Un premier constat incontournable

Le Canada n'est pas un État démocratique

L’indépendance ne pourra se faire en tournant le dos à notre passé et à nos traditions

Chronique de Gilles Verrier

Note de Vigile: Ce texte fût originalement publié en tant que commentaire sous le texte «Coming out indépendantiste» de Pierre Cloutier. Sa qualité nous incite cependant à le republier ici dans son intégralité.

Le monde anglo-saxon sioniste ne veut pas d’un État français en Amérique du Nord. Point barre. Le résultat du référendum de 1995 ; pour toute ouverture on s’est fait dire quoi ? « Nous sommes en guerre ». Et au référendum de 1980, on s’est fait promettre quoi par PET ? Voter non c’est voter oui. Qui s’en souvient ? Et Lionel Groulx a combattu toute sa vie pour que se réalise la promesse faite à un George-Étienne Cartier, demi-victime manipulée... promesse que le Canada constituait bel et bien un État formé de deux nations.

Pris un peu de court en 1995, cela ne se reproduira plus jamais. Nous sommes de retour à la tradition longue de la répression assumée ; celle de la Rébellion de 1837-38, de la Conscription, de la Crise d’octobre et des gestes d’assimilation ponctuels ou dosés au quotidien d’une nation francophone d’Amérique qu’ils n’ont jamais cessé de vouloir radier de la carte. Ce ne sont plus les Juifs qui risquent la disparition mais les 6 000 000 de petits blancs francophones d’Amérique. Les fondateurs du Canada européen, fondé sur une solide alliance continentale et essentiellement équitable avec les indigènes. Un équilibre détruit depuis avec la Conquête. Mais qui s’en émeut ! Même que nous n’avons rien à voir avec les réserves et le problème autochtone. Que le Canada britannique qui a créé la ségrégation (ici et ailleurs) s’arrange avec ses troubles dont nous devrions nous distancer, oui. Mais quel péquiste reprend cette vérité historique ? Une vérité substantivée par Pontiac, Riel et tant d’autres témoins. PKP est resté bouche bée devant la saillie de Ghislain Picard. Était-il trop « Canadian » « coupable » pour avoir une réponse pleine d’aplomb ? Il semble bien que oui.

Aucun référendum ne peut désormais se tenir dans une atmosphère démocratique minimale. Aucune concession ne sera faite de la part de nos maîtres à l’issue d’un tel exercice. Les dés sont pipés ; nous sommes condamnés à perdre. Ce qui explique la crise existentielle du PQ, qui refuse dogmatiquement depuis 1995 de prendre note de la nouvelle donne : « Nous sommes en guerre ». Pourquoi ? Des carriéristes bien intentionnés, potentiellement efficaces dans un contexte démocratique établi, se révèlent impuissants dans un contexte où il leur faudrait répondre du tac au tac dans un contexte modifié (qu’ils refusent de reconnaître) qui est celui d’une guerre classique doublée d’une guerre de quatrième génération. Ils sont canadianisés à l’os et acquis au multiculturarisme. Pour eux le Canada est un pays démocratique, voire une démocratie idéale, alors qu’il ne l’a jamais été à notre égard. Coucou ! Dans quel histoire fantasmé vivent les bisounours qui nous font croire que le Canada paiera allègrement des droits de passage pour les navires qui franchissent la voie maritime du St-Laurent ? On n’hésite pas à faire la guerre à la Syrie pour que le gazoduc passe du Qatar à la Méditerrannée plutôt que de l’iran à la Méditérrannée (et autres motifs). Okinawa et Porto Rico ne peuvent se libérer des griffes étasuniennes. Le Québec serait-il dans ce contexte géostratégique un ilôt dans l’espace ?

L’indépendance n’est pas qu’un projet d’enrichissement. C’est un projet de fidélité envers nos pères et de continuité humaine. Une épopée n’ayant peu de comparables. Et elle demandera un combat féroce que nos pères catholiques (il faut simplement le rappeler comme une vérité historique et combattre le nouveau tabou nihiliste à cet égard) ont mené dans des conditions adverses mais que la présente génération refuse de mener. La garde partagée ayant préséance sur la garde nationale.

L’indépendance ne pourra se faire en tournant le dos à notre passé et à nos traditions, car sa justification en émane. L’abandon de nos valeurs traditionnelles sous l’influence délétère du libéralisme anglo-saxon-protestant, cette rupture avec notre passé, nous expose plus que jamais à la fin de notre existence. Aucune libération nationale ne pourra désormais vaincre sans un retour au nationalisme organique-patrimonial tel que le préconisait Yves Michaud (Michel Chartrand, Pierre Bourgault...), avant d"être ostracisé par le PQ (et aussi bien sür par ses ennemis du PL). Le lynchage d’Yves Michaud par le Parti québécois représente pour ce parti le renoncement à toute dignité nationale et représente dans son fonds l’assujettissement de ce parti aux volontés de nos maîtres. Il est le renoncement du nationalisme organique au profit du multiculturalisme péquiste (canadian), soit un assujettissement idéologique du PQ au Canada et au mondialisme. Voilà le sens de l’affaire de l’affaire Michaud, qui n’est pas, même par euphémisme, une bévue de l’Assemblée nationale.

Que nos bisounours forts en gueule battent de la mâchoire et redisent à répétition les mêmes litanies ne changera rien à la donne. Leur position ne contient que peu de pertinence dans le Canada français - Québec assiégé. Leur discours part d’un a-priori inexistant, celui de Claude Morin-René Lévesque, qui ferait du Canada un pays fantasmé, soit un pays démocratique envers l’ethnie fondatrice canadienne (canadienne dans le sens de Samuel de Champlain), un pays qui tout en nous assimilant doucement ou férocement, selon les circonstances, depuis 1840, reconnaîtrait nos droits, des droits dont il n’a incidemment jamais pris note... malgré les promesses de PET et de tant d’autres. Suffirait-il maintenant. selon certains, de lui démontrer notre volonté par référendum... Certains raccourcis peuvent se fracasser droit dans le mur. Notre volonté de vivre n’a-t-elle pas maintes et maintes fois été exprimée ? Ce n’est pas tant le manque de légitimité de notre cause qui fait défaut mais le manque de bonne foi, voire la turpitude de ceux d’en face qui pose problème. Il faudrait peut-être commencer par questionner le Canada sur les certitudes qu’il voudrait nous faire partager, comme le font un peu les autochtones, ce serait déjà faire un pas en avant. Il faudrait d’abord être un tantinet moins patriote « Canadian » de mentalité pour être indépendantiste.

Gilles Verrier, 20 juin 01h29

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Gilles Verrier140 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2016

    « Un premier constat incontournable » dites-vous, Gilles Verrier, et vous avez bien raison.
    Un second corolaire découlant de ce premier constant serait qu’il ne sera pas possible avant très-très longtemps qu’il s’instaure en Amérique du Nord un nouveau Cuba, ou un autre Vénézuela, ou encore un autre Panama.
    Un parti politique qui inscrirait son discours dans une direction isolationniste s’isolerait tout d’abord lui-même, et lamentablement, de l’électorat principal qu’il voudrait représenter. Il serait exclu d’office des affaires sérieuses, en particulier du Pouvoir.
    Ni Ottawa, et bien moins encore Washington ne tolèreraient un Québec indépendant si celui-ci s’isolait. Il n’y aura pas davantage au Québec d’arabes de l’eau qu’il n’y eut jamais de ces « arabes de l’amiante ». Ce n’est plus depuis très-très longtemps la Game à jouer par le P.Q…

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2016

    @ Pierre Desgagnés
    Merci pour votre commentaire très intéressant qui ouvre lui aussi sur de nouvelles perspectives. On a beaucoup parlé de «mise à jour du discours indépendantiste» sans que jamais ce voeu ne porte ses fruits dans l'antre péquiste. C'est donc un peu à la marge de celui-ci que le nouveau paradigme prend forme.
    La récente visite de Vladimir Poutine au mont Athos constitue, estime-t-on, un événement marquant pour le monde orthodoxe. Pour nous, il serait important de chercher des chemins qui nous sortent de la laïcité maçonnique d'inspiration anglo-saxonne pour explorer avec un regard neuf les relations qui animent l'État et la religion en Russie, de même que les relations inter ethniques en Russie, pays qui compte des centaines de minorités, pour apprendre de leur succès en la matière, lesquels se matérialisent (entre autres) dans des institutions adaptées : oblast, krai, villes fédérales, etc. Le centre de gravité de tout cela est fait des valeurs russes traditionnelles qui forment le socle de l'unité du pays. À part l'Écosse et la Catalogne qui piétinent, il y a ailleurs des succès qui pourraient davantage nous servir.
    Il apparaît que le néo-nationalisme moderne qui s'oppose à une sorte de déferlante mondialiste qui fait table rase ne pourra s'imposer qu'en composant avec une forme de retour aux valeurs traditionnelles. Chez nous, le fondement catholique de l'Amérique francophone qui a fait ses preuves en nous faisant durer et nous affirmer pendant trois siècles, alors que les valeurs néo-libérales adoptées depuis 50 ans risquent au contraire de détruire tout ce qui a été édifié au fil du temps. Jacques Sapir, spécialiste de la Russie, qui n'est pas lui-même un traditionaliste, reconnaît qu'une certaine part de traditionnel, un enracinement assumé, représente un élément incontournable de la solution pour les nations qui ne veulent pas disparaître sous le rouleau compresseur du mondialisme apatride.
    On se serait fait bourrer sur ce qu'est le progrès et sur ce qui ne l'est pas. Il est temps de revoir les dogmes néo-libéraux (multiculturalisme, laïcité, dictature des minorités, etc.). J'ai compris qu'être progressiste aujourd'hui c'est s'opposer assez souvent à ce qui est imposé comme étant le progrès par le système.
    Merci de souligner le contenu inhabituel de ma contribution, j'espère qu'elle attirera d'autres lecteurs comme vous chez Vigile.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 juin 2016

    « Le terme "apocalypse" signifie littéralement "moment où tous les mensonges sont révélés"
    Curieuse coïncidence. Je lisais dernièrement un texte sur internet (1), le Katechon (2) Russe face au globalisme. En gros, L’ÉtatRusse retient comme il peut la marée du libéralisme occidental athée, ce qui augmente la pression sur la Russie dans toutes les directions et menace de déclencher un conflit militaire direct sans ambiguïté. L’Eglise quant à elle, mène une guerre spirituelle, et se prépare à affronter la tendance œcuménique et progressiste lors du prochain Conseil pan-orthodoxe qui se tiendra en Crête à la fin juillet. Tout cela commenté par la télévision orthodoxe Tsargrad (3) dont le rédacteur en chef n’est autre qu’ Alexandre Douguine.
    Verra-t-on au Québec une similitude avec la Russie, j’en doute. Trop américanisé, trop laïcisé. Le salut viendra peut-être de la France où l’Italie, il s’y passe beaucoup de choses ces temps-ci.
    Est-ce que le Québec saura s’en inspirer, je le souhaite de tout cœur.
    Votre texte m. Verrier, développe des idées que l’on ne voit pas souvent, sur ce site, j’apprécie votre audace.
    Pierre Desgagné
    (1) http://www.les-non-alignés.fr/le-katechon-russe-face-au-globalisme/
    ( 2) Le Katehon – Katechon – est un concept que le juriste et philosophe Carl Schmitt utilise dans sa théologie politique afin de désigner une figure théopolitique qui aurait pour effet de « freiner » (ce que désigne le terme grec « katechon ») l’universelle dissolution propre à la modernité et aux anti-valeurs héritées des lumières. Carl Schmitt reprend ce terme de la deuxième lettre aux Thessaloniciens de Saint Paul, où l’apôtre explique que le retour du Christ n’adviendra qu’une fois l’Antéchrist régnant sur la terre. Mais pour qu’il advienne, il faut d’abord que ce mystérieux Katechon – celui qui freine ou retient la venue de l’Antéchrist – soit vaincu. Classiquement les pères de l’Eglise successifs ont identifié cette figure avec l’Empire romain. On peut considérer comme Katechon, l’Etat qui assume la charge de défendre la Chrétienté – et plus généralement le monde – de l’anomie et de la soumission aux forces de subversion. La Russie assumant aujourd’hui la fonction de Troisième Rome après Rome et Constantinople pour les Orthodoxes, elle peut donc être identifié avec le Katechon en lutte face à l’Antéchrist globalisé.
    (3) Tsargrad (tsargrad.tv) est une chaîne religieuse qui affiche la volonté de parler de politique et de géopolitique dans une perspective orthodoxe et anti-globaliste. Une chaîne de télévision ouvertement anti-libérale et anti-moderne. Quelque chose d’inimaginable en France, où le catholicisme est scindé entre modernistes apostats et traditionalistes figés. La tradition étant encore vécue en Orthodoxie de manière organique, naturelle et non puritaine, cela malgré les décennies d’oppression communiste athée. Alexandre Douguine est le rédacteur en chef de Tsargrad.tv, il y présente aussi une émission d’orientation politique.