La ville écossaise d’Aberdeen frappée de plein fouet par la chute des prix du pétrole

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Le sort qui guette Calgary

A Aberdeen, le pétrole est une longue histoire pleine de hauts et de bas: la ville du nord de l’Ecosse est au creux de la vague et serre les dents en priant pour une remontée des cours de l’or noir tout en se préparant à la mort programmée de ses champs pétroliers.
“La situation est critique. 65.000 emplois sur 440.000 dans l’industrie et les sous-traitants ont été supprimés. Tout Aberdeen est touché et le pire est à venir, pour certaines compagnies, 2016 est un trou noir”, prédit sombrement Jake Molloy, responsable du syndicat RMT des travailleurs offshore.
Selon RMT, 12.000 travailleurs offshore ont été licenciés depuis le début de l’année.
“Avant, les gars partaient travailler ailleurs, en Afrique, au Mexique ou au Canada, mais maintenant c’est pire encore ailleurs”, souligne M. Molloy, alors que le prix du baril de Brent, le brut produit en mer du Nord qui fait référence internationalement, stagne autour des 50 dollars, contre 115 dollars en juin 2014.
Dans l’austère ville de granit gris du nord-est de l’Ecosse, l’inquiétude règne: hôtels et taxis sont au ralenti, et les licenciements frappent, en particulier les sous-traitants, victimes de la réduction des coûts de l’industrie.
“Je savais qu’il y avait des licenciements, mais j’ai été surpris que ce soit moi qu’ils choisissent, je travaillais dur depuis des années”, raconte Raymond Lovie, 48 ans, employé par Subsea 7, spécialisé dans la fabrication d’infrastructures sous-marines pour les champs pétroliers.
Victime d’un accident du travail à Pointe Noire (Congo), le pied cassé, il a été remercié dans la foulée, un coup dur alors qu’il vient d’adopter un petit garçon, explique-t-il la gorge serrée dans son petit pavillon.
Le jeune député d’Aberdeen du parti indépendantiste écossais SNP, Callum McCaig, 30 ans, reconnaît “une situation difficile” mais relativise en soulignant que le taux de chômage est plus bas à Aberdeen qu’ailleurs en Ecosse.
Le SNP, qui vient de tenir congrès à Aberdeen, suit les cours du pétrole attentivement puisque l’Etat écossais indépendant auquel il aspire serait largement financé par cette manne aux revenus fluctuants.
– Le déclassement des plateformes, prochain enjeu en mer du Nord –
Outre son coût social élevé, le bas prix du baril va précipiter la fermeture de puits à l’exploitation devenue trop onéreuse, une opération, appelée déclassement, qui implique le démantèlement des plateformes.
La mer du Nord, où l’activité a démarré dans les années 70 et 80, va ainsi servir de terrain de jeu à la plus grande opération jamais entreprise en la matière.
“C’est un processus qui va prendre entre 30 à 40 ans et coûter entre 50 et 60 milliards de livres. Et le déclassement ne va pas renverser la tendance à la baisse de l’emploi si l’industrie continue à rétrécir”, souligne à l’AFP Chris Young, auteur d’un rapport sur ce sujet pour KPGM, société d’audit et de conseil fiscal.
Pour lui, le démantèlement des plateformes est un enjeu stratégique et l’industrie doit se lancer dans le processus sans trop attendre.
L’autorité du secteur, liée au gouvernement, est plus prudente, craignant un effet domino car la fermeture de certains puits rend plus onéreuse l’exploitation des autres, ce qui risque à son tour d’entraîner leur fermeture.
D’après une étude de Wood McKenzie, 140 champs pétroliers pourraient toutefois être déclassés d’ici cinq ans, et même si le baril remontait à 70 dollars, 50 champs cesseront leur activité plus tôt que prévu. Parallèlement, les nouveaux forages ne cessent de diminuer –14 nouveaux champs pétroliers seulement en 2014 et sans doute moins en 2015.
“Le déclassement est inévitable mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Cela va donner beaucoup de travail à l’industrie des services”, estime Colin Welsh, qui dirige la banque d’investissement Simmon and Co.
L’enjeu pour Aberdeen est de récupérer les emplois créés.
Callum McCaig a ainsi demandé au gouvernement que les allègements fiscaux concédés à l’industrie aient pour contrepartie des emplois réservés aux Ecossais.
“Le déclassement est l’occasion d’ouvrir une nouvelle phase pour Aberdeen, de développer des technologies et du savoir faire. Sauf si on emmène les plateformes en Corée du Sud pour y être démantelées comme je l’entends dire. Ce serait très bien pour la Corée mais pas pour Aberdeen!”, souligne-t-il.


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