Le Conseil du statut de la femme indique la voie à suivre

Laïcité — débat québécois

Le Mouvement laïque québécois (MLQ) considère que la publication de l’avis du conseil du statut de la femme sur la laïcité* est un grand pas vers l’élaboration d’une réelle politique de la laïcité pour le Québec. Un grand pas dans la bonne direction.
Le Conseil du statut de la femme (CSF) prend d’abord soin d’indiquer les impasses en dénonçant sévèrement ce faux-fuyant invoqué par le gouvernement Charest pour ne pas agir à savoir la « laïcité ouverte ». Cette « laïcité ouverte » aux abus, aux confusions et aux compromissions. Cette « laïcité ouverte » qui encourage la multiplication des « accommodements religieux » gérés au « cas par cas », mal gérés et bientôt, si ce n’est déjà le cas, totalement ingérables.

Ceci fait, le CSF exhorte le gouvernement à prendre enfin ses responsabilités politiques en recommandant la tenue d'une commission parlementaire, en proposant des amendements à la Charte des droits et libertés et en recommandant l'adoption d'une Charte de la laïcité.

Dans une lettre adressée au premier ministre datant du 21 mai 2009, le MLQ réclamait déjà la tenue d’une commission parlementaire sur la laïcité des institutions publiques afin que soit concrétisé par un dispositif législatif clair et cohérent le principe de neutralité religieuse de l’État. Lors des auditions publiques sur le projet de loi 94, le 20 mai dernier, le MLQ réclamait aussi des amendements à la charte québécoise des droits et libertés de la personne afin que la laïcité soit affirmée comme valeur publique de la nation québécoise. Nous sommes d’avis qu’une fois la Charte des droits et libertés ainsi amendée, le législateur devrait compléter la législation par l’adoption d’une Charte de la laïcité prévoyant la mise en oeuvre du principe de laïcité de l’État dans les institutions publiques et l’ensemble de l’action gouvernementale.

Nous avons la conviction qu’une laïcité authentique, exigeant que l’État garantisse un espace civique exempt de toute expression religieuse, et refusant toute exception religieuse dans l’application des lois, est une condition essentielle au renforcement de la cohésion sociale et de la vie démocratique.

Comme le CSF, le MLQ dénonce l’inaction du gouvernement Charest sur l’ensemble des questions relatives à la laïcité de l’État et craint que cet attentisme de nos élus ne contribue à détériorer le climat social et politique du Québec. Au cours des dernières années, le gouvernement a ignoré les recommandations d’au moins trois organismes consultatifs mandatés par l’État, soit la Commission Bouchard-Taylor, le Conseil du statut de la femme et la Commission des droits de la personne. Pire, le gouvernement a sciemment omis de considérer deux jugements historiques du Tribunal des droits de la personne portant sur l'obligation de neutralité religieuse des institutions de l'État.

Lors du dépôt du rapport de la Commission Bouchard Taylor, le gouvernement de même que les partis d’opposition sont allés à l’encontre de la recommandation de retirer le crucifix de l’Assemblée nationale. Pourtant, ce geste symbolique puissant aurait exprimé une volonté d’engagement ferme et résolu en faveur du principe de neutralité de l’État et aurait eu force d’exemple pour l’ensemble de la société.

Le gouvernement Charest a aussi renié un précédant avis du Conseil du statut de la femme recommandant l’interdiction du port de signes religieux dans la fonction publique. Sans aucune justification sérieuse, le gouvernement avait alors préféré se rallier, par la voix de la ministre de la Condition féminine Christine St-Pierre, à la position ambiguë et contradictoire de la Fédération des femmes du Québec qui s’était prononcée « contre l’interdiction du port de signes religieux » pour ces employés de l’État. Un vif tollé de protestations avait alors soulevé l’opinion publique. Rien n'y fit, le gouvernement n’a toujours pas proposé de solution législative valable pour encadrer ou baliser les demandes d'« accommodements religieux » qui continuent de susciter frustrations et mécontentements dans bien des milieux de travail, tant dans les institutions publiques que dans les entreprises privées.

Le gouvernement actuel refuse de donner force de loi à deux jugements du Tribunal des droits de la personne ayant statué que la récitation de prières lors de séances de conseils municipaux est contraire à la Charte des droits et libertés. Devant l’inaction du gouvernement certains maires récalcitrants se sentent maintenant autorisés à défier ouvertement le Tribunal et entreprennent une croisade d’un autre âge qui divise désormais plusieurs municipalités du Québec. La situation est à ce point confuse qu'un maire, qu'il décide de respecter ou de ne pas respecter le jugement du Tribunal, est assuré de provoquer le mécontentement de la moitié des citoyens de sa municipalité!

En matière d’éducation, le gouvernement a décidé de maintenir des contenus de nature religieuse dans les programmes de formation et ce malgré les réserves émises par divers comités ministériels d’approbation des programmes, de la Commission des droits de la personne et du Conseil du statut de la femme. Cette persistance indue du religieux dans nos écoles pourtant supposées laïques a donné lieu à deux procès devant la Cour supérieure qui ont résulté en deux jugements contradictoires qui seront bientôt tous deux portés devant la Cour Suprême. La démesure des moyens que le Ministère de l'éducation s'apprête à déployer pour défendre devant les hautes cours de justice l'enseignement de la culture religieuse nous semble totalement injustifiée en regard du peu de pertinence objective de cet élément du programme quant à la qualification et à la réussite scolaire de l'élève.

Nous considérons donc que la saine gestion du bien commun et le maintien de la paix sociale passent par l'instauration d'une véritable laïcité des institutions publiques. En ce sens, le Mouvement laïque québécois appuie les grands principes mis de l’avant par le CSF et réaffirme l’importance de redéfinir un contrat social faisant état des droits et des obligations de tous les citoyens envers les institutions communes.

Marie-Michelle Poisson, présidente du MLQ
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* http://www.csf.gouv.qc.ca/modules/fichierspublications/fichier-29-1409.pdf


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