Depuis des décennies, on entend souvent certains indépendantistes nous parler, non sans trémolos, du « pays à naître »… Non mais, franchement, quelle damnée expression dont le caractère puissamment cucul donne la pire des nausées !
Le pays, il n’est pas « à naître », que diable, il existe depuis quatre siècles. Et la lutte pour l’indépendance ne consiste donc pas à le « faire naître », ce pays, mais bien à le libérer, oui, le libérer de la domination des colonialistes qui l’occupent, le pillent et le défigurent depuis deux cents cinquante ans.
En parlant de « pays à naître » par-ci et de « pays à naître » par-là, on semble vouloir comparer notre nation à un enfant qui, à l’heure même de l’accouchement, resterait inexplicablement coincé dans le ventre de sa mère, laquelle, comble d’absurdité, serait anglaise. Voilà une image qui en rappelle une autre hélas toujours à la mode, celle du rejeton qui, bien que majeur depuis longtemps, a du mal à quitter ses parents, lesquels, eux aussi, comme la mère mythique de tout à l’heure, auraient, si j’ose dire, la tête carrée.
Misère ! C’est à se chercher un mur pour se péter le crâne dessus ! Se rend-on seulement compte que de telles images, en plus d’être archi-fausses et d’une insondable quétainerie, entretiennent notre mentalité de colonisé au lieu de la briser et de nous en purger ?
La véritable situation de notre nation, je n’en démordrai jamais, c’est celle d’une famille séquestrée dans sa propre maison par des bandits sans scrupules, rien d’autre et rien de moins !
Aussi conviendrait-il, désormais, de bien choisir nos métaphores. Parce que de mauvaises métaphores, ça prédispose bien mal l’esprit et le cœur au genre de lutte qu’il nous faut mener.
Je sais, je sais, tout ce faux symbolisme que je dénonce ici, c’est de bon cœur et avec les meilleures intentions du monde qu’on y a encore recours. Mais c’est exactement comme tous ces bons diables qui s’obstinent toujours à juger moins honteuse ou moins humiliante l’idée, tenez-vous bien, que nous ayons été cédés plutôt que conquis.
Oui, c’est bien vrai, le colonialisme, ça laisse des séquelles…
Luc Potvin
Verdun
Du bon usage des métaphores dans toute lutte de libération nationale
Le pays, il n’est pas « à naître », il est à libérer !
La véritable situation de notre nation, je n’en démordrai jamais, c’est celle d’une famille séquestrée dans sa propre maison par des bandits sans scrupules, rien d’autre et rien de moins !
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9 commentaires
Jean-Claude Pomerleau Répondre
17 décembre 2011Le pays n'est pas devant nous, il est sous nos pieds (géo):
http://www.vigile.net/Un-pays-sous-nos-pieds
Le problème, c'est qu'il fut annexé par les armes en 1760. Un autre État c'est ainsi superposé au notre pour le réduire dans ses capacités d'agir, à celui d'un demi État. La solution et le défi, c'est de sortir cette puissance étrangère de notre territoire pour en reprendre le contrôle effectif, complet. Et cela suppose des rapports de force systématiquement assumés dans tous les domaines. Et ça commence maintenant et non pas le lendemain du Grand soir.
JCPomerleau
Pierre Desaulniers Répondre
15 décembre 2011Tout à fait d’accord!
1) C’est pareil quand on accuse le Québec de se comporter en « Tanguy » qui ne veut pas quitter le confort douillet de la maison familiale. Minute...! Ici, c’est NOTRE maison. Nous étions ici les premiers...!
Et nous sommes les parents, car, si on veut faire une métaphore, depuis la violente conquête du Canada, ce sont les Anglais qui ont « squatté » notre maison, pas l'inverse...!
2) C’est pareil aussi quand on compare le Québec à un enfant gâté. En fait, le Québec n’est pas un enfant du Canada, mais plutôt son géniteur. Avant l’arrivée de nos ancêtres, il n’y avait ici aucun pays : ni bâtiments, ni routes… C'est bel et bien un pays que les Anglais ont attaqué et conquis en 1759-60...!
Et les premiers Canadiens (aujourd'hui devenus les Québécois) ne sont pas encore entièrement maîtres de leur destinée, loin de là...! Nous sommes encore un pays à libérer des francophoBes et de ceux qui ne partagent pas nos valeurs...!
Archives de Vigile Répondre
15 décembre 2011M. Potvin,
Bravo pour ce texte d’une clarté aveuglante. N’oublions pas non plus que le fameux rapatriement de la constitution de Londres à Ottawa à la Trudeau n’a pas non plus été accepté et signé par le Québec. En fait, on pourrait arguer que nous ne faisons pas partie du Canada, alors si cela est vrai, pourquoi alors nous y soumettons nous, genoux par terre? Pourquoi acceptons-nous que la cour suprême charcute nos propres lois sur notre territoire? L’habitude de ramper? J’aime beaucoup aussi la métaphore de Mme. Leclerc de l’enfant, en fait l’adolescent attardé qui chie littéralement dans sa culotte en pensant devenir autonome, et sa peur cache le fait que papa l’exploite comme c’est pas possible. Bien sûr, Mme. Leclerc, très polie, n’a pas usé des mêmes termes mais le seul hic à cette métaphore, c’est que contrairement à la réalité d’une famille, l’enfant était là avant ses parents. Nous étions ici, nous, les descendants des Français émigrés sur ce territoire. N’oublions pas non plus que nous étions amis avec les autochtones et que nous commercions avec eux et que nos vaillants jeunes hommes, pétant de santé et d’hormones ont trouvé très appétissantes les jeunes femmes ‘’indiennes’’. Quelle proportion de la population du Québec a du sang indien? Je n’ai pas de chiffres mais il y en a beaucoup. C’est l’arrivée des anglo-saxons qui a littéralement foutu le bordel dans tout ça et qui, pour vaincre plus facilement nos braves colons, ont monté les nations autochtones les unes contre les autres. Ici, nous sommes chez-nous et le gros travail à faire, en plus d’en fait prendre conscience à notre population, c’est de leur botter le derrière à ces bandits, aidés en cela par nos propres collabos….mais pour ça, il faut arrêter de se battre entre nous et se donner la main, les femmes et les hommes du Québec.
Ivan Parent
Jacques Bergeron Répondre
15 décembre 2011Vous avez bien raison mon cher Luc Potvin. En effet le pays existe il ne reste qu'à le libérer de ses opportuns qui empoisonnent nos villes et nos vies.Comment peut-on se libérer lorsque la division s'installe chez nous par la voix de certains intellos bien en place sur Vigile d'où ils vilipendent ceux et celles qui ne pensent pas comme eux et elles. Comment pouvons-nous libérer un peuple dont le pays est attaqué de l'intérieur. Pauvre Lionel Groulx, et pauvre Honoré Mercier, qui avez dénoncé la division du peuple qui prive les sociétés de liberté.Mais la liberté n'est-elle pas, d'abord, le propre de l'homme libéré de l'esclavage imposé par l'occupant de mon pays, qui n'est pas à naître, comme vous le dites si bien, mais qui demande à être libéré? Nous vous souhaitons tout de même «Joyeux Noël» et une Bonne et Heureuse Année 2012, en attendant le jour de la libération de notre nation assiégée comme vous l'aviez écrit en d'autre temps, pas si éloigné. Malgré tous les pisse-vinaigre de la critique contre les dirigeant-e-s de nos partis indépendantistes, je crois,tout de même, que nous vaincrons
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2011Madame Leclerc,
Merci à vous et à tous les autres pour vos commentaires.
Cela dit, est-elle vraiment farfelue ou exagérée, mon image de la famille séquestrée dans sa propre maison par des bandits sans scrupules ? Non, pas du tout. Songeons seulement à octobre 70. Ça ne fait quand même pas une éternité.
Par ailleurs, les bandits pacagent dans la maison depuis si longtemps, 251, 252 ans, qu'à plusieurs des nôtres leur présence a fini par paraître aussi naturelle que celle du ciel au-dessus de nos têtes. C'est là l'une des nombreuses causes de nos deux défaites référendaires. Et même, rappelons-nous, la dernière de ces défaites ne nous a-t-elle pas été en quelque sorte imposée par les bandits dont je parle et les complices que, depuis longtemps, ils s'achètent au sein même de notre famille ?
Non, non, il faut arrêter de banaliser le sort que nous a valu la Conquête anglaise. Ce sort, c'est celui d'une nation colonisée, c'est-à-dire soumise à une domination étrangère.
Les Anglais, évidemment, rejettent l'accusation de colonialisme que nous leur avons déjà lancée dans les années soixante et dont nous nous excusons misérablement depuis. En cela, il faut dire qu'ils ne sont pas nécessairement toujours de mauvaise foi. C'est qu'ils en sont arrivés à se convaincre et à croire dur comme fer que le colonialisme ne va pas sans la privation des droits politiques de base (vote et élégibilité) et des droits civiques (liberté de conscience, d'expression, etc.).
Il est vrai que, dans la quasi-totalité des pays colonisés, ces droits furent refusés aux peuples conquis. Ils nous furent refusés à nous aussi, ne l'oublions pas. Puis, un jour, ils nous furent accordés. Pourquoi ? Uniquement parce que, dans l'ensemble géo-politique auquel les Anglos nous avaient annexés, nous étions devenus minoritaires et que la reconnaissance de ces droits ne leur posaient dès lors plus aucun problème. Voilà ! C'est la seule «chance» que nous ayons eue par rapport aux autres peuples colonisés qui, eux, avant leur indépendance, ont presque toujours été soumis à des métropoles dont des océans les séparaient, détail non négligeable.
Bref, contrairement à ce que pensent les Anglos et plusieurs de nos intellectuels intoxiqués par leur propagande insidieuse, non, non, non et non, la reconnaissance des droits politiques de base et des droits civiques n'empêche en rien le colonialisme. Cela n'y met un terme d'aucune façon. Le colonialisme, c'est un régime politique en vertu duquel un peuple impose ses lois et ses magistrats à un autre peuple. Là où les conquis demeurent majoritaires, le colonialisme leur refuse les droits civiques. Là où ils deviennent minoritaires, comme ce fut le cas ici avec notre annexion de force à cet État dont Ottawa est la capitale, alors le colonialisme leur accorde ces droits sans trop de crainte, conscient au surplus de la belle image que cela lui confère.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, on a toujours affaire à une domination coloniale, c'est-à-dire à une situation qui s'apparente à bel et bien à celle que subit une famille séquestrée dans sa propre maison.
CQFD.
Luc Potvin
Verdun
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2011Je suis d'accord avec vous, monsieur Potvin, pour rejeter les métaphores de l'enfant à naître ou de l'adulte qui n'ose pas quitter ses parents. Je les ai utilisées, mais m'en abstiendrai dorénavant.
En revanche, celle de la famille séquestrée me semble un peu farfelue. Nous aurions pu, en effet, sortir de la maison si nous l'avions voulu en 80 et 95. Je sais, je sais, ce n'est pas facile quand on se sent tout de même bien dans la chaumière et que la peur nous prend au moment d'ouvrir la porte.
Une métaphore plus juste serait peut-être celle de la famille jadis propriétaire et maître chez elle, devenue locataire, dépendante et soumise, et qui ne se souvient même plus de ce que c'est que d'assumer toutes ses libertés. Nous pourrions longtemps épiloguer sur les tenants et aboutissants de cette dépendance.
Nic Payne Répondre
14 décembre 2011Vos images sont tordantes ! Je dénonce moi-même ce dont vous parlez ici. Il va sans dire que sur le fond, je suis bien d'accord avec vous.
Il est à considérer, cependant, que plusieurs évoquent le " pays " par-ci par-là sans nécessairement être conscients de participer à un égarement philosophique et/ou politique.
Il y a le " pays à naître " et ses variantes, il y a aussi le " pays " tout court, qui sert souvent de mot de code utilisé à toutes les sauces par certains qui, consciemment ou non encore une fois, hésitent à dire plus clairement " indépendance ".
NP
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2011Bravo pour cet envol M. Potvin et j'en redemande.
Les "mauvaises métaphores" aident à paver notre enfer de bonnes intentions!
ATTENTION! Indignation vômie dans cet espace [.....]
Jacques Dubreuil Répondre
14 décembre 2011Merveilleux, monsieur Potvin. Toutes mes félicitations! Le mot juste, le bon usage des métaphores, c'est le début de la dignité requise pour vivre libre. Merci