Le fauteur de troubles

Les méthodes déloyales de M. Caire commencent à être connues.

Actualités 2010


Décidément, Gérard Deltell semble être tombé dans l'œil du quotidien The Gazette. La bonne impression qu'a laissée sa rencontre avec l'équipe éditoriale lui a valu un titre qui a dû le surprendre lui-même: «ADQ shows signs of a promising rebirth» (L'ADQ donne des signes d'une renaissance prometteuse).
Pour être franc, ce n'était pas du tout le sentiment que nous avions eu lors de son passage au Devoir, quelques heures plus tôt. M. Deltell est un homme d'une sympathique simplicité et les échanges avaient été cordiaux, mais pas très inspirants.
La communauté anglophone serait certainement enchantée de trouver une solution de remplacement au PLQ, qui la tient outrageusement pour acquise depuis la nuit des temps. À l'exception du bref épisode du Parti Égalité à la fin des années 1980, quand l'utilisation de la clause «nonobstant» par le gouvernement de Robert Bourassa avait fait déborder le vase, elle a préféré avaler tous les affronts plutôt que de contribuer à une victoire péquiste.
Contrairement à Mario Dumont, l'attachement de M. Deltell au Canada ne souffre aucune ambiguïté. Il est un fervent promoteur du bilinguisme et a clairement indiqué qu'il voterait NON à un nouveau référendum sur la souveraineté, peu importe la façon dont la question serait formulée.
À moins qu'il ne se convertisse aussi au libre choix de la langue d'enseignement, les compliments de The Gazette risquent malheureusement d'être insuffisants pour permettre à l'ADQ de rééditer l'exploit de l'Union nationale, qui avait fait une percée dans l'ouest de l'île en 1976. À la dernière élection partielle dans Saint-Laurent, où il n'y avait pas le moindre enjeu, son appui n'a provoqué qu'une progression très marginale du vote adéquiste.
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Pour le moment, la question est plutôt de savoir si l'ADQ sera encore là aux prochaines élections générales. Au cours des derniers jours, les démons qui avaient bien failli l'achever au lendemain de la course au leadership de l'été 2009 sont revenus la hanter.
M. Deltell aurait sûrement été très heureux de pouvoir annoncer au congrès qui se tient en fin de semaine à Granby le retour au bercail des deux brebis égarées l'an dernier, Marc Picard et surtout Éric Caire. Son leadership en aurait été renforcé.
Les négociations devaient en principe demeurer secrètes, mais c'était sans compter l'irrépressible besoin de se mettre en avant qui tenaille M. Caire depuis son entrée en politique. C'était plus fort que lui: il fallait qu'il s'ouvre la trappe et commence à négocier sur la place publique.
Qui plus est, l'ineffable député de La Peltrie y est allé d'une condition qui, à sa face même, était inacceptable à M. Deltell: saborder l'ADQ. On ne peut pas demander à un chef de parti de se présenter à un congrès où il doit se soumettre à un vote de confiance en annonçant tout de go son intention de fermer boutique. «J'aime beaucoup Gérard», a assuré M. Caire. C'est encore heureux!
Un parti ne change pas de nom comme on change de chemise. L'Union nationale en a fait l'expérience au début des années 1970 et les résultats ont été si désastreux qu'elle est revenue à son ancien nom. Si François Legault fonde son nouveau parti de centre droit et que les adéquistes veulent se joindre à lui, chacun pourra y aller de ses propositions. En attendant, changer de nom serait de l'enfantillage.
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Les méthodes déloyales de M. Caire commencent à être connues. Il avait agi de la même façon avec Gilles Taillon. Pour se rallier à lui, il avait exigé une cogestion semblable à celle qui existe à Québec solidaire, ce qui était à l'évidence inacceptable au nouveau chef. Soit, M. Taillon avait de graves défauts et la mécanique choisie pour son élection était certainement déficiente, mais tout le monde connaissait les règles du jeu et les avait acceptées.
Après avoir mené une course au leadership d'une rare mesquinerie et s'être montré encore plus mauvais perdant, M. Caire semble maintenant déterminé à couler le navire, puisqu'il ne peut pas en être le capitaine.
Son comportement devient franchement loufoque. Tout en négociant publiquement les conditions de son ralliement à M. Deltell, il déclare qu'il lui préfère M. Legault, à qui il offre d'avance ses services. L'ancien ministre, qui en connaît un bout en matière d'ambition, doit observer tout cela d'un oeil assez sceptique.
M. Caire dit avoir été trop échaudé par son expérience de l'été 2009 pour souhaiter devenir chef d'un nouveau parti. M. Legault est cependant bien placé pour savoir qu'un homme qui a souhaité aussi intensément être calife à la place du calife n'y renonce pas aussi facilement. Surtout pas à cet âge.
Le jour venu, M. Legault aura sans doute intérêt à récupérer ce qui pourra encore l'être de l'ADQ, mais il n'aura certainement pas besoin d'un fauteur de troubles.
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mdavid@ledevoir.com


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