Sur toutes les tribunes, hier, Gilbert Rozon répétait de façon paternaliste qu'il voulait essayer de faire appel à «la raison» des leaders étudiants. Il disait vouloir d'eux une déclaration claire qui «décourage ou dénonce toute forme d'intimidation et de violence pendant les festivals».
On ne peut reprocher au fondateur de Juste pour rire d'être en faveur, comme tout le monde, du dialogue et de la paix sociale. On ne peut lui reprocher d'avoir envie de prendre la parole dans une ville sans tête, qui se cherche désespérément un maire, un vrai, et non un curé que personne n'écoute exigeant que les casseroles restent sur les balcons et que les grands-parents grondent leurs petits-enfants.
L'ennui avec cette sortie publique de Gilbert Rozon (qui n'a pas répondu à mes demandes d'entrevue), c'est qu'elle est fondée sur une fausse rumeur et qu'elle nourrit un mythe. Un mythe, bien entretenu par le gouvernement lui-même, selon lequel le mouvement étudiant, si on ne l'appelle pas à la raison, constitue une menace. Ce mythe permet de discréditer le mouvement étudiant en l'associant à la violence. Il s'appuie sur une grossière logique binaire selon laquelle il n'y aurait que deux postures possibles dans ce débat: soit vous êtes du côté des étudiants «enfants-rois» et de la violence; soit vous êtes du côté du gouvernement, des honnêtes payeurs d'impôts et de la raison. Comme si on ne pouvait être à la fois contre la violence et pour la raison. Comme si la raison du plus fort était nécessairement la meilleure.
C'est très bien de demander aux étudiants de dénoncer toute forme de violence pendant les festivals (et même après). Le hic, c'est qu'aucune association étudiante n'a exprimé l'intention de perturber les festivals, d'intimider les festivaliers ou de saccager les estrades de qui que ce soit. On demande donc aux étudiants de dénoncer de façon préventive quelque chose qu'ils n'ont pas l'intention de faire. Cela ressemble à un procès d'intention et à un autre détournement de débat. Plutôt que de discuter de la question de fond (la hausse des droits de scolarité), plutôt que d'exiger du gouvernement qu'il nomme un médiateur pour nous sortir de l'impasse, plutôt que de parler de cette «porte ouverte» derrière laquelle il n'y a personne, on refait un débat sur un enjeu qui n'en est pas un.
Les associations étudiantes savent très bien que ce n'est pas dans leur intérêt de déranger les festivaliers. Elles savent très bien que la perturbation de festivals servirait avant tout les intérêts du gouvernement et leur ferait perdre une fois pour toutes la bataille de l'opinion publique. Avant même que Gilbert Rozon ne se pose en grand chevalier protecteur de la raison et de la joie festivalière, trois associations (FEUQ, FECQ et TACEQ) avaient d'ailleurs déjà entrepris des démarches pour rencontrer le fondateur de Juste pour rire et d'autres présidents de festivals. Elles ne voulaient pas les rencontrer afin de leur soumettre un programme d'activités violentes pour effrayer les familles, mais avant tout pour les rassurer sur leurs intentions et pour voir comment elles pouvaient utiliser pacifiquement la tribune de leurs festivals.
Quant à la CLASSE, elle a beau avoir refusé de rencontrer Gilbert Rozon (elle l'accuse d'ingérence, de mener une campagne de salissage et considère que le seul interlocuteur devrait être le gouvernement), cela ne la rend pas coupable par association. Le gouvernement a présenté comme une menace la malheureuse phrase montée en épingle «on va vous l'organiser, votre Grand Prix», lancée par un représentant de la CLASSE lors de négociations très tendues avec la ministre Michelle Courchesne. Gabriel Nadeau-Dubois reconnaît qu'il s'agissait d'une déclaration maladroite dans un contexte où les esprits s'échauffaient de part et d'autre. «Une erreur», il l'admet. Mais pas une menace. Sauf peut-être aux yeux de ceux qui ont intérêt à y voir une menace.
Gabriel Nadeau-Dubois a clairement dit qu'aucune perturbation des festivals n'était prévue. Il a aussi clairement dénoncé les menaces dont a été victime Gilbert Rozon dans les médias sociaux. Il a répété que l'intention de la CLASSE est de demeurer visible et d'informer les gens et non de mettre en péril la participation ou la sécurité de quiconque. Que veut-on de plus? Que la CLASSE dénonce les orages violents qui pourraient perturber les festivals?
Le festival du faux débat
L'ennui avec cette sortie publique de Gilbert Rozon (qui n'a pas répondu à mes demandes d'entrevue), c'est qu'elle est fondée sur une fausse rumeur et qu'elle nourrit un mythe. Un mythe, bien entretenu par le gouvernement lui-même, selon lequel le mouvement étudiant, si on ne l'appelle pas à la raison, constitue une menace. Ce mythe permet de discréditer le mouvement étudiant en l'associant à la violence.
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