Le Quebec Liberal Party (QLP) peut-il espérer reprendre le pouvoir?

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Les francophones pourraient passer de 79% à 69% en 2036

Inespéré, parce que le Quebec Liberal Party (QLP) a perdu le pouvoir. Historique aussi, parce que la défaite du QLP est sans précédent : avec seulement 24,8 % des votes exprimés et 31 députés, le QLP réalise son pire score depuis le British North America Act. Le QLP a été, pour l’essentiel, réduit à ses fiefs ethniques de l’île de Montréal et de Laval. Ne boudons pas notre plaisir face à cette débandade. Cependant, l’élection majoritaire de la CAQ est-elle un accident de parcours ou bien est-ce le résultat de la fin d’un cycle historique qui opposait fédéralistes et souverainistes ? Le QLP peut-il espérer reprendre le pouvoir ? Pour se faire une tête, il est utile de se dégager de la conjoncture immédiate et de prendre une perspective de plus longue durée.


Les résultats d’octobre 2018 nous fournissent une première piste de réflexion. Alors même que le parti subit la pire débandade de son histoire, le QLP réussit tout de même à récolter 31 sièges. Ce n’est pas rien. Qui plus est, le QLP récolte la totalité des sièges dans l’ouest de l’île de Montréal (13 sur 13) et six sièges sur quatorze dans l’est de l’île de Montréal. Sur l’île de Montréal, le QLP obtient donc 70 % des sièges. Sur l’île de Laval, le QLP a pris cinq sièges sur six (83 % !). Plus de trois quarts de ses effectifs parlementaires proviennent donc de l’île de Montréal et de Laval.


Ce résultat a été obtenu sans trop se fatiguer, la domination libérale dans ces circonscriptions étant impressionnante, malgré la faiblesse du résultat global. Ce qui est clair, c’est que l’alternance politique est essentiellement chose du passé pour la plus grande partie des circonscriptions (25 sur 33) de l’île de Montréal et de Laval. Cette tendance est présente de longue date dans l’ouest de l’île de Montréal. Elle est cependant nouvelle pour l’île de Laval.


Rappelons-nous que le PQ arrivait autrefois à y faire élire des candidats. C’était il y a 15 ans. Les profonds changements démographiques qui ont eu lieu à Laval depuis, fruits d’une immigration massive et mal intégrée au Québec français, ont fait s’effondrer la proportion de francophones (langue parlée à la maison) à Laval[1]. Le QLP a donc réussi à verrouiller au moins 5 circonscriptions supplémentaires dans la région de Montréal en 15 ans, c’est-à-dire à y rendre l’alternance politique pratiquement impossible.


Comment évoluera cette situation dans l’avenir ? Le plus solide déterminant des intentions de vote au Québec est la langue parlée à la maison, appelée la langue d’usage. Statistiques Canada a publié une étude démolinguistique en 2017 qui modélise l’évolution du poids des francophones, anglophones et allophones au Québec et au Canada jusqu’en 2036.


Selon le scénario de référence, pour le Québec, le pourcentage de francophones (langue maternelle) baissera de 78,9 % en 2011 à 70,1 % en 2036. Il pourrait même baisser jusqu’à 69 % dans le scénario de fortes immigrations (350 000 immigrants au Canada par année, ce qui est précisément le nouvel objectif qui vient d’être fixé par le gouvernement Trudeau). Cependant, le pourcentage d’anglophones augmentera de 8,2 % à 8,7 %. Le pourcentage d’allophones passera de 12,9 % à 21,2 %.


Le déclin du français se fera sentir sévèrement dans toute la RMR de Montréal. Sur l’île de Montréal, les francophones (langue maternelle) passeront de 48 % en 2011 à 44 % en 2036. Hors de l’île de Montréal dans la couronne, le français langue maternelle baissera à 67 %. Les résultats pour la langue d’usage pour 2036 sont les suivants:



Comme le met en évidence le tableau 1, la chute du poids des francophones sera brutale dans la RMR de Montréal (7,9 points) et dans la RMR hors de l’île de Montréal (11,3 points). L’évolution à Laval dans les 15 dernières années n’est que le début. Les conséquences de cette évolution sont claires : les partis nationalistes seront progressivement expulsés de toute la RMR de Montréal dans les prochaines décennies, c’est-à-dire d’une région qui compte environ la moitié de la population du Québec. À l’opposé, le QLP y bénéficiera d’une dynamique de renforcement et le nombre de circonscriptions où il pourra espérer gagner sans problème va progressivement augmenter.


Statistiques Canada écrit en toutes lettres: « … l'ICLI (indice de transmission intergénérationnelle) de la langue maternelle anglaise a progressivement augmenté pour surpasser celui des autres provinces et territoires. En 2011, cet indice atteignait 1,29 au Québec comparativement à 1,21 au Canada hors Québec. Il signifie donc qu'on a dénombré près de 29 % plus d'enfants de langue maternelle anglaise que d'enfants dont la mère a cette langue comme langue maternelle.» Au Québec, la langue anglaise est pétante de santé, elle est même plus en santé qu’ailleurs au Canada hors Québec ! C’est un comble !


À terme donc, dans un avenir pas très lointain et certainement beaucoup plus tôt que la majorité des Québécois ne s’y attend, si la tendance se maintient, comme la RMR de Montréal compte pour environ la moitié de la représentation politique à l’Assemblée nationale, il deviendra quasi impossible pour un parti nationaliste de prendre le pouvoir de façon majoritaire. L’échelle temporelle reste incertaine, mais le QLP n’a qu’à rester assis et ne rien faire. Il reprendra le pouvoir éventuellement.


À moins que… rêvons une minute…  À moins que des mesures structurantes ne soient prises pour contrer les tendances démolinguistiques actuelles. Les phénomènes démographiques possèdent une énorme inertie intrinsèque. Une fois partis, il est presque impossible de modifier leur trajectoire. Freiner la chute du poids des francophones au Québec nécessiterait la prise de vigoureuses mesures structurantes. La première mesure qui s’impose est évidemment de réduire très significativement le volume d’immigrants reçus au Québec. Ceci nous donnerait un peu de temps pour souffler.


Les autres mesures sont connues : Imposer la loi 101 au cégep, retour de l’affichage unilingue français, mettre fin au bilinguisme de l’État québécois, imposer la francisation obligatoire des immigrants, franciser la langue de travail, redimensionner les institutions anglophones de Montréal de façon à les empêcher d’assimiler une proportion indue d’allophones, etc. Des mesures évidentes qu’aucun parti n’a pourtant encore eu le courage de mettre de l’avant. Comment est-ce possible, par exemple, de continuer à prétendre que notre avenir n’est pas en jeu alors que presque la moitié des cégépiens au préuniversitaire sur l’île de Montréal choisissent d’étudier en anglais ? À tout cela, il faudrait ajouter l’implantation d’un mode de scrutin proportionnel, chose qui pourrait peut-être permettre de laisser s’exprimer les voix nationalistes rendues muettes dans les circonscriptions rouges.


Bref, il faut agir.





[1] http://lautjournal.info/20180321/la-west-islandisation-de-laval