Le pipeline de la dernière chance

Sans Énergie Est, l’industrie des sables bitumineux ne pourra poursuivre sa croissance

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Pourquoi le Québec devrait-il accepter ce que les États-Unis et la Colombie-Britannique ont jugé préférable de refuser ?

Aux prises avec des projets de pipelines bloqués depuis des années, l’industrie pétrolière est bien consciente que la croissance de sa production passe inévitablement par la construction d’Énergie Est. C’est dans ce contexte que TransCanada mène son offensive tous azimuts en faveur de ce projet destiné à exporter le pétrole des sables bitumineux.
Debout devant des tirages grand format de ses photos prises dans le nord de l’Alberta, le photographe Garth Lenz ne mâche pas ses mots pour décrire les impacts de l’industrie pétrolière : « Lorsque j’ai survolé des sites d’exploitation des sables bitumineux, que ce soit en 2005 ou en 2010, j’ai été très surpris par la taille de ces zones hautement industrialisées, mais aussi par l’ampleur de la destruction de ces régions qui étaient auparavant recouvertes par la forêt boréale. Ce sont des faits indéniables, mes photos en témoignent. »
Le Britanno-Colombien met d’ailleurs en garde les Québécois. « Si vous dites oui à Énergie Est et que ce pipeline est construit, c’est précisément pour que cette industrie puisse continuer de croître. C’est ce que vous allez cautionner. Il faut y réfléchir avant de prendre une décision », laisse tomber le photographe de réputation internationale dont le travail est présentement exposé à la Maison du développement durable, à Montréal.

Production d’or noir

Le secteur des sables bitumineux a effectivement plus que jamais besoin que de nouveaux pipelines soient construits. « Les entreprises ont déjà un manque de capacité de transport. Donc, sans projet de pipeline, elles ne pourront pas composer avec la croissance de la production. Il risque d’y avoir un blocage », explique Jean-Thomas Bernard, professeur au département de science économique de l’Université d’Ottawa.
Selon les données de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, la production d’or noir au pays atteignait 3,7 millions de barils par jour en 2014 (deux fois la consommation du pays), dont 2,2 millions provenant des sables bitumineux. Si les projets de développement de nouveaux gisements sont au rendez-vous, ce secteur de l’industrie devrait extraire quotidiennement 3,5 millions de barils en 2025, puis 4 millions en 2030. Bref, la production des sables bitumineux devrait doubler d’ici 15 ans.

D’où un besoin accru de capacité de transport de ce brut vers les marchés. Et s’il a plusieurs fois été dit que les Canadiens, et surtout les Québécois, doivent choisir entre le transport de pétrole par pipeline ou par train, la réalité invalide cet argument.

En fait, à lui seul, le pipeline Énergie Est transporterait l’équivalent de 1570 wagons de pétrole chaque jour, selon TransCanada, soit l’équivalent de 22 convois comme celui qui a déraillé et explosé à Lac-Mégantic en 2013.

Il serait techniquement impossible de faire voyager autant de convois à travers le Québec, à moins de construire de nouvelles voies ferrées. Qui plus est, le transport par train est nettement plus coûteux que celui par pipeline.

Projets bloqués

La croissance de l’industrie passe donc par les projets de pipelines. Or, dans le contexte actuel, on pourrait dire que le projet Énergie Est de TransCanada est d’autant plus nécessaire qu’il constitue, pour le moment, l’unique planche de salut de l’industrie. « Énergie Est n’était pas leur première option, mais ce qu’on vise, c’est d’abord l’exportation », souligne M. Bernard. Il rappelle ainsi que les géants du secteur pétrolier comptaient beaucoup sur le projet Keystone XL, qui aurait permis de relier l’Alberta aux raffineries de la région de Houston, dans le sud des États-Unis. Mais le projet a été bloqué par le président Barack Obama.

Deux autres projets ayant pour objectif de rejoindre des installations portuaires situées sur la côte ouest canadienne peinent à voir le jour. Il s’agit d’abord du projet Northern Gateway, approuvé sous conditions par le gouvernement fédéral mais qui fait face à de nombreux blocages, notamment de la part des Premières Nations. Quant au projet TransMountain, il a été rejeté par la Ville de Vancouver et même par le gouvernement de la Colombie-Britannique.


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