À quelque chose malheur est bon, dit-on. Les accusations de fraude et d'abus de confiance portées contre l'ancien ministre de la Famille, Tony Tomassi, permettront au gouvernement Charest d'apprécier la justesse du proverbe.
Il aurait certainement été préférable que M. Tomassi évite de se placer dans cette fâcheuse situation. Il a beau être un mouton noir, il n'en demeure pas moins un membre de la famille libérale. Sa nomination au cabinet ne plaide pas non plus en faveur du jugement et de la vigilance du premier ministre, c'est le moins qu'on puisse dire.
Au moment où la pression s'accentue pour forcer le premier ministre à déclencher une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction, le timing de son inculpation est néanmoins remarquable.
Il y a trois semaines, des policiers de la SQ affirmaient dans une lettre anonyme adressée à La Presse: «Il n'y a aucun membre du gouvernement actuel qui sera accusé par la SQ ou l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Pourquoi? Dans notre système, il n'y a aucune indépendance entre le pouvoir policier et le pouvoir politique et c'est ce dernier qui dicte ses ordres au DG et aux DGA de la Sûreté.»
La lenteur de l'enquête sur M. Tomassi, laquelle s'est étirée sur un an et demi, tendait à accréditer cette thèse. Soit,
M. Tomassi n'est plus ministre, mais il l'était toujours quand il a été évincé du cabinet et expulsé du caucus libéral.
À l'époque, cette sanction avait déjà permis au gouvernement de tourner la page sur la très embarrassante affaire de l'octroi de places en garderie aux contributeurs à la caisse du PLQ et plus particulièrement aux amis de M. Tomassi.
En étant maintenant traduit devant les tribunaux, le député de LaFontaine permet de démontrer à point nommé que les enquêtes policières peuvent être concluantes même quand des libéraux sont impliqués.
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Même si le dossier de M. Tomassi n'a pas grand-chose à voir avec l'industrie de la construction, M. Charest pourrait bien y voir la preuve qu'une commission d'enquête n'est pas nécessaire pour y faire la lumière.
Les voyages d'un premier ministre posent souvent un problème aux journalistes qui l'accompagnent. L'ordre du jour officiel ne génère pas toujours suffisamment de matière à nouvelle. Il faut faire flèche de tout bois et tirer profit de chaque mot.
Au cours de son séjour en Europe, M. Charest a aimablement joué le jeu, laissant échapper ici et là une petite phrase qui permettait de maintenir le suspense sur ses intentions. Au moment de quitter Madrid, il s'est dit «sensible» à l'appel de la mairesse de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, mais il s'est bien gardé de se commettre.
On tient un peu facilement pour acquis que le premier ministre fera une grande annonce avant le congrès libéral, qui s'ouvrira dans huit jours. Vraiment? Le président du PLQ, Marc Tanguay, a simplement indiqué qu'une période a été réservée au congrès pour permettre au gouvernement d'expliquer sa position aux délégués.
Cela ne veut pas nécessairement dire en changer. Au contraire, l'inculpation opportune de M. Tomassi vient de lui fournir un argument additionnel pour justifier de s'en tenir aux enquêtes policières.
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Le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, mériterait un prix d'humour pour son appel à «l'honneur» de M. Tomassi, qui devrait l'amener à rendre des comptes à la population. Son sens de l'honneur ne l'a pas empêché d'utiliser une carte de crédit fournie par le patron de la firme de surveillance BCIA pour payer son essence, alors que l'Assemblée nationale lui accordait déjà un budget pour couvrir ses déplacements, ni de continuer à toucher son salaire pendant 18 mois sans mettre les pieds au parlement.
Amir Khadir, qui a réclamé sa démission, s'est dit prêt à utiliser la procédure exceptionnelle prévue au règlement de l'Assemblée nationale, qui permet de présenter une motion mettant en question la conduite d'un de ses membres s'il a commis un «acte répréhensible».
Il serait tout de même étonnant que M. Tomassi accepte de comparaître devant une commission parlementaire. Cela serait tout aussi embêtant pour ses ex-collègues libéraux qui auraient à le juger et éventuellement à le sanctionner. Qui sait ce qu'il pourrait raconter?
L'abus de confiance dont il est accusé serait survenu alors qu'il était responsable de la Famille. À l'époque, ses collègues libéraux ne semblaient pas se formaliser le moins du monde de le voir distribuer des centaines de places en garderie aux bailleurs de fonds libéraux, alors qu'aucun rapport d'évaluation justifiant ces largesses n'a été rendu public.
Un autre proverbe dit: «Qui ne dit mot consent.» Quelqu'un pense-t-il sérieusement que M. Tomassi agissait en solitaire, envers et contre tous? Un mouton a beau être noir, il fait néanmoins partie du troupeau.
Le mouton noir
Sa nomination au cabinet ne plaide pas non plus en faveur du jugement et de la vigilance du premier ministre, c'est le moins qu'on puisse dire.
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