Lac-Mégantic - Ultimatum de Québec

La MMA et deux pétrolières ont 24 heures pour accepter de payer la décontamination et la restauration des lieux dévastés

Cb53480fbc423063023c2a6c58b6b0ea

C'est la caractérisation environnementale qui va révéler l'ampleur des dégâts et les délais de remise en état si tant est que cela soit même possible

Trois semaines après la tragédie de Lac-Mégantic, Québec somme les entreprises jugées responsables du déversement de 5,7 millions de litres de pétrole de procéder aux importants travaux de décontamination. En cas de refus, le gouvernement les réalisera et exigera par la suite d’être remboursé, quitte à entamer des poursuites. Et la facture promet d’être salée.
Le texte de l’ordonnance rendue publique lundi précise que la Montreal Maine and Atlantic Railway (MMA), qui transportait le pétrole, ainsi que les entreprises Western Petroleum Company et World Fuel Services, à qui appartenait le brut, sont tenues d’assumer les coûts de la décontamination et de la restauration des lieux. Le tout doit être entamé « dans les plus brefs délais ».

Or, jusqu’à présent, ces entreprises n’ont jamais manifesté leur intention d’effectuer ses importants travaux et de les payer, a souligné le ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, en entrevue au Devoir. « Le niveau de confiance envers ces entreprises est très bas, mais on leur donne encore la chance de se manifester. Mais elles auraient dû le faire dès le début », a souligné le ministre.

Pour le moment, la MMA ne s’est toujours pas engagée à rembourser à Lac-Mégantic les quatre millions de dollars que la Ville a dû débourser pour payer les entrepreneurs chargés de faire les travaux de nettoyage. L’entreprise doit en théorie répondre mardi à la mise en demeure envoyée par la Ville. Quant à la Western Petroleum Company et à World Fuel Services, ils ont seulement signifié leur intention de récupérer leur pétrole qui n’a pas été déversé.

Exigences de Québec

Québec exige maintenant que ces entreprises nettoient le pétrole ainsi que tous les autres contaminants dans l’eau et dans le sol. Elles devront également procéder à une caractérisation environnementale afin de déterminer « ce qui est susceptible d’avoir été affecté par le pétrole et les autres contaminants ». Cela pourrait inclure d’autres secteurs de la région où s’est propagé le panache de fumée toxique émanant du violent incendie qui a consumé une bonne partie du pétrole déversé.

Un plan d’action devra être soumis et approuvé par le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) d’ici une semaine. Celui-ci devra notamment préciser les mesures de nettoyage et de décontamination prévues. Selon ce qu’a réitéré M. Blanchet, des travaux majeurs devront être menés dans la zone rouge, lieu du déraillement du convoi de 72 wagons-citernes. Ce secteur est « lourdement contaminé », selon le ministre. Le gouvernement exige aussi que les entreprises prévoient des mesures de suivi environnemental pendant au moins les 10 prochaines années.

Elles ont 24 heures pour répondre qu’elles se conformeront à l’ordonnance décrétée en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. Mais qu’adviendra-t-il si la réponse ne parvient pas dans les délais prescrits ? « Le gouvernement garantit l’exécution des travaux jusqu’à ce qu’ils soient complétés, a répondu Yves-François Blanchet. […] Il n’y aura plus d’interruption des travaux jusqu’à ce qu’ils soient complétés. Il y aura des factures qui vont arriver. Nous, on va prendre les factures et on va les envoyer aux entreprises interpellées par l’ordonnance en leur disant : “Vous devez payer ça, sinon nous allons entreprendre des recours.” »

« Il n’y aura aucune hésitation à entreprendre des poursuites si jamais les entreprises ne paient pas les montants qui vont être réclamés », a poursuivi M. Blanchet. « Il est hors de question que ce soit les contribuables québécois qui paient le coût de cette restauration », a-t-il aussi affirmé au cours d’un point de presse lundi à Lac-Mégantic. Cela inclut, selon lui, les montants dépensés par les municipalités qui ont dû cesser de s’approvisionner en eau potable dans la rivière Chaudière.
Irving épargnée
M. Blanchet dit avoir bon espoir de pouvoir récupérer les sommes déboursées pour redonner à Lac-Mégantic et à la rivière Chaudière leur aspect d’avant le 6 juillet 2013. « Nous irons chercher l’argent là où il sera, parmi les entreprises responsables. »

Pour le moment, on en sait très peu sur la capacité de payer des entreprises visées par l’ordonnance de Québec. On ignore par exemple à quel montant s’élèvent les assurances de la MMA, et il n’a pas été possible de parler à un porte-parole de l’entreprise lundi. Québec a en outre décidé de ne pas viser Irving dans son ordonnance. C’est à sa raffinerie de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, que le pétrole était destiné. Yves-François Blanchet a expliqué que selon l’analyse juridique effectuée au cours des derniers jours, « nous ne sommes pas certains de pouvoir les mettre en cause, puisqu’ils n’ont pas pris possession du pétrole ».

Facture salée

Ce qu’on sait, cependant, c’est que la facture sera énorme. Selon Émilien Pelletier, spécialiste en écotoxicologie à l’Université du Québec à Rimouski, la catastrophe de Lac-Mégantic se conclura avec une facture qui devrait se chiffrer en centaines de millions de dollars. « Les coûts de cette décontamination seront faramineux, a-t-il affirmé la semaine dernière au Devoir. Dès qu’on parle de produits toxiques et dangereux, la facture grimpe très rapidement. On peut parler de 500 millions de dollars, peut-être même plus. Et ce montant ne comprend pas la reconstruction du coeur de la ville de Lac-Mégantic. On parle simplement de rendre le secteur “propre”. »

Québec n’est pas en mesure, pour le moment, d’évaluer ce qu’il en coûtera pour mener l’ensemble des travaux à terme. Chose certaine, le nettoyage des déversements pétroliers peut s’avérer très onéreux. En 2010, un oléoduc exploité par la pétrolière Enbridge a laissé fuir plus de quatre millions de litres de brut lourd dans la rivière Kalamazoo, au Michigan. Trois ans et un milliard de dollars plus tard, le nettoyage n’est toujours pas terminé. C’est d’ailleurs l’Agence de protection environnementale des États-Unis qui a dû forcer Enbridge à reprendre les opérations de nettoyage en mars.

Enbridge souhaite maintenant faire couler par pipeline plus de 300 000 barils de pétrole brut de l’Ouest canadien jusqu’à Montréal avec l’inversion de la ligne 9B. Le gouvernement Marois s’est montré ouvert au projet et en discute activement avec le gouvernement albertain.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->