La santé mentale occupe une bonne partie du débat public par les temps qui courent, notamment le manque de ressources humaines et les délais interminables avant d’obtenir un rendez-vous avec un spécialiste.
Dans la foulée de ce débat, j’ai senti le besoin de vous faire part de mon expérience personnelle à laquelle j’ai été durement confronté au cours de l’année 2013 lorsqu’une dépression nerveuse sévère liée à des épisodes d’anxiété est venue changer ma vie et celle de ma conjointe.
Au moment où les premiers symptômes sont apparus, j’ai dû faire face à des commentaires inappropriés de la part de certaines de mes connaissances qui me laissaient entendre à mots couverts que je devais me ressaisir et reprendre le cours normal de ma vie, un tabou qui subsiste encore malheureusement aujourd’hui eu égard à la dépression nerveuse, une maladie mentale fort mal connue.
Et pourtant, chaque matin, je m’éveillais dans un monde où quelque chose d’incontrôlable s’était emparé de moi, une sorte de force d’attraction sournoise qui me maintenait prisonnier d’une nostalgie inextricable. Mes journées me semblaient interminables. Je dormais pour fuir ma triste réalité, et les réveils me confrontaient inévitablement à mon monde de désoeuvré où le temps s’était arrêté.
Or un jour où mes idées s’entremêlaient dans ma tête avec la vigueur d’un tsunami, ma conjointe m’a convaincu de me conduire à l’hôpital, plus spécifiquement à l’urgence en psychiatrie. Après toute une panoplie de tests et quelques rencontres avec des spécialistes, on a finalement décidé de me garder à l’hôpital où je fus conduit dans une chambre en psychiatrie avec deux autres patients qui occupaient déjà les lieux. Pris de panique le lendemain matin, on m’a conduit dans une chambre à occupation simple où je pouvais bénéficier d’une certaine intimité bienfaisante.
Après quelques heures, je suis sorti de ma chambre. Devant moi, un long corridor et, tout au bout, une porte close. C’est alors que j’ai réalisé que ma liberté m’avait été confisquée pour cause de maladie mentale sévère. Je suis retourné à ma chambre et je me suis étendu sur mon lit, les yeux rivés sur le plafond, le petit hamster s’étant remis à tourner dans sa cage…
Puis les jours, les semaines ont passé comme dans un scénario dans lequel je vivais le jour de la marmotte, une routine implacable qui me conduisait de ma chambre au corridor à la salle de télévision où les mêmes visages, aux mêmes heures, avaient les yeux braqués sur le petit écran.
Deux ou trois fois par semaine, je rencontrais mon médecin, une occasion que je savourais et qui me permettait d’échanger sur mes états d’âme et le fond de mes pensées, ces rencontres se terminant toujours sur l’ajustement de la médication qui, lentement, m’apportait de petites victoires qui agissaient lentement sur mon état d’esprit.
Finalement, après trois semaines d’hospitalisation, je reçus mon congé de l’hôpital, je quittais enfin ce monde où le temps semble prisonnier d’une toile d’araignée, où le corridor était devenu mon espace vital au bout duquel une porte close me ramenait implacablement à la cruelle réalité.
Si j’ai cru pertinent de vous livrer humblement ce témoignage, c’est d’abord pour dénoncer les tabous entourant la dépression nerveuse, pour vous faire prendre conscience aussi du monde parallèle dans lequel la maladie mentale peut nous conduire malgré nous, mais surtout pour mettre en lumière que l’espoir est toujours présent au bout du tunnel pour autant que nous sommes bien entourés d’une équipe médicale compétente et d’une personne qui nous supporte dans l’évolution en dents de scie de notre maladie.
Henri Marineau, Québec
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