Lac-Mégantic : Ottawa écoutera-t-il enfin ?

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Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) n’a pas attendu la fin de son enquête sur la tragédie de Lac-Mégantic pour enjoindre le gouvernement à finalement passer aux actes et à imposer des normes plus sévères pour tous les wagons-citernes de catégorie 111, et pas seulement pour les modèles récents. Ces derniers sont soumis à de nouvelles normes depuis le début du mois de janvier.
Le bureau recommande que :
«Le ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration [des États-Unis] exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont mis en cause dans des accidents».
La liste des exigences suggérées est claire : «des coques plus résistantes, des enveloppes extérieures, des boucliers protecteurs complets, une protection thermique et des dispositifs de décharge de pression de grande capacité».
Le BST avait deux autres recommandations à faire jeudi. Il veut que les itinéraires des trains transportant les marchandises dangereuses soient revus pour éviter les zones populeuses et écologiquement sensibles. Il demande aussi que les entreprises prévoient des plans d’urgence particuliers lorsque de grandes quantités d’hydrocarbures sont acheminées par rail.
La ministre des Transports, Lisa Raitt, a réagi par voie de communiqué en disant que le gouvernement étudiait les recommandations en question tout en vantant ce qu’il a fait jusqu’à présent. Il a omis toutefois de mentionner qu’il fait la sourde oreille aux avertissements que le BST lui sert depuis une vingtaine d’années au sujet des wagons DOT-111.
À moins d’être aveugle, le gouvernement fédéral n’a pu ignorer le fait que le transport d’hydrocarbures par rail a explosé. Le transport de pétrole brut par train est passé de 500 wagons en 2009 à 160 000 en 2013.
Si le gouvernement n’a pas vu le risque accru, on se demande sur quelle planète il logeait. Celui de la pensée magique, peut-être.
Ottawa a 90 jours pour répondre aux recommandations du BST. Le BST lui conseille, lui, d’agir rapidement. «Un retrait progressif prolongé des wagons plus anciens ne suffit tout simplement pas. Ceci laisse encore trop de risques dans le réseau», a déploré l’administrateur en chef des opérations du BST, Jean Laporte.
Espérons qu’Ottawa a enfin vu la lumière. Il ne faudrait pas qu’une autre tragédie soit nécessaire pour secouer le gouvernement fédéral, lui qui doit déjà, à cause de son inaction passée, porter une grande part de la responsabilité pour celle de Lac-Mégantic.
Et dire qu’on en est arrivé là à cause de cette peur qu’a le gouvernement d’imposer des contraintes trop lourdes ou, surtout, coûteuses aux entreprises. Une attitude qui affecte l’inspection des aliments, la surveillance des médicaments, les avis en matière de santé.
Alors qu’elle était ministre de la Santé, Leona Aglukkaq a refusé, par exemple, d’écouter ses experts qui lui conseillaient d’exiger une diminution du sel dans les aliments préparés ou encore d’y interdire la présence de gras trans. Elle avait expliqué qu’elle ne pouvait «imposer un tel fardeau réglementaire» à l’industrie de transformation alimentaire.
Ce souci pour la santé financière des entreprises explique encore l’autorisation récente accordée à l’expansion du projet d’exploitation des sables bitumineux Jackpine de la compagnie Shell. Le rapport d’évaluation environnemental concluait que le projet créerait des dommages environnementaux irréversibles et que les mesures de mitigation proposées par Shell n’avaient pas fait leur preuve.
Maintenant ministre de l’Environnement, Mme Aglukkaq a jugé, elle, que les mesures de mitigation étaient appropriées. «J’ai déterminé que le projet en question va probablement avoir des effets environnementaux négatifs», a-t-elle déclaré au moment de faire connaître sa décision en décembre, se référant à une position du cabinet voulant que ces effets «soient justifiés dans les circonstances».
Cette décision est contestée par la Première Nations Athabaska Chipewyan, voisine du site, celle-là même que le chanteur Neil Young a décidé d’aider financièrement avec sa dernière tournée de quatre concerts au Canada.


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