Censure des médias

La souveraineté, plus personne n’a envie de parler de ça!

Chronique de Louis Lapointe

« Pas encore un film sur la souveraineté ? » Pour les cinéastes, ce projet fut la croix et la bannière. Ils se sont fait rabrouer tout au long du processus. Impossible de trouver un diffuseur. Les portes se fermaient aussitôt. « "Plus personne n’a envie de parler de ça" », nous disait-on. C’est quasiment devenu tabou, la souveraineté aujourd’hui », constate Jean-Pierre Roy. Une petite somme du désormais défunt Fonds canadien de la vidéo indépendante (44 000 $) leur a donné un coup de pouce. Le projet, né au cours des années 70, tomba à l’eau plusieurs fois. Il doit en partie la vie aux nouvelles technologies : une caméra HD, une équipe parfois souvent réduite à deux, surtout en Europe, la volonté...
Questions nationales au FFM: tryptique d’un rêve d’indépendance, Odile Tremblay, Le Devoir, 31 août 2008

Si l’on se fie aux médias traditionnels qui scrutent le web, personne au Québec ne parlerait de souveraineté. Durant l’été de 2008 qui a précédé l’élection américaine, Radio-Canada a engagé Philippe Marcoux pour nous informer de ce qui s’écrivait sur la blogosphère aux États-Unis, évitant par le fait même les médias de la blogosphère québécoise, même si deux élections s'y préparaient, prétextant que presque rien ne s’y écrivait au Québec. Antoine Robitaille écrit régulièrement dans son carnet web à propos des blogues adéquistes et conservateurs de la région de Québec, comme les Cyniques riaient des créditistes et de l’Union nationale dans les années 60 et 70.
Mais qui parle de ce que publient les indépendantistes, de ce qui s’écrit sur Vigile en particulier? Dans sa chronique du Devoir d'hier matin, parlant de médias citoyens, Paul Cauchon nous entretenait à propos de Rue 89, un journal électronique français. Un journal internet que citait également Marc Laurendeau à l’occasion de sa revue de presse d'hier matin à C'est bien meilleure le matin. Le seul chroniqueur à avoir évoqué Vigile au cours de la dernière année est Michel David, dans sa chronique du Devoir du 11 juin dernier, Enfermez-le, et quelques mois auparavant à C’est bien meilleur le matin, parlant alors des purs et durs que nous sommes.
L’indépendance, plus personne n’aurait envie de parler de cela, trop plate, pas assez drôle. Pourtant, durant les deux campagnes électorales de l’automne dernier, sans compter tous mes collègues de Vigile, à moi seul*, j’ai signé plus de 40 chroniques portant exclusivement sur les élections. Pendant cette même période, l'équipe de Vigile a battu tous ses records de visiteurs. J’ai été le premier chroniqueur, tout journal et blogue confondu, à annoncer le 25 septembre 2008 un revirement de l’élection dans Le Bloc en avance : les Québécois se méfient de plus en plus des conservateurs. Le lundi 22 septembre 2008, j’étais un des premiers à réagir vivement à l’attaque de Michael Fortier contre la démocratie dans Ne plus élire de députés à Ottawa sauverait encore plus d’argent. Le 23 juillet 2008, juste avant de partir en vacances, j’avais écrit Les vacances de Pauline où j’annonçais le sort qu’allait subir le Parti québécois s’il continuait à refuser de parler d’indépendance. Le 4 juillet dernier, cette année encore, juste avant mes vacances, j’ai écrit Le grand écart où je proposais des raisons possibles à la chute récente du PQ dans la faveur populaire.
Non seulement Vigile n’existe pas pour les médias traditionnels, mais il n’existe pas non plus pour le PQ. Mme Marois préfère suivre les conseils des éminents fédéralistes que sont André Pratte et d’Alain Dubuc. Pendant sa campagne électorale de l’automne dernier, elle s’est même levée à 5 heures du matin pour aller faire du jogging afin de prouver aux lecteurs de la grosse Presse qu’elle était en forme.
Pourtant, de l’autre côté du spectre politique, Vigile a d’excellents analystes politiques que Mme Marois devrait lire un peu plus souvent pour s’en inspirer. Malgré toutes les critiques de Vigile, jamais il ne lui serait venu à l’idée de s’adresser directement aux indépendantistes tout au long de sa campagne pour leur parler d’indépendance et les inciter à aller voter pour faire avancer la cause, sauf timidement à la toute fin, une fois que les jeux étaient faits. Trop dangereux pour le vote des mous! Elle a préféré remettre ça après les élections. D'ailleurs, quelqu'un aurait-il vu traîner son fameux bâton de pèlerin en quelque part au fond d'un garde-robe?
Comment ne pas évoquer les excellentes chroniques de Patrice Boileau et d’André Savard portant sur l’actualité politique, celle de Bruno Deshaies sur l’histoire, les colères de Bernard Desgagné et les chroniques de Josée Fontaine sur la Belgique. Le chaos que connaît actuellement la Belgique serait à l'image du sort qui attend le Québec dans 50 ans, si nous ne proclamons pas bientôt notre indépendance.
S’ajoutent à ceux-ci, les très prisées libres opinions des Barberis-Gervais, Cloutier, Poulin, Moreno, Pomerleau, Desroches et plusieurs autres dont je ne peux citer tous les noms tant ils sont nombreux à produire des réflexions intelligentes sur Vigile.
L’indépendance est un sujet qui intéresse encore plusieurs personnes, même beaucoup de personnes, Vigile en est la preuve vivante. Ce sont les grands médias, tous fédéralistes, sans exception, qui ne veulent pas en traiter.
Toutes les raisons sont bonnes pour parler et écrire au sujet de ce qui s'écrit ailleurs sur la planète, de ne pas parler et écrire au sujet de ce qui se fait ici, au Québec, dans nos médias indépendantistes. Nous, de Vigile, serions biaisés parce que nous sommes ouvertement indépendantistes. Pourtant, même si tous les médias de Gesca - La Presse, Le Droit, Le Soleil et tous les autres - sont ouvertement fédéralistes, on les cite abondamment dans toutes les émissions de Radio-Canada où on invite régulièrement leurs éditorialistes qui sont eux aussi ouvertement fédéralistes, à venir commenter l'actualité. Cela ne poserait aucun problème d'éthique journalistique pour la représentation du poids de l’opinion publique, alors que plus de la moitié de l’auditoire et du lectorat francophone est en faveur de l’indépendance.
Comme dirait mon beau-père, Ce qu'on ne sait pas, ça fait pas mal! En savoir plus, ça rend juste plus malheureux! Une vérité qu'applique à la lettre notre bonne Société Radio-Canada lorsqu'il s'agit de parler, ou plutôt de ne pas parler des médias qui défendent ouvertement l'indépendance du Québec!
* Il est souvent hasardeux de se citer soi-même en exemple, mais comme je suis un cas que je connais bien, j'espère que mes lecteurs me le pardonneront!

Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 889 081

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 septembre 2009

    Tout à fait d'accord avec M. Lapointe.
    D'ailleurs, cela fait maintenant environ 2 ans que j'attends que la Commission d'accès à l'information traite enfin ma plainte contre Radio-Canada qui signe des ententes secrètes avec La Presse dans le dos des citoyens.
    Pendant ce temps, les propagandistes gescaïens sévissent avec la toujours même régularité sur les ondes publiques de la SRC que les chroniqueurs de Vigile et les Québécois qui les lisent financent à même leurs taxes et impôts...
    C'est à faire vomir!
    P.B.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 septembre 2009

    Que ce soit l’étude de l’histoire-du-temps-présent ou celle du passé, notre tradition semble confirmer notre manière d’analyser la vie politique dans une perspective événementielle. Par exemple, Stéphane Kelly dans La petite loterie (Comment la Couronne a obtenu la collaboration du Canada français après 1837, Les Éditions du Boréal, 1997) recherche surtout le rôle des acteurs dans l’histoire plutôt que celle des structures qui hypothèquent lourdement la pensée indépendantiste.
    Il raconte l’histoire tragique des Étienne Parent, Louis-Hyppolite LaFontaine et Georges-Étienne Cartier qui se rangent de guerre lasse dans le camp des collaborateurs du Canada-Anglais. On sait aujourd’hui qu’ils sont légion. Pourtant, beaucoup d’entre eux étaient des révoltés au début de leur carrière. La situation n’a pas changé au XXe siècle et elle perdure en ce début du XXIe siècle. Rien ne nous annonce la fin prochaine de ce processus de démission.
    Depuis l’Acte constitutionnel de 1791, les Canadiens se complaisent dans la politique-domaine-des-rivalités, de cette lutte politique qui oppose des acteurs (voir les hommes et les femmes politiques, les partis politiques, bien évidemment, les journalistes et tous les activistes du débat public qui pérorent sur notre situation de colonisés qui est, dans les faits, une situation encore plus grave soit celle de notre ANNEXION AU CANADA-ANGLAIS. Nous sommes annexés.
    L’intérêt pour les Québécois-Français consisterait plutôt, aujourd’hui, à aborder la politique-programme-d’action qui concerne principalement la prise de décision. Cette transformation de notre comportement culturel nous permettrait de mettre en évidence le but à poursuivre et surtout de mettre le cap sur la finalité de l’action que sur la poussière des événements que nous vivons quotidiennement, Ce nouveau regard permettrait probablement aux indépendantistes en réserve de l’action politique partisane ou des débats stériles et répétitifs d’entrevoir le mouvement qui obligerait la société québécoise à endosser un point de vue nettement indépendantiste. Aucun changement, en ce moment, ne s’annonce dans cette direction. Nous demeurons dans le parle, parle, jase, jase…

  • Louis Lapointe Répondre

    1 septembre 2009

    Il est toujours périlleux de faire des énumérations. J’aurais dû citer la contribution monumentale de Luc Archambault, sans qui le visage de Vigile ne serait sans doute pas le même. Plusieurs me diront qu’il serait difficile, voire impossible de résumer l’un ou l’autre de ses textes à l’occasion d’une revue de presse. Peut-on résumer une œuvre artistique ? Voilà pourquoi le net lui convient parfaitement.
    Salut Luc !
    Louis Lapointe

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    31 août 2009

    En France nous avons en effet rue 89 ainsi que Médiapart, un journal internet crée par un journaliste qui s'est séparé du journal le Monde, Edwy Plenel. Mais cette immense liberté d'expression que permet internet, comme ici sur Vigile, indispose un grand nombre de personnes. De telle sorte que le pouvoir est déjà arrivé à faire voter au parlement français, la loi Hadopi, sous couvert d'une bonne raison, même si cette loi enfreignant visiblement les libertés, n'a pas été accepté dans toute son intégrité, elle existe cependant, et c'est d'ores et déjà une porte ouverte, disons entre'ouverte, afin que dans l'avenir il soit extrêmement facile de lui donner davantage d'extansions, pour que le tour soit joué, et internet enfin contrôlé... Et bien sûr avec lui tous ceux qui se permettent d'échanger sur autre chose que la pluie et le beau temps !
    Aujourd'hui on se contente d'ignorer superbement ces médias-là et les personnes qui l'alimentent, cf. chez vous Vigile, comme nous l'explique Monsieur Lapointe.
    Quant à la citation de Jacques Attali par Grand Papa , elle souligne malheureusement la stricte vérité et elle est tristement d'actualité .
    Internet est un outil merveilleux mais qui met en danger ceux qui se targuent de décider, en apportant au vulgum pecus les informations que ces derniers auraient du continuer d'ignorer, tout en leur permettant, en plus, ce qui n'est pas acceptable, non mais! d'en discuter... des gens ignorants sont plus facilement satisfaits de leur sort et il est tellement plus aisé de les manipuler!

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2009

    « L'Internet représente une menace pour ceux qui savent et qui décident. Parce qu'il donne accès au savoir autrement que par le cursus hiérarchique. »

    Jacques Attali
    Extrait du journal Libération - 5 Mai 2000

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2009

    M. Lapointe,
    notre condition de colonisés n'est pas le résultat de forces internes, mais externes, bien qu'elle soit en partie entretenue par des forces internes.
    Les Québécois ont besoin de comprendre ces forces externes qui réussissent à réprimer leurs tentatives d'émancipation.
    Ils n'ont pas besoin d'interminables articles qui leur font la description de leur condition de colonisés.
    Ils connaissent leur condition, à l'interne.
    Leur annoncer que Metro fait ses dépliants en anglais, ou qu'un spectacle des Plaines d'Abraham se prépare, ils s'en balancent. Ils connaissent leur condition de colonisés.
    Ils n'ont pas besoin de savoir ce que le petit pantin Charest a mangé pour son déjeuner à chaque matin.
    Ils ont besoin de savoir qui contrôle Charest et qui contrôle celui qui contrôle Charest.
    Une vue d'ensemble.
    Le problème est peut-être que de se rapprocher de qui contrôle Charest, nous exposerait à qui contrôle Marois ?
    Les Québécois ne sont pas dupes.

  • Gilles Bousquet Répondre

    31 août 2009

    Sans être un expert, je dirais que les trois quarts des interventions sur Vigile sont de nature à critiquer le PQ et son chef. Pas trop bon pour attirer l'amour du PQ, me semble.
    On a beau affirmer que : Qui aime bien châtie bien mais ici, on châtie un peu trop le PQ sur un site qui se dit indépendantiste.