Au moins une chose semblait claire mardi soir à l'issue de l'assemblée publique convoquée par Pierre Curzi: l'homme croit fermement à sa destinée, même si la voie qui y mène demeure incertaine.
Personne ne s'attendait à ce qu'il annonce la création d'un nouveau parti deux semaines après avoir claqué la porte du PQ, mais son empressement à confirmer qu'il sera à nouveau candidat aux prochaines élections était remarquable. Même Lucien Bouchard n'avait pas été aussi vite en affaire après son départ du cabinet Mulroney.
Ses électeurs de Borduas lui ont réservé un accueil triomphal, mais M. Curzi est certainement conscient de l'extrême difficulté d'être élu comme député indépendant. S'il veut demeurer en politique, il lui faudra éventuellement un parti, dont il voudra être le chef. La «coalition» qu'il appelle de ses voeux risque d'être aussi éphémère que celle de François Legault.
Parler de coalition maintenant est d'ailleurs assez paradoxal, dans la mesure où l'éclatement du PQ est précisément dû à son incapacité de faire cohabiter les divers courants souverainistes en l'absence d'une échéance référendaire.
En 1995, c'est à partir du moment où Jacques Parizeau a décrété qu'il y aurait un référendum avant la fin de l'année que le PQ, le Bloc québécois et l'ADQ en sont arrivés à une entente sur la souveraineté-partenariat. Si cette coalition avait été formée avant, elle n'aurait jamais pu s'entendre sur la tenue même d'un référendum.
Concrètement, comment fonctionnerait cette coalition? Le PQ devrait-il s'engager à ne pas présenter de candidat contre ses anciens députés démissionnaires? Faudrait-il aussi abandonner Mercier et Rosemont à Québec solidaire? Allons donc!
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Avant de songer à créer un nouveau parti, M. Curzi devra assumer son rôle de «particide». Hier encore, il se défendait énergiquement d'avoir saboté le PQ, ne se reconnaissant qu'une «responsabilité limitée» dans la crise que celui-ci traverse.
On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. Quand son député le plus populaire quitte un parti en l'accusant d'avoir renié ses principes, il ne peut pas jouer les Ponce Pilate.
Son collègue Jean-Marie Aussant déclarait lundi au Devoir que «ce serait pire pour la cause [souverainiste] si le PQ prenait le pouvoir pendant huit ans que d'avoir un nouveau parti souverainiste qui prenne le temps de se bâtir».
M. Curzi n'en est pas là. Mardi soir, il a pu constater la tristesse de nombreux militants qui ont consacré leur vie au PQ. Ce deuil doit être respecté. Et puis, on ne sait jamais... Hier, Pauline Marois ne donnait pas du tout l'impression de vouloir jeter l'éponge, mais la route jusqu'aux prochaines élections sera encore longue.
Ces jours-ci, les commentaires de ses anciens collègues ne sont pas très aimables pour M. Curzi, mais on disait bien pire de Jacques Parizeau à l'époque où il s'employait à saper le leadership de Pierre Marc Johnson. Les allégeances successives sont souvent le lot de la politique.
Tout le monde reconnaît que M. Curzi est un tribun exceptionnel. Depuis les envolées référendaires de Lucien Bouchard, personne n'a su faire vibrer la fibre québécoise comme lui. C'est son sens politique qui soulève des questions. Comment faire confiance au jugement d'un homme qui voit un complot fédéraliste dans l'absence de joueurs francophones chez le Canadien?
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En attendant, la vie doit continuer au PQ. Après la perte de cinq députés, sans parler de la mise à l'écart de René Gauvreau, il est normal que certains soient déboussolés, mais le déni n'est certainement pas la solution.
On peut comprendre l'exaspération de François Gendron, qui a accepté tous les virages de son parti sans rouspéter depuis quarante ans, mais il n'est pas sérieux de ramener le malaise des démissionnaires à un «petit guidi».
À force de courir deux lièvres à la fois, ce jour devait fatalement arriver. Au lendemain du référendum de 1995, le charisme de Lucien Bouchard et la perspective d'un match revanche à brève échéance avaient permis au PQ de composer tant bien que mal avec la contradiction entre la lassitude d'une grande partie de la population, qui souhaitait simplement un «bon gouvernement», et la fébrilité de militants impatients d'en découdre à nouveau.
Malgré les tiraillements, la réalité d'un système bipartite forçait modérés et radicaux à trouver un modus vivendi au sein du PQ, unis dans une commune hostilité envers les libéraux. La déconfiture de l'ADQ en 2008 a pu laisser croire à Pauline Marois, dont c'est l'inclination naturelle, qu'il était encore possible de ménager la chèvre et le chou. Quelques idéalistes pouvaient être attirés par Québec solidaire, mais qui voudrait être gouverné par Amir Khadir?
Avec l'arrivée de François Legault, jugé plus apte à former un bon gouvernement que Mario Dumont tout en offrant plus de sécurité face à Ottawa que le PLQ, l'ambivalence du PQ risque de le mener à un désastre pire qu'en 2007.
Malgré les appels à la solidarité, ceux qui n'ont pas été choqués par l'élasticité des principes de Pauline Marois dans l'affaire de l'amphithéâtre pourraient bien l'être au cours des prochains mois par la perspective d'une défaite brutale et sans appel.
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Notez que cette chronique fera relâche au cours des prochaines semaines. Bon été à tous.
Le particide
Parler de coalition maintenant est d'ailleurs assez paradoxal, dans la mesure où l'éclatement du PQ est précisément dû à son incapacité de faire cohabiter les divers courants souverainistes en l'absence d'une échéance référendaire.
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