Le français, langue de la réussite de la vie sociale

Langue française


Robert Dutrisac - Dans les magasins, près de 80 % des répondants croient que le commerçant qui ne connaît pas la langue parlée par son client devrait s’adresser à lui d’abord en français.
Quand il est question de vie sociale, la majorité des Québécois croient que le français est la langue la plus importante au Québec. Mais quand il s’agit de réussir sa vie ou de dénicher un bon emploi, le français et l’anglais sont considérés comme des langues d’égale importance. C’est ce que montre l’étude dite « exploratoire » intitulée Importance et priorité du français pour la population québécoise qu’ont signée les chercheurs Michel Pagé et Charles-Étienne Olivier pour le compte du Conseil supérieur de la langue française (CSLF).
L’étude, rendue publique hier, découle d’une enquête menée entre janvier et mai 2010 auprès de 6700 personnes au Québec.
Les chercheurs ont cerné quatre domaines. Pour le domaine sociétal, on posait notamment la question suivante : « Pour être vraiment Québécois, quelqu’un doit-il parler français ? » avec un choix de réponses : « tout le temps, souvent, quelquefois, jamais ». La même question était posée pour l’anglais. Pour le domaine social, on soumettait l’affirmation suivante : « Pour avoir une vie sociale intéressante au Québec, il est préférable de pouvoir parler français » avec un choix de réponses : « tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt en désaccord, tout à fait en désaccord ». De même pour l’anglais. Pour le domaine de la réussite, on faisait l’affirmation suivante : « Les enfants québécois réussiront mieux dans la vie s’ils peuvent parler français », ou encore l’« anglais ». Enfin, pour le domaine sociolinguistique, défini par les auteurs comme « la valorisation personnelle associée à l’usage des langues », on demandait aux répondants s’ils étaient d’accord ou en désaccord avec les affirmations suivantes : « C’est valorisant au Québec de savoir parler français », ou encore « anglais ».
Dans les domaines sociétal et social, une majorité de francophones et d’allophones dits francotropes « favorisent une vie collective en français ». Pour les anglophones, les deux langues sont d’égale importance dans la société. Dans le domaine social, une majorité d’anglophones croit que le français est plus important que l’anglais ou tout aussi important. Seule une faible minorité considère que l’anglais est plus important que le français.
Le tableau est différent si on parle de réussite individuelle. Que la question porte sur la réussite des enfants ou sur les chances de décrocher un bon emploi, « dans les deux cas, la plus grande partie de la population perçoit le français et l’anglais comme d’égale importance », notent les auteurs.
Pour ce qui est de la réussite des enfants, le français vient en dernière place, derrière l’égalité entre les deux langues et l’anglais. « Une des interprétations possibles de ces résultats est qu’une partie de la population perçoit que l’anglais sera plus important pour réussir dans l’avenir qu’il ne l’est actuellement », écrivent les chercheurs. Mais ils avancent une autre explication : « une partie de la population aurait répondu de façon à tenir compte du plus large spectre de possibilités sur les plans personnel et professionnel, ce qui inclut une mobilité professionnelle à l’échelle internationale ».
De façon générale, les auteurs relèvent des différences notables entre les allophones francotropes et les allophones non francotropes. Les perceptions des premiers suivent de près celles des francophones, tandis que pour les seconds, elles se rapprochent de celles des anglophones.
En matière de communication dans l’espace public, une très forte majorité, soit 95 % des répondants, est d’accord avec le fait que toute personne au Québec devrait savoir parler français, alors que 92 % d’entre eux estiment que les nouveaux arrivants allophones devraient apprendre le français en premier.
Une plus faible majorité, soit 67 %, considère que la communication dans un lieu public entre des francophones et des personnes d’une autre langue qui ne se connaissent pas devrait commencer en français.
Dans les magasins, près de 80 % des répondants croient que le commerçant qui ne connaît pas la langue parlée par son client devrait s’adresser à lui d’abord en français.
Fait surprenant : si on se fie à cette enquête, les Québécois s’opposent aux dispositions de la Charte de la langue française qui s’appliquent à l’administration publique. Ainsi, plus de 60 % d’entre eux croient que l’État québécois devrait communiquer en français ou en anglais avec les entreprises, selon la préférence de celles-ci, alors qu’en vertu de la Charte, toute communication de l’administration publique avec les entreprises doit se faire exclusivement en français. De même, une majorité est d’avis que le gouvernement devrait envoyer des formulaires bilingues s’il ne connaît pas la langue parlée par les citoyens visés.
Généralement, les chercheurs ont noté peu de différence d’opinion entre les jeunes de 18 à 34 ans et leurs aînés au sujet de l’importance relative du français. Enfin, si les auteurs observent des différences régionales entre les perceptions des résidants de l’île de Montréal et de sa couronne, d’une part, et celles des répondants du reste du Québec, d’autre part, « il serait cependant inadéquat de conclure à une fracture de la société québécoise », font valoir Michel Pagé et Charles-Étienne Olivier.


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