Estimant que la crédibilité de l’Office québécois de la langue française (OQLF) avait été sérieusement entachée par les nombreux excès de zèle ayant fait la manchette ces dernières semaines, le gouvernement Marois donne un sérieux coup de barre à l’organisme, limogeant au passage sa présidente, Louise Marchand.
« Dans un contexte où l’on identifie, à travers un rapport de vérification, qu’il y a un changement de culture organisationnelle important à faire, […] je pense que c’était naturel qu’on fasse un changement à la tête de l’organisation », a expliqué la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy, en entrevue au Devoir en marge de la publication du rapport de vérification interne, vendredi.
Elle a par ailleurs précisé que Louise Marchand n’avait pas démissionné, mais qu’elle avait été « mutée dans l’appareil gouvernemental à un autre poste ».
Diane De Courcy tient-elle la présidente sortante responsable du « pastagate » et autres dérapages de l’OQLF ? « Oh mon Dieu, si c’était si simple que cela ! a répondu la ministre. Ce serait trop facile de chercher le coupable et de dire : voici la personne et le problème est réglé. On n’en est pas là. On est dans une responsabilité partagée, incluant le gouvernement. »
La ministre reproche au précédent gouvernement libéral d’avoir « ignoré l’Office » pendant trop longtemps. « Dans les années précédentes, il y a des choses qui auraient dû être faites et qui ne l’ont pas été. » Selon elle, il aurait fallu lui donner, entre autres choses, des ressources informatiques pour être en mesure de procéder à un traitement des plaintes « moins opaque », une lacune qui a été mise en lumière par le rapport d’étape sur le processus de traitement des plaintes de l’OQLF commandé par Diane De Courcy le mois dernier.
Elle refuse de revenir sur les détails du fameux « pastagate » ou de tout autre dossier précis, souhaitant « tourner la page », mais elle reconnaît qu’il y a « des nuances, des faussetés et des demi-vérités qui ont été dites » dans certains cas. Le Devoir révélait, samedi dernier, que la plainte originale portée contre le restaurant Buonanotte ne portait pas sur les mots en italien - ce qui est permis par la loi 101 -, mais plutôt sur le fait que le menu était en anglais.
Modernisation
Quoi qu’il en soit, ces épisodes ont fait bien du tort à l’organisme gouvernemental, déplore Diane De Courcy. « Je pense sincèrement que ces événements-là ont fait mal à tout le monde, à l’Office en premier lieu, mais aussi au Québec, aux commerçants - indépendamment de ce qu’on a pu constater comme étant des abus -, de même qu’au personnel de l’OQLF. Bref, ça a été très nuisible. Et c’est pour ça que ça prenait un sérieux coup de barre. Dans ces cas-là, une crise devient une opportunité. »
Le rapport fait état de plusieurs lacunes, notamment dans le processus de traitement des plaintes, et recommande de « renouveler l’approche et les modalités d’intervention afin qu’elles soient davantage axées sur la collaboration, la transparence et le service à la clientèle ».
Les entreprises visées seront désormais avisées avant la visite des inspecteurs et mises au fait des différentes étapes du processus. Présentement, note la Direction de la vérification interne, l’entreprise visée par une plainte « est peu informée » des démarches ayant cours. Un dossier peut même être fermé par l’OQLF sans que l’entreprise n’en soit avisée.
Suivant les recommandations du rapport, le gouvernement Marois créera un nouveau poste de répondant à la qualité des services pour faire le lien entre les entreprises et l’Office québécois de la langue française en cas de litige.
Enfin, le ministère élaborera de nouveaux guides de procédure pour faciliter l’interprétation de la Charte et de ses règlements.
Toutes ces mesures, croit Diane De Courcy, permettront de redonner à l’Office la crédibilité qu’il a perdue au fil du temps. « On va s’inscrire dans un processus d’accompagnement plutôt que dans un processus d’enquête », a résumé la ministre.
Intérim
C’est le sous-ministre associé à la langue française, Jacques Beauchemin, qui assurera l’intérim en attendant qu’un nouveau président soit nommé. Il s’agit d’une décision qui a été prise « sciemment » par le gouvernement, affirme Mme De Courcy, afin de laisser le temps au sous-ministre de faire un plan de travail pour la mise en oeuvre de la modernisation de l’OQLF. « Je pense que c’est pas mal le menu - sans faire de mauvais jeu de mots - pour les prochaines semaines », a conclu la ministre.
Au Parti libéral, on n’a pas souhaité commenter le départ de Louise Marchand, nommée par le gouvernement Charest en 2011. Mais à la CAQ, la porte-parole pour la Charte de la langue française, Nathalie Roy, s’est dite préoccupée par ce changement de garde. « Est-ce que ce sera une autre nomination politique ? Est-ce que les gens du PQ placeront un de leurs amis caribous ? C’est ce qu’il va falloir surveiller. »
Coup de barre à l’Office de la langue
La présidente de l’organisme est limogée. Un changement de culture s’impose, dit la ministre
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