, de la banque ING, qui ne croit plus à une croissance d’au moins 1 % cette année pour la région.
À l’échelle de l’Union européenne, la croissance a légèrement ralenti au deuxième trimestre, à 0,2 % après une hausse de 0,3 % cet hiver.
Moteur en panne
C’est la très mauvaise performance de l’Allemagne qui a le plus pesé, outre le fait qu’elle surprend. Le traditionnel moteur de la zone euro a vu son activité se contracter de 0,2 % après un bond de 0,7 %. Fait notable : l’Allemagne a fait moins bien que la France, dont l’économie stagne depuis le début de l’année. Si ce passage à vide ne devrait être que temporaire, le tableau est sombre pour la région, entre une Italie retombée dans la récession et une France embourbée dans la croissance zéro.
« La seule lueur d’espoir vient de l’Espagne, qui a affiché une croissance de 0,6 %, même s’il y a des doutes là aussi sur la durabilité de la reprise », souligne Jonathan Loynes de Capital Economics.
« C’est la bonne surprise du moment », renchérit Bruno Cavalier, d’Oddo Securities. « On a l’image d’un pays qui, forcé à des ajustements profonds par la crise financière, a restauré sa compétitivité et remis en route son économie. Tout n’est pas rose néanmoins dans l’économie espagnole. »
La croissance est également repartie au Portugal (+0,6 %) et aux Pays-Bas (+0,5 %), signe que les pays du noyau dur de la zone euro ne jouent plus systématiquement le rôle de moteur.
Pour la Commission européenne, le constat est simple : « Les pays qui ont entrepris des réformes en profondeur ont une croissance plus solide que ceux qui ont été plus timorés », a commenté jeudi un porte-parole, en appelant à maintenir le cap des réformes.
Nouvelles prévisions
Une réponse indirecte à la France qui, confrontée à une avalanche de mauvaises nouvelles, ne croit plus aux objectifs de réduction budgétaire qu’elle s’est fixés.
Le ministre des Finances, Michel Sapin, a ainsi revu à 0,5 % la prévision de croissance pour cette année (contre 1 % espéré) et a prévenu que le déficit public dépasserait 4 % du PIB cette année, au lieu des 3,8 % espérés, ce qui éloigne encore plus la possibilité de revenir sous les 3 % en 2015, comme convenu avec Bruxelles.
La France a lancé au début de l’été une offensive, avec l’Italie, pour desserrer le carcan budgétaire européen. Après un sévère rappel à l’ordre de Berlin, Paris et Rome ont dû se contenter d’une solution a minima proposant d’explorer toutes les possibilités du pacte de stabilité.
Paris plaide également pour une action plus énergique de la BCE afin de stimuler la croissance et de lutter contre le risque de déflation qui menace de gripper encore un peu plus la machine économique. Là encore, elle risque d’être déçue. Après avoir déployé un arsenal de mesures en juin, l’institut monétaire ne devrait plus agir jusqu’à la fin de l’année, le temps de voir si son action porte ses fruits, selon les analystes.
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