Le Québec sous hypnose

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

Il ne se passe tellement rien dans ce pays qu'on appelle le Québec qu'un étranger qui arrive ici, en ce matin de juillet, peut penser que les Québécois dorment à poings fermés. Il y a bien sûr les activités culturelles d'usage. Nous survivons d'un festival à l'autre chaque été depuis des années. Ceux qui cherchent de l'amusement descendent dans les rues, pas pour protester contre quoi que ce soit, mais pour y jouer leur rôle de consommateurs de chansons ou de rire, dans le but de bien prouver qu'ils sont encore vivants. Autrement, on finirait par penser qu'ils sont tous morts sans que personne s'en soit rendu compte.
Les Québécois, ces temps-ci, ont l'air infiniment zen. Si, en temps normal, le premier venu peut leur marcher dessus, les tourner dans tous les sens, leur crier dans les oreilles ou leur passer par-dessus la tête sans qu'ils ne réagissent le moins du monde, c'est encore pire au coeur de cet été sans bon sens où il pleut pratiquement tous les jours et où les températures restent misérablement sous les normales.
Ils s'en balancent. Ils sont comme absents, partis pour un monde meilleur ou partis pour le sud, tout simplement. On peut déblatérer sur leur compte, leur crier des noms, leur cracher au visage même, sans que les battements de leur coeur s'accélèrent ou qu'ils affichent la moindre impatience. Un peuple étrange, une nation même, ont dit certains, à condition que ça ne dérange personne et qu'on puisse continuer à dormir en paix. Drôle de phénomène.
Ce pays est difficile à vivre et difficile à décoder. S'il lui est arrivé de connaître des moments de grande exaltation, il lui arrive aussi de sombrer dans une sorte de dépression quand l'avenir a l'air de se fermer et qu'il ne sait plus par où reprendre les commandes de son destin. Et puis, au fond, pour essayer de mieux les comprendre, on peut penser que lorsque les Québécois ont l'air de dormir si profondément, c'est que leurs hypnotiseurs habituels ont bien travaillé. Ils sont légions et ils n'ont jamais hésité à unir leurs efforts pour maintenir le Québec dans une douce léthargie. Les Québécois ont de la misère à mettre un pied devant l'autre, victimes qu'ils sont de grandes séances d'«endormitoire».
Les analystes ont bien essayé de comprendre le phénomène. Ils ont avancé un certain nombre d'explications devant cette maladie étrange qui fait qu'à peu près rien ne retient l'attention de l'honnête citoyen plus de deux minutes. Le Québécois d'aujourd'hui regarde le monde tourner sans lui et il se dit qu'au fond moins il en sait, mieux c'est.
Il ne cherche aucune sorte de confrontation. Il préfère projeter l'image de quelqu'un qui reste en contrôle même quand il sait qu'il ne contrôle rien. Pas de dispute, pas de débat, pas de chicane dans sa cabane. Pas de grands projets non plus, rien surtout qui va l'obliger à se prononcer sur quelque chose d'important. Par contre, si vous voulez son opinion sur les changements au club de hockey Le Canadien, là, il en aura long à dire. Il pourra vous en parler pendant des heures avec des détails sur chacun des joueurs, sur ceux qui s'en vont et sur ceux qui arrivent. Voilà peut-être le seul sujet sur lequel il sera intarissable.
Il a développé une sainte horreur des débats politiques. Les campagnes électorales ont eu raison de sa patience proverbiale et s'il s'écoutait, il n'irait plus voter. Il est convaincu que voter ne sert à rien, mais il n'a pas l'intention de faire quoi que ce soit pour changer la situation. Il préférerait s'en laver les mains. Si vous lui posez la question, il vous dira qu'il veut la sainte paix.
En attendant que le Québec se remette en marche, le temps semble bien long. Le monde culturel cherche son souffle, le monde économique se lamente, le monde des communications en arrache. On sait aussi que les solutions ne viendront pas d'en haut. Ni monsieur Stephen Harper ni monsieur Jean Charest ne sont les visionnaires dont nous aurions besoin.
Tout monde sait, cependant, que le Québec va finir par se réveiller. Le problème, c'est de savoir quand. Un beau matin, quelqu'un va lui marcher sur le gros orteil et il risque de se réveiller de mauvaise humeur. De nouveaux chefs vont sortir du lot. Les Québécois vont relever la tête et se redonner la perspective qui leur fait tellement défaut en ce moment. Nous aurons retrouvé le goût de la conquête.


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