IDÉES

Le sort des Anglo-Québécois

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L'art de se plaindre la bouche pleine : la minorité linguistique la plus choyée du monde






On dirait que les Anglo-Québécois se sont embellis. Les politiciens cherchent à les courtiser. Il y a deux semaines, le premier ministre Philippe Couillard a annoncé que son gouvernement établirait un secrétariat chargé de gérer les relations avec la minorité anglophone.


 

Sans surprise, cette nouvelle a été chaleureusement accueillie par le Quebec Community Groups Network, un réseau comprenant une cinquantaine de groupes anglophones québécois. Mais remarquons que le sentiment animant ce geste fut approuvé par Jean-François Lisée du Parti québécois et par François Legault de la Coalition avenir Québec. Tous deux ont saisi l’occasion pour faire valoir leur volonté de venir en aide aux Anglos, exprimant leur appui, et ce, en anglais, lors des points de presse de clôture de la session parlementaire.


 

Dernier cri


 

Tout à coup, les Anglos jouissent d’un statut « dernier cri » auprès de la classe politique québécoise. Les libéraux semblent vouloir renforcer l’appui que cette communauté leur a traditionnellement octroyé ; sentent-ils que cette loyauté est désormais à risque ?


 

M. Lisée a été élu chef du PQ avec l’engagement de ne pas tenir de référendum lors du premier mandat d’un éventuel gouvernement péquiste. L’accent qu’il met sur son offre d’un gouvernement compétent, vert, sans magouille et inclusif se veut rassembleur. Mettre en suspens la quête de l’indépendance fait partie de cette approche et pourrait rassurer un certain nombre d’anglophones.


 

L’ouverture des partis d’opposition envers les Anglos survient après quelques erreurs de parcours du gouvernement libéral qui en ont consterné plusieurs dans cette communauté. Les compressions budgétaires dans le secteur de la santé ont provoqué une réduction des lits disponibles et de plus longues attentes au McGill University Hospital Centre. Le projet de loi — retiré à la suite de critiques — qui visait l’élimination des commissions scolaires élues a été vivement contesté par les anglophones, qui y voyaient une menace à la survie de l’éducation en anglais au Québec.


 

Ce qui nous amène à l’enjeu des écoles de langue anglaise, où le nombre d’élèves ne cesse de chuter, surtout au niveau secondaire, et provoque à son tour la fermeture d’écoles. À travers le Québec, le nombre d’élèves inscrits dans les écoles secondaires anglaises a baissé de 13,3 % depuis quatre ans, soit de 39 244 élèves en 2012 à 34 023 en 2016. Pendant la même période, l’inscription dans les écoles élémentaires anglaises s’est maintenue au même niveau d’environ 48 000, ce qui indiquerait que de nombreux élèves anglophones choisissent de passer au système scolaire francophone au niveau secondaire. Les statistiques le confirment : en 2013, 12 % des anglophones admissibles à l’école anglaise ont choisi de fréquenter l’école française.


 

Exode


 

L’origine de ce déclin, bien sûr, se trouve dans l’exode du Québec de quelque 200 000 anglophones depuis les années 1970. Ce mouvement s’est produit à la suite de l’arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, avec son projet d’indépendance ainsi que sa Charte de la langue française, la loi 101. Cette dernière a eu l’effet visé, soit la promotion d’un Québec plus français que jamais. Les anglophones qui y sont restés, ou plutôt qui sont nés depuis les années 1970, sont pour la plupart assez bien francisés.


 

Existe-t-il encore des anglophones unilingues au Québec ? Oui, mais ce sont surtout les aînés qui se trouvent aujourd’hui souvent marginalisés. La majorité de ces Anglos, pourvu qu’ils soient adaptés à la réalité d’un Québec incontestablement francophone, conservent un attachement au Canada. Cela fait partie de leur identité, au point que la plupart ne voteraient jamais pour une formation politique qui remet l’unité du pays en question.


 

Cette nouvelle ouverture aux Anglos de la part des politiciens serait-elle l’indice d’un changement dans le climat politique ? L’attachement au Canada ainsi qu’un intérêt accru pour l’apprentissage de l’anglais sembleraient plus répandus chez les jeunes Québécois francophones que parmi leurs aînés. Si ce n’était pas le cas, pourquoi donc le PQ aurait-il écarté sa raison d’être, même de façon temporaire ?


 

L’anglais, un outil


 

Pour la génération née à l’ère de l’Internet et de la mondialisation, l’anglais n’est qu’un outil donnant accès à un ensemble plus grand de boulots, d’occasions en affaires et en formations. Apprendre l’anglais, c’est comme apprendre à conduire une voiture : on en récolte une gamme d’options plus vaste en conséquence.


 

Les jeunes parents francophones qui voudraient exposer leurs enfants à l’anglais doivent composer avec la loi interdisant l’inscription de ces enfants à l’école anglaise. Certains choisissent donc la prématernelle en anglais ou, à l’autre bout du chemin, le cégep anglophone. Entre-temps, bon nombre de parents anglophones — ceux qui ont fait leurs études en anglais au Canada — se trouvent privilégiés en ayant le droit de choisir. Ils en profitent, combinant l’école élémentaire en anglais avec l’école secondaire en français.


 

La crise existentielle que vivent les écoles secondaires anglophones pourrait se résoudre tout en profitant aux parents francophones voulant que leurs enfants connaissent l’anglais. Il s’agit d’abolir le règlement interdisant aux parents francophones d’envoyer leurs enfants aux écoles anglaises.


 

Cette réforme aura l’effet d’étendre aux Québécois francophones le droit au libre-choix dont jouissent déjà les anglophones, tout en assurant l’avenir du système scolaire de langue anglaise au Québec. Les jeunes francophones de familles à revenus moyens en profiteraient pour apprendre l’anglais de façon rigoureuse, sans avoir à payer les frais de l’école privée. Rappelons que l’éducation à l’école anglaise comprend une forte proportion de cours en français, son but étant de produire des diplômés bilingues.


 
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