Langues officielles: revoir nos méthodes inefficaces

Ceux qui n'ont pas encore compris le "bilinguisme canadian"!

Marie-France Kenny - Doit-on se surprendre si trois mois avant les Jeux de Vancouver, les aéroports ne semblent pas préparés à accueillir le monde entier dans les deux langues officielles du Canada, comme ils en ont l'obligation, se demande l'auteure?
À moins de 100 jours des Jeux olympiques, pendant que la flamme parcourt l'ensemble du pays, la question des services en français continue à faire couler beaucoup d'encre.
Malgré des progrès importants, le rapport publié en septembre par le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, montre bien à quel point les francophones ont encore matière à se demander dans quelle mesure ils pourront vivre les Jeux dans leur langue. On y parle entre autres des lacunes importantes des aéroports de Vancouver et de Toronto en termes de services en français. Ironiquement, ce rapport a été publié à peine une semaine après qu'on ait célébré en grand le 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles.
Comment se fait-il que 40 ans après l'adoption de cette loi qui visait à faire en sorte que les francophones du pays puissent communiquer avec leur gouvernement fédéral dans leur langue, on en soit à se demander si on pourra se faire servir en français dans un aéroport canadien? Ce qui se passe dans les aéroports à la veille des Jeux est le symptôme de quelque chose de beaucoup plus profond. Le constat est simple; la façon dont on s'y est pris pour appliquer et faire respecter la Loi sur les langues officielles est un échec. Comment expliquer autrement que seulement un bureau fédéral désigné bilingue sur quatre offre activement des services dans les deux langues aux francophones? Qu'on puisse se faire servir en français par la GRC à un point spécifique sur la Transcanadienne mais pas 10 kilomètres plus loin? Ou que dans des bureaux fédéraux désignés bilingues, trois fonctionnaires sur 10 ne puissent pas travailler dans leur langue même si c'est leur droit?
Or, si on doit parler d'un échec, ce n'est pas la Loi sur les langues officielles elle-même qui est en cause, mais bien la volonté politique et administrative de la faire pleinement respecter, une volonté qui est déficiente depuis 40 ans. Dans plusieurs cas, la façon d'appliquer la Loi, dans l'appareil fédéral, a été d'en faire le moins possible et de ménager la chèvre et le chou pour ne pas trop déranger, de répondre aux demandes ou aux plaintes au cas par cas et d'attendre un blâme officiel du commissaire avant d'agir.
Doit-on se surprendre, dans ce cas, si depuis 40 ans les gouvernements se succèdent et les rapports du commissaire aux langues officielles parlent de plafonnement, de stagnation, de recul, de manque de leadership? Plus important encore, doit-on se surprendre si trois mois avant les Jeux de Vancouver, les aéroports ne semblent pas préparés à accueillir le monde entier dans les deux langues officielles du Canada, comme ils en ont l'obligation?
Il faut que ça change
À faire les choses de cette façon pendant 40 ans, à avoir le nez collé sur le strict minimum, on en a fini par oublier quels étaient les grands objectifs de la Loi sur les langues officielles : assurer le respect et l'égalité réelle du français et de l'anglais, appuyer le développement des minorités francophones et anglophones au Canada. Il est grand temps qu'on revienne à ces objectifs. Mais surtout, il est grand temps de tirer les leçons qui s'imposent après 40 ans d'une méthode d'application de la Loi qui, clairement, n'a pas livré la marchandise et de trouver une façon de faire mieux.
La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) termine une année de réflexion de fond sur cette question. Après 40 ans, nous sommes las de nous faire répondre «Sorry, I don't speak French» ou encore «Do you speak English?» lorsque nous tentons d'être servis en français dans un bureau désigné bilingue, lorsque nous voyageons sur Air Canada ou lorsque nous passons à la sécurité de l'aéroport. Nous voulons que les fonctionnaires qui tentent de travailler en français n'aient plus à se heurter à l'inertie ou à l'hostilité de leurs collègues. Nous voulons que nos communautés francophones sentent que les institutions fédérales de leur région connaissent leurs besoins et sont intéressées à y répondre.
Voilà pourquoi la FCFA lance une proposition de réforme en profondeur du régime des langues officielles au Canada. Une nouvelle façon de faire pour assurer que la Loi sur les langues officielles soit enfin pleinement appliquée et respectée, mur à mur. Une main tendue au gouvernement fédéral pour dialoguer sur des manières concrètes de mieux respecter les droits linguistiques des citoyens canadiens.
L'occasion d'agir n'a jamais été aussi parfaite. Sondage après sondage, on voit que la dualité linguistique est une valeur importante pour les Canadiens et les Canadiennes. Il est temps de passer de la parole aux gestes : dans l'esprit olympique, nous pouvons faire mieux. Beaucoup mieux.
Dans le cas des aéroports comme dans tous les cas où la Loi sur les langues officielles n'est pas pleinement respectée, la question est la suivante : choisirons-nous encore une fois de sauver les apparences en faisant le strict minimum ou déciderons-nous enfin de corriger la situation une fois pour toutes? La réponse montrera quel genre de société nous sommes.

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Marie-France Kenny
Présidente, FCFA du Canada


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