Ça m’étonne toujours de voir que la société d’état fait appel aux lumières de Jean Charest comme analyste. J’en ressens comme une sorte de malaise.
On le présente comme « ex premier ministre du Québec », on pourrait ajouter aussi « qui fait l’objet d’une enquête de l’UPAC depuis une éternité » ou quelque chose du genre afin d’offrir un portrait complet de la biographie de l’homme politique.
Car c’est absolument indissociable de son règne à titre de PM du Québec. À tout jamais on se souviendra de Jean Charest comme PM d’une ère pas propre-propre. Et ce indifféremment du processus judiciaire.
Quand je vois Jean Charest, je pense à cette une du Journal de Montréal, percutante, enrageante. Je me rappelle que les citoyens du Québec ont casqué des millions pour une commission d’enquête sur la corruption qui a accouché d’une truite. J’enrage en repensant à la –toujours inexplicable – dissidence de l’ex-vérificateur général Renaud Lachance, ce prétexte servi sur un plateau d’argent afin de permettre à tout ce beau monde de se disculper de l’exercice.
On aurait pu arrêter ce cirque dès 2014 en fait quand l’enquêteur à la retraite Sylvain Tremblay, un ex de l’Unité anticollusion de Jacques Duchesneau, est venu faire trembler les colonnes de la commission Charbonneau en affirmant que les cibles au Parti libéral s’en tiraient à très bon compte et que la commission aurait pu faire beaucoup de dommages au parti de Charest si elle l’avait voulu :
« La commission Charbonneau aurait pu faire beaucoup plus de dégâts au Parti libéral du Québec (PLQ), avec des témoins recrutés par l’Unité anticollusion (UAC), et à la FTQ-Construction, avec le matériel de l’opération policière Diligence. Et des cibles importantes s’en tirent à trop bon compte.
Selon l’enquêteur à la retraite Sylvain Tremblay, la Commission s’est arrêtée en chemin pour des raisons qu’il s’explique mal. »
En fait, c’est tout le système de justice qui semble « s’arrêter en chemin » quand il est question de porter le coup de grâce au Parti libéral du Québec. Chaque fois pareille.
L’enquêteur Tremblay se l’explique mal. Moi aussi. La semaine dernière, l’Espagne a vu son chef de gouvernement tomber suite à une enquête de corruption. Pas de tataouinage. Dehors le corrompu! On ne badine pas avec ça.
Je discutais sur les réseaux sociaux avec un contact de la Catalogne de cet événement, un homme que j’ai rencontré en Écosse en 2014 et qui était représentant du gouvernement espagnol au sein de l’Union européenne. Je tentais de comprendre comment la justice espagnole se comportait vis-à-vis du pouvoir politique.
À l’évidence, l’étanchéité entre la justice et le politique ne peut être remise en question. Je lui expliquais qu’au Québec, le parti qui est visé par la quasi-totalité des soupçons de corruption est toujours au pouvoir ET est dans la position de nommer le parton de la police anticorruption, le poste de DPCP, le chef de la police nationale, les juges et des centaines de nominations partisanes à tous les échelons de l’appareil étatique.
Ça ne fait pas sérieux. Je sais. L’enquêteur Tremblay se l’explique mal. Moi pas toujours.
Morts de rire.
Quand je vois Jean Charest, je pense inévitablement à cet épisode surréalisteà l’Assemblée nationale quand le député QSiste Amir Khadir a fait fi de son privilège d’immunité parlementaire afin de défier l’ex PM de le poursuivre s’il mentait en affirmant que « Jean Charest serait responsable de gestes criminels qui auraient été commis par le Parti libéral ».
Bien entendu, Jean Charest n’a jamais poursuivi Amir Khadir. En fait, l’ex PM a toujours su éviter jusqu’à présent tous les procès qui auraient pu le conduire dans le box des témoins, sous serment. Assez fascinant.
Je pense ici, entre autres, au procès avorté de Luigi Correti. Assez étrange que ce soit la couronne qui se serve de l’arrêt Jordan pour mettre un terme au processus judiciaire. Il faut dire que la liste des témoins était assez costaude...
Rien n’indique que l’UPAC ne fera quoi que ce soit avant les prochaines élections. La police anticorruption vient d’essuyer un autre revers gênant dans le cas du dossier du Faubourg Contrecoeur. Un procès que le patron de l’UPAC avait qualifié comme un « moment charnière » pour son organisation, « un guide pour l’avenir ».
Faillite totale.
Dans les faits, quand on y pense, le plus grand fait d’armes de Robert Lafrenière comme patron de l’UPAC aura probablement été sa lutte vorace contre les fuites au sein de son organisation et la course aux sources des journalistes...
« On s’explique mal... »