Marc Bellemare souhaite-t-il vraiment passer aux aveux?

Le paradoxe de Bellemare

Chronique de Louis Lapointe

Pour passer aux aveux, l'ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, souhaite l’immunité. Voilà pourquoi il ne veut pas témoigner devant le Directeur général des élections (DGE) ou une commission de l’Assemblée nationale au sujet du financement illégal du Parti libéral. Il faudra absolument une commission d’enquête pour l’absoudre de tous ses péchés, ceux d’avoir caché des agissements qu’il savait illégaux et de trahir son chef en les révélant au grand public.
Tout cela n’a rien d’étonnant, si ce n’était pas lui qui demandait l’immunité, ce serait certainement un de ses anciens collègues ministres qui le ferait. Mais voilà, comme la plupart des contribuables n’ont aucune sympathie pour des ministres qui auraient pu contourner les règles de financement des partis politiques en utilisant leur influence pour collecter les contributions des entrepreneurs et des bureaux d’ingénieurs, il est moins risqué qu’un ancien ministre qui a encore un certain capital de sympathie auprès du public la demande, plutôt que des ministres dont la popularité est en chute libre dans l’opinion publique. Cela paraît mieux !
Je n’irai pas jusqu’à dire que Marc Bellemare est en mission commandée afin d’obtenir l’immunité pour ses anciens collègues qui seraient impliqués dans un éventuel financement illégal du Parti libéral, mais il est certain que la population du Québec sera plus sensible à une demande de Marc Bellemare qu’à celle d’une Julie Boulet ou d’un Norman MacMillan. Même si ces derniers ont déclaré ne jamais être allés sur le bateau de Tony Accurso, leurs dernières déclarations laissaient supposer qu’ils auraient pu accepter des contributions d’entreprises au nom de leur parti, ce qui est totalement illégal.
Ils ont donc besoin d’une excuse pour ne pas témoigner devant le DGE afin de ne pas s’incriminer. Et si d’aventure ils désiraient témoigner de vérités embarrassantes pour leur parti, ils souhaiteraient certainement le faire devant une instance qui leur procurerait l’immunité absolue. Or, c’est exactement ce que Marc Bellemare revendique pour lui-même.

À tout le moins, le travail qu’il accomplit présentement auprès du DGE, en lui tenant tête, prétextant que les informations qu’il détient au sujet de son ancien premier ministre et de son gouvernement sont protégées par le secret, est celui d'un éclaireur qui pourrait tracer la voie à ses anciens collègues. Il sera utile à ceux qui, comme lui, ne souhaitent pas s’incriminer.
Dans cette perspective, Jean Charest gagne-t-il du temps pour sauver son gouvernement ou prépare-t-il sa chute qu’il souhaitera la moins douloureuse possible ? Devant l’étau qui se resserre, serait-il prêt à avouer quelques fautes ou égarements, s’il n’a pas à en payer le prix personnel?
***
Or, Marc Bellemare recherche apparemment un lieu où il pourra se confesser avec la garantie d’être totalement absout de tous ses péchés. Une commission qui prendra des allures de confessionnal et où tous les membres du gouvernement de Jean Charest qui risquent d’être incriminés pourraient venir parader afin de se voir blanchis grâce à l’immunité qui leur sera accordée.
À la suite de cet exercice, il se trouvera certainement quelques savants sophistes pour prétendre que, n’ayant été l’objet d’aucune accusation ou condamnation, la commission aura conclu à l’innocence des ministres qui ont témoigné devant elle et que cela ne saurait affecter leurs carrières politiques ou mettre en cause la probité du gouvernement ou du premier ministre.

Comme nous l’avons vu lors de la commission Gomery, cela ne se fera pas sans que de sombres plombiers jouent les boucs émissaires. Il faudra bien désigner des coupables pour que l’innocence du gouvernement ne soit pas trop suspecte !
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Quoi qu'il en soit, tant qu'il n'y aura pas de commission pour recevoir son témoignage, Marc Bellemare ne témoignera pas. Une logique que voudront certainement suivre tous les membres du conseil des ministres qui seront convoqués devant le DGE. Ils ne témoigneront que devant une commission d'enquête dont leur premier ministre ne veut pas. Beau paradoxe!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mars 2010


    Le risque de poursuite du gouvernement Charest contre l’ex Ministre libéral Marc Bellemare …formation gratuite « au silence ».

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2010

    À l’automne 2003, Roger Ferland, l'enquêteur de police en charge du dossier de la prostitution juvénile précisait devant le tribunal que l'une des présumées proxénètes, Nadine Gingras, conjointe du chef de gang de rue Wolf-Pack Nerva Lovinski, avait déclaré dans une conversation téléphonique enregistrée par la police, avoir des ministres parmi ses clients. Le ministre de la Justice et Procureur général, Marc Bellemare, a demandé alors aux procureurs de la Couronne chargés du dossier de la prostitution juvénile à Québec de réviser l’ensemble de la preuve dont ils disposaient afin de dissiper tous les doutes concernant l’implication de ministres ou députés de l’Assemblée nationale à titre de clients du réseau. Pour la première fois, il demandait également au gouvernement d’adjoindre à l’enquête un procureur spécial. Mario Dumont abordait dans le même sens. Une pétition déposée à l’assemblée nationale et les manifestants dans la rue scandant «Que l'on continue!» n’ont pas réussi à convaincre Charest de reprendre l’enquête Scorpion.
    Quelques mois plus tard, soit au printemps 2004, dans le procès de Robert Gillet, une conversation en arabe libanais entre le proxénète Georges Radwanli et une personne non identifiée fut mise en preuve au tribunal. Le 24 mars, l’équipe de TVA qui a récupéré le repiquage de la conversation et fait traduire le tout, diffuse la nouvelle en primeur au téléjournal de 17h. Dans cet échange, Radwanli propose à son interlocuteur les services d’une avocate d’une famille de juristes bien connue de Québec, qui gagne ses causes à coup sûr car c’est elle qui fournit à certains juges de la Cour supérieure de jeunes prostituées. Un nom de juge a même été mentionné devant la Cour.
    Le scoop a l’effet d’une bombe. À peine 2 heures plus tard, Marc Bellemare improvise un point de presse, annonçant la nomination éminente d'un procureur spécial pour faire « toute la lumière » au sujet de ces allégations. Mis au courant du dossier peu avant la période de questions à l'Assemblée nationale, le premier ministre Jean Charest semble troublé. « Quand il y a des procès devant les tribunaux, il faut faire preuve de prudence avant de faire des déclarations publiques. …En tout cas, ce qui est allégué est sérieux, et on va réagir, c'est évident », a-t-il assuré.
    Au 22h, sur le réseau TVA, plus rien. Nulle part, sur aucun réseau, la nouvelle est reprise. D'où provenaient ces ordres? Le 27 avril de la même année, Marc Bellemare démissionnait du gouvernement.
    D'une source de Québec qui préfère préserver l'anonymat, le juge impliqué dans cette affaire serait un controversé personnage de la cour supérieure qui en plus avait été identifié par certains à l’époque comme ayant reçu des pots de vins des accusés du clan libanais.

    Un autre juge de Québec qui gravite dans l'entourage de Robert Gillet serait également impliqué, mais son nom n'a jamais paru publiquement. C’est ce même juge qui a conseillé l’animateur déchu Robert Gillet dans sa poursuite intentée contre Jeff Fillion.
    La peine infligée à M. Radwanli est proprement scandaleuse. Il a été reconnu coupable de neuf chefs d'accusation de rapports sexuels avec des mineures, coupable d'incitation d'adultes à avoir des rapports sexuels avec des enfants, coupable de trafic de substances interdites et coupable d'exploitation d'une maison de débauche. Il a été condamné à purger 18 mois dans son propre appartement et à effectuer 200 heures de services communautaires. Pour sa part, Gillet s’en est tiré avec 40 heures!
    Charest a déjà annoncé en grande pompe la mise sur pied d'une commission d'enquête que personne ne réclamait sur le phénomène des aménagements raisonnables. Malgré les incessantes demandes de la population à cet effet, le gouvernement Charest a toujours refusé de rouvrir l’enquête Scorpion, sous prétexte de ne pas compromettre l’issu des dossiers devant les tribunaux. Ce prétexte ne tient plus.