Le baril de pétrole canadien sous la barre des 0 $

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Tout le pétrole de schiste nord-américain est en péril


Le prix du baril de pétrole canadien, le Western Canadian Select (WCS), est passé sous la barre des 0 $ lors de transactions effectuées au cours des dernières heures, affirme le premier ministre albertain Jason Kenney.




Cette situation hors du commun signifie que des producteurs paient des acheteurs pour qu’ils prennent leurs produits afin de désengorger le système.


Agir autrement pourrait contraindre des producteurs à arrêter leurs opérations, ce qui s'avérerait encore plus coûteux.


L'or noir canadien chute dans le sillage des cours mondiaux du pétrole, déprimés par les inquiétudes sur la saturation des capacités de stockage aux États-Unis et la baisse de la demande.


Le Western Canadian Select s'échange à des prix négatifs, a déclaré le premier ministre Kenney dans une série de tweets publiés avant minuit dimanche.


Tuer et retarder des pipelines nous a enclavés. La COVID-19 a fait chuter la demande. La guerre des prix Russie-Arabie-saoudite a fait augmenter l'offre, remplissant les inventaires, a-t-il ajouté pour résumer la situation.



L'avenir de centaines de milliers d'emplois est en jeu. Le secteur pétrolier et gazier est le plus important sous-secteur de l'économie canadienne. Ce sont nos principales exportations, de loin.


Jason Kenney, premier ministre de l'Alberta


M. Kenney dit apprécier que le gouvernement Trudeau ait annoncé diverses mesures pour venir en aide aux travailleurs du secteur la semaine dernière.



Mais de nouvelles mesures sont urgemment nécessaires pour assurer l'avenir d'une partie énorme de l'économie canadienne, ajoute-t-il.


Il souligne par exemple ce que le Canada a fait pour le secteur de l'automobile en Ontario, dans la foulée de la crise financière de 2008.


Le gouvernement avait alors offert d'importants prêts aux grands constructeurs automobiles pour éviter qu'ils ne fassent faillite. Il était même allé jusqu'à acheter des actions de General Motors.



Un effondrement du secteur énergétique canadien sera dévastateur pour l'économie de tout le pays, qu'il s'agisse des banques, des fonds de pension, des manufacturiers, des revenus du gouvernement.


Jason Kenney, premier ministre de l'Alberta


Radio-Canada n'a pas été en mesure de vérifier de façon indépendante si des barils de WCS ont été échangés à des prix négatifs, mais un cadre d'un fonds spéculatif, Pierre Andurand, d'Andurand Capital, affirme que c'est plausible.


Il n'y a pas de limite à la chute des prix quand les inventaires et les pipelines sont pleins. Des prix négatifs sont possibles, a-t-il écrit sur Twitter. Je ne dis pas que ça va se produire. Si c'est le cas, ce sera de courte durée.



Les cours mondiaux en forte baisse


Le prix du baril de pétrole américain poursuit aussi sa chute libre lundi, perdant plus de 30 % sous 13 $US le baril, son plus bas depuis plus de deux décennies, face à une chute vertigineuse de la demande et des réserves américaines près de la saturation.


Le baril américain West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en mai, dont c'est le dernier jour de cotation, dégringolait d'environ 38 % à 11,04 $ US vers 7 h 55 (HAE), soit son plus bas niveau depuis 1998. À titre de comparaison, il valait environ 114 $ US en 2011.


De son côté, le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne, était moins affecté. Il cédait 6,05 %, à 26,38 $ US vers 8 h 05 (HAE).


Les marchés du pétrole n'en finissent pas de plonger depuis des semaines alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies à cause de la crise du coronavirus ont fait fondre la demande, d'autant qu'une profonde récession s'annonce dans le monde.


Côté offre, le marché a été inondé de pétrole à bas coût après que l'Arabie saoudite, membre éminent de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), a lancé une guerre des prix avec la Russie pour obtenir un maximum de parts de marché.


Les deux pays ont mis un terme à leur différend au début du mois en acceptant, avec d'autres pays, de réduire leur production de près de 10 millions de barils par jour pour stimuler les marchés touchés par le virus.


Mais les prix ont continué à dégringoler quand il est devenu clair que les réductions promises ne suffiraient pas à compenser la chute massive de la demande. La plupart des analystes estiment à 30 millions de barils par jour, soit quelque 30 % de la consommation mondiale.


Le contrat sur le baril de WTI pour livraison en mai expirant lundi soir, ceux qui en détiennent doivent trouver des acheteurs physiques au plus vite. Mais les stocks ayant déjà énormément gonflé aux États-Unis ces dernières semaines, ils sont contraints de brader leurs prix.



Comme la production reste relativement peu touchée, les stocks augmentent de jour en jour. Le monde consomme de moins en moins de pétrole et les producteurs réalisent désormais que cela doit se traduire dans les cours.


Bjornar Tonhaugen, responsable des marchés pétroliers au cabinet d'études spécialisé Rystad


Le WTI et le Brent maintenant découplés


Michael McCarthy, responsable stratégie pour CMC Markets, note que la chute du WTI traduit un excès de stocks de brut au sein du terminal de Cushing, en Oklahoma.


L'indice de référence américain est maintenant découplé de celui de Brent, référence du pétrole européen, et l'écart entre les deux a atteint son plus haut niveau en une décennie, a-t-il souligné dans une note.



Les États-Unis, en tant que marché enclavé, ont les plus importants problèmes de stockages. La demande est tellement inférieure à l'offre que les réserves pourraient déjà avoir atteint 70 % à 80 % de leurs capacités.


Jasper Lawler, analyste pour London Capital Group


L'agence américaine de l'information sur l'énergie a indiqué la semaine dernière que les stocks de brut de la plus grande économie mondiale avaient augmenté de 19,25 millions de barils la semaine précédente, ajoutant aux malheurs d'un marché mondial qui était déjà surapprovisionné avant même la pandémie de COVID-19.


Sukrit Vijayakar, analyste pour Trifecta Consultants, souligne que les raffineries américaines ne parviennent pas à transformer le pétrole brut assez vite, ce qui explique qu'il y ait moins d'acheteurs et des réserves qui se remplissent.


Il y a un afflux de livraisons du Moyen-Orient et personne pour les acheter parce que les coûts de transport sont élevés, explique-t-il.


Malgré cette chute, une lueur d'espoir pour la référence américaine : le WTI pour livraison en juin, qui deviendra le contrat de référence mardi, résistait un peu mieux, ne perdant que 11,07 % à 22,26 $ US. Une telle différence entre deux échéances aussi rapprochées est extrêmement rare, voire inédite.


Cela signifie que personne ne veut ce qu'on vend aujourd'hui, mais (que certains) pourraient en vouloir dans l'avenir, a souligné Jeffrey Halley, analyste pour Oanda.


La baisse de plus de 60 % du prix du baril depuis janvier compromet la rentabilité de nombreuses compagnies pétrolières, notamment dans le pétrole de schiste en Amérique du Nord, ce qui se traduit par des fermetures de puits et des coupes dans les investissements.


Ce mouvement se répercute sur l'ensemble du secteur : le géant américain des services parapétroliers Halliburton a annoncé lundi une perte d'un milliard de dollars et dit s'attendre à une poursuite de la baisse de son chiffre d'affaires et de sa rentabilité.




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