« THE QUEBEC QUESTION FOR THE NEXT GENERATION »

Le Canada d'Irvin Studin - L'arrogance bien-pensante

CANADA «The Quebec Question for the Next Generation»



Dans un texte reproduit dans Le Devoir du 7 mars, Irvin Studin, rédacteur en chef du magazine Global Brief et professeur à la School of Public Policy and Governance de l'Université de Toronto, invoque la «nécessité d'un nouveau dialogue» entre le Québec et le Canada et déplore la «perte de culture publique au Canada sur la question québécoise». Canadiens et Québécois devraient réapprendre à «s'entre-parler», nous dit-il, en se libérant des «dogmes d'antan» et de l'«absolutisme». Pour ce faire, Irvin Studin formule en conclusion de son article six «constats» devant servir de «pistes de discussion».
Ceux qui auraient pu se laisser bercer par cette vertueuse phraséologie du dialogue ont ensuite de quoi déchanter. Car dans ces six «constats» de M. Studin, on ne trouve rien d'autre que la même ancienne machine de guerre trudeauiste destinée à écraser les ambitions nationales des Québécois. Avec une candeur qui laisse presque pantois, Studin nous explique en premier lieu que toute reconnaissance constitutionnelle du Québec doit être mise au rancard: «Il est hyper improbable que quelconque amendement [sic] multilatéral à la Constitution canadienne puisse se réaliser afin de correspondre aux "revendications" traditionnelles du Québec. La fenêtre d'opportunité pour de tels amendements s'est fermée avec le passage de l'ère Meech.»
Pour une première «piste de discussion», on peut dire que ça commence bien! Québécois, venez discuter avec nous, mais sachez qu'il est désormais exclu que le Canada puisse jamais répondre aux revendications historiques de votre nation! [...]
Angoisse et menace
Le constat no 2 («sans le Québec, il n'y a pas de Canada») exprime l'angoisse du Canada anglais de voir son beau et grand pays brisé par une éventuelle sécession du Québec. Sans le Québec, le Canada perdrait sa «continuité territoriale» et ne survivrait pas à cette rupture qui mettrait à mal sa «cohérence» économique, identitaire, géopolitique. Autrement dit: les Québécois doivent renoncer à leur désir d'avoir un pays parce qu'il est plus important de connecter les gens des maritimes aux Ontariens. Au moins, ce constat a le mérite de la franchise: Studin exprime ce que nous savions tous déjà, que si le Canada anglais n'a rien à faire des «revendications» traditionnelles du Québec, il ne songe d'abord et avant tout qu'à ses intérêts.
Avec le constat no 3, Studin se lance dans la sophistique et emploie le ton de la menace. Après nous avoir dit que «sans le Québec, il n'y a pas de Canada», l'auteur nous apprend maintenant que, selon quelque loi imaginaire de la symétrie, «sans le Canada, il n'y a pas de Québec». Mais pourquoi donc?, se demanderont les millions de Québécois qui pensent le contraire, et ce, notamment depuis que le Canada s'est engagé dans un processus tous azimuts d'arriération conservatrice. Eh bien, parce qu'un Québec sans le Canada serait «appauvri, amoindri et, certes, replié sur lui-même». L'auteur ne réalise-t-il pas toute la charge de mépris que contiennent ses paroles? [...]
Le constat no 4 ressasse l'image d'Épinal du Canada multiculturel où les «différences d'imaginaire» ont pour effet d'évacuer les différences de nations. Le constat no 5 dénote, lui, une bizarre incapacité d'envisager des scénarios alternatifs: si on suit l'auteur, le Canada ne serait pas en mesure de défendre l'Arctique après une éventuelle sécession du Québec. [...]
Mais on devine pourquoi l'auteur est incapable d'envisager ce scénario pourtant très simple: c'est que le Canada à la Studin ne peut concevoir l'idée de négocier avec un Québec indépendant, que dis-je, avec le Québec tout court. Quant au sixième constat (qui chante la promotion du «trilinguisme» et du «quadrilinguisme»), il relève encore une fois de la vieille stratégie trudeauiste visant à marginaliser le fait français en le noyant au sein de la belle et grande mosaïque multiculturelle canadienne. [...]
Le plus surprenant, dans tout ce rabâchage d'arrogantes pédanteries, c'est que l'auteur ait pu croire utile de l'enrober de son sirupeux refrain sur la «nécessité du dialogue». De deux choses l'une: soit l'auteur n'a vraiment aucune idée de la montagne de mépris que renferment ses propos à l'endroit du peuple québécois, soit il prend les Québécois pour une bande d'imbéciles capables d'avaler cette couleuvre d'un Canada souhaitant renouer le dialogue, mais obstinément fermé à toute réforme constitutionnelle et menaçant de tailler en pièces le territoire du Québec advenant un référendum gagnant.
Devant un tel mur d'incompréhension bornée, farouche et manifestement incurable, il est clair comme jamais que la seule issue possible pour les Québécois est celle de la souveraineté.
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Alain Roy, écrivain


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