La rigueur en Grande-Bretagne

Le gouvernement britannique remet à plat l'Etat-providence

«Les indignés» dans le monde


Virginie Malingre - Londres, correspondante - Iain Duncan Smith, le ministre britannique du travail et des retraites, a présenté, jeudi 11 novembre, les grandes lignes de ce qui doit être la réforme "la plus importante de l'Etat-providence depuis sa création par Beveridge". Devant les députés, il a rappelé sa philosophie : "faire en sorte que le travail paye" et combattre "la culture de la dépendance" qui, affirme le ministre, s'assimile à "une crise nationale".
Pour que le travail paye, le gouvernement de coalition entre les conservateurs et les libéraux démocrates, issu des élections du 6 mai, s'apprête à remettre totalement à plat le système actuel. Aujourd'hui les chômeurs peuvent être éligibles, selon leur situation, à une trentaine d'allocations diverses (allocation chômage, allocation invalidité, allocation logement, crédits d'impôts, ….), qui disparaissent ou diminuent considérablement dès lors qu'il retrouve un emploi.
Conséquence, la reprise d'une activité ne se traduit pas toujours par une hausse des revenus, compte tenu de la perte des transferts sociaux en tous genres qui s'en suit. Selon le gouvernement, 1,7 million d'allocataires perdent 70 pence à chaque fois qu'ils gagnent une livre supplémentaire. Et pour 130 000 d'entre eux, la perte s'élève à 90 pence. Dès lors, juge M. Duncan Smith il ne faut pas s'étonner que 4,8 millions d'individus en âge de travailler vivent dans un foyer où personne ne touche le moindre salaire.
C'est à cause de cette "culture de la dépendance", comme il l'appelle, que 1,5 million de personnes ont vécu grâce aux allocations pendant au moins neuf des dix dernières années. C'est cause d'elle également que pendant les années de croissance qui ont commencé au milieu de la décennie 90 et se sont achevées avec la crise, 70% des 4 millions d'emplois créés ont été pris par des étrangers.
Avant la récession, 4,5 millions de britanniques vivaient encore uniquement des largesses de l'Etat providence. Et aujourd'hui, affirme M. Duncan Smith, il reste 450 000 emplois non pourvus malgré la morosité économique ambiante.
"CRÉDIT UNIVERSEL"
Dans ce contexte, le ministre du travail veut réunir toutes les allocations en un "crédit universel" plus facile à manier. Et moins soumis à ces effets de seuil qui rendent parfois le travail peu rémunérateur. A terme, affirme-t-il, l'opération réduira le nombre de personnes dépendantes et allégera la facture des contribuables. Quelques 850 000 personnes, dont 350 000 enfants, pourront ainsi sortir de la pauvreté.
Au départ, la réforme sera mécaniquement coûteuse puisque l'allocation unique est destinée à accompagner plus généreusement la reprise du travail. Mais le ministre s'est vu allouer une enveloppe de 2,1 milliards de livres pour la mener progressivement à bien à partir de 2013. Et compte également économiser sur la simplification administrative et les moindres fraudes qu'occasionnera la remise à plat du système.
En contrepartie, le gouvernement se veut intolérant avec ceux qui choisiraient de ne pas travailler. "Si les gens peuvent travailler et qu'on leur propose un emploi, ils doivent le prendre. C'est cela le contrat", a précisé David Cameron, le premier ministre Tory. "Le message est clair: si vous pouvez travailler, alors une vie aux crochets des allocations n'est plus une option".
A l'avenir, donc, ceux qui perçoivent une allocation chômage – ils sont 1,4 million à toucher 65 livres par semaine à ce titre – perdront leur revenu pour trois mois s'ils refusent une offre de travail, et pour trois ans s'ils en rejettent trois. Ils seront aussi privés d'allocation pendant trois mois s'ils refusent de se livrer à des travaux d'intérêt général (balayage des rues, nettoyage de graffitis …) prévus pour durer un mois à raison de 30 heures par semaine. Quant aux 2,6 millions de Britanniques qui perçoivent une allocation invalidité, ils seront examinés de près pour vérifier qu'ils ne peuvent effectivement pas vivre autrement.
Aujourd'hui, il existe déjà des sanctions - l'allocation chômage peut ainsi être réduite ou supprimée si son bénéficiaire manque un rendez-vous au "job centre" ou refuse un emploi - mais elles sont est rarement appliquées, à en croire le gouvernement.
Cette réforme de l'Etat-providence doit par ailleurs s'accompagner de coupes budgétaires. La facture de l'Etat-providence, qui a augmenté de 45 % en dix ans pour dépasser en 2010 les 190 milliards de livres, devra baisser de 18 milliards de livres d'ici à 2015, échéance à laquelle le gouvernement a prévu d'économiser un total de 81 milliards de livres sur les dépenses publiques et d'avoir réduit à néant le déficit budgétaire.
D'ici là, prévoient les experts, la cure d'austérité aura coûté un million d'emplois, dont la moitié dans le secteur public. Le gouvernement espère que la croissance économique compensera.
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Virginie Malingre


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