Le passage à la laïcité inquiète : il faut plus de ressources!

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ECR - Éthique et culture religieuse


(Photothèque Le Soleil)

«Au primaire, ce sont majoritairement les titulaires de classe qui assurent cet enseignement. Il faudra donc prévoir former plus de 20 000 titulaires. Au secondaire, il faudra penser former tout près de 2 400 spécialistes qui assurent cet enseignement.» La mise en place d'un programme d'éthique et de culture religieuse, Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2005, p. 11
Aux rencontres régionales de l'Institut du Nouveau Monde en Outaouais, en 2007 (où notre groupe de réflexion a pris forme), on a abordé le thème des conditions socioculturelles d'une saine laïcité pour le Québec. C'était au plus fort d'un épisode sur les accommodements raisonnables, alimenté par les prises de position de la municipalité d'Hérouxville. Le premier ministre Charest a alors tenté de calmer le débat qui s'enflammait en formant la commission Bouchard-Taylor qui siègera dans notre région le 11 septembre prochain.
Une étape nouvelle et importante de l'établissement d'une saine laïcité est prévue pour septembre 2008, dans la continuité historico-culturelle de notre société. Il s'agit de l'implantation dans toutes les écoles du Québec, officiellement non confessionnelles, d'un programme d'«éthique et de culture religieuse» qui se substituera au choix que parents et élèves ont eu jusqu'à maintenant entre l'enseignement religieux confessionnel (catholique ou protestant) et l'enseignement moral.
Responsabilité des communautés de foi
Cette responsabilité partagée entre parents et enfants est désormais entièrement remise aux communautés de foi chargées d'éduquer les fidèles dans leurs confessions respectives. Cette étape de la déconfessionnalisation du système scolaire public du Québec vise notamment à respecter pleinement la liberté de conscience et de croyance de tous les citoyens . Sur papier, le nouveau programme d'éthique et de culture religieuse comporte de nobles et limpides visées. Il apparaît aussi des plus cohérent pour toute la durée de la fréquentation obligatoire du système scolaire.
Comme citoyens particulièrement intéressés au cheminement spirituel des élèves, et dans le prolongement des rencontres de l'INM 2007, nous soulevons la question suivante: quelles sont les conditions de saine laïcité qui faciliteront chez un élève ce cheminement spirituel devant favoriser son épanouissement (selon les termes de la loi sur l'Instruction publique, article 36) ?
Attentes irréalistes
Quelques démarches faites auprès de diverses instances du système d'éducation national et régional nous ont montré qu'un plan national de formation est en voie d'implantation pour près de 25 000 enseignants qui seront chargés de livrer le nouveau programme d'éthique et de culture religieuse. Ce plan de formation des enseignants, tout comme le programme, est également baigné de nobles intentions. Mais il est fragile dans sa mise en application. Faire passer des dizaines de milliers d'enseignants de l'état d'un savoir plus ou moins développé sur «l'éthique et la culture religieuse» à une capacité d'application pédagogique suffisante en quelques jours de formation étalée sur une année scolaire, c'est trop espérer, même si un réseau de soutien régional doit se mettre en place. Nous pouvons témoigner de grandes appréhensions et inquiétudes vérifiées parmi le personnel enseignant de notre région, du moins.
Former les élèves de telle façon que leurs relations avec les «autres», de cultures et de moeurs différentes, soient ouvertes et harmonieuses n'est pas un acte pédagogique de même nature que d'enseigner un savoir objectif. Les enseignants le savent et doutent de pouvoir développer à temps leurs habiletés professionnelles en fonction de cette nouvelle tâche.
Solidaires de ces enseignants...
Nous nous sentons solidaires de tous ces enseignants. Comme eux, nous désirons vivement que réussisse cette laïcité à la québécoise en train de s'installer dans le monde scolaire et non pas qu'elle dérive avant même d'y prendre racine. Nous la désirons «saine» cette laïcité d'un siècle nouveau, qu'elle sache accueillir la tolérance vis-à-vis l'expression symbolique, de nature culturelle aussi bien que religieuse, facteur d'épanouissement de l'être humain. C'est pourquoi nous interpellons tous les responsables du système d'éducation, la Ministre de l'Éducation en premier, de bien vouloir consacrer encore plus de ressources et de temps de formation, pour que la déconfessionnalisation de l'enseignement public soit un passage constructif à une société ouverte et remplie d'un sens renouvelé de convivialité.
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Madeleine Émond et un groupe d'universitaires*
*cosignataires:
Madeleine Émond, maîtrise en administration de services publics, animation biblique;
André Gagné, prêtre, diplômé de l'Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique de Paris , ex-chargé de cours en didactique de UQO;
Évelyne Gagné, Ph.D., professeur titulaire de psychologie du counseling, faculté d'éducation , Université d'Ottawa;
Raymond Laprée, Ph.D., professeur agrégé d'animation et d'anthropologie religieuse à l'Université Saint-Paul, spécialiste en éducation à la symbolique et aux valeurs;
Gustaaf Schooverts, Ph.D., théologie, professeur honoraire de l'UQO.


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