2011

Le temps de la démission

Chronique de Louis Lapointe

Au cours de la dernière année, à titre de chroniqueur de Vigile.net, j’ai eu le privilège de suivre et commenter l’actualité politique québécoise. Pauline Marois, François Legault, Jack Layton et Amir Khadir ont donc été l’objet de plusieurs de mes chroniques. Je vous propose aujourd’hui des extraits de quelques-uns de ces articles écrits en 2011.
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Le temps de la démission

Paradoxalement, si nous avons toutes les raisons du monde de craindre l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire à Ottawa, nous avons également de bons motifs de croire qu’une telle élection aurait pour effet de creuser davantage le fossé qui sépare déjà le Québec du reste du Canada. L’hypothèse qu’un gouvernement conservateur majoritaire gouverné par Stephen Harper puisse favoriser la montée de l’indépendantisme au Québec est donc plausible, les conservateurs étant idéologiquement plus faciles à cerner que ne l’étaient jadis les libéraux.
_ L’allié objectif ? Le 24 janvier 2011.
J’ai terminé la semaine avec le sentiment mitigé que Jean Charest avait obtenu une copie du manifeste de François Legault et que Lucien Bouchard s’était inspiré d’éléments du discours inaugural de Jean Charest portant sur les gaz de schiste. Mon épouse m’a suggéré qu’il y avait probablement une explication logique. La même firme de consultants aurait écrit les principales lignes de leurs allocutions respectives. Mieux, comme toutes ces personnes fréquentent le même monde, les mêmes soirées, les mêmes cocktails, leurs chemins se sont probablement croisés chez les grands du Québec avec qui ils partagent les mêmes idées. Là, j’ai immédiatement pensé à Sagard.
_ Tout ça pour ça ! Le 27 février 2011.
Toutes les démarches de François Legault pour défendre les intérêts du Québec à l’intérieur du Canada ne seront que pures pertes d’énergie et de temps. On n’investit pas dans un logement, on y dépense. Toute chose étant égale par ailleurs, le Canada sera toujours une colonne de dépenses pour les Québécois, jamais une colonne d’investissements. Un comptable qui sait compter devrait savoir cela, un professeur des HEC aussi !
_ Les locataires. Le 11mars 2011.
Tous ces chevaliers de l’intransigeance / Partis à la chasse aux sorcières / Lèvent leurs armes d’airain / Pour briser la gloire dans nos cœurs / De leurs langues de vipères / Ils méprisent l’espoir d’un peuple fatigué / Tous ces sauveurs masqués du visage de l’unité / Appellent à la prudence un peuple déchiré / Demain ils érigeront des disciples apostoliques / De leurs grandes toges / Ils habilleront le Québec / Et feront disparaître les derniers rebelles / Ils rétabliront la confiance des autres / Enfin la stabilité retrouvée / Pour toujours la staticité mitigée / Merci à tous ces sauveurs de l’humanité.
_ Les chevaliers de l’intransigeance. Les archétypes sont intemporels, 1977-1979.

En fait, Jack Layton nous présente une vision encore plus centralisatrice du Canada que celles de Michael Ignatieff et Stephen Harper, nous proposant effrontément d’augmenter nos impôts pour mieux s’ingérer dans nos propres juridictions, celles du Québec. Comment peut-on qualifier de sympathique un politicien qui prend le même chemin que Jean Chrétien et Pierre Trudeau ? Suffit-il que "tout le monde en parle" pour que la fiction devienne réalité, pour qu’un opportuniste devienne un bon gars ?
_ Les bons gars. Le 20 avril 2011.
En encourageant les Québécois à voter pour un parti résolument fédéraliste et centralisateur qui a appuyé par le passé le rapatriement de la constitution en 1982 et la loi sur la clarté de Jean Chrétien, le NPD, Amir Khadir nous révèle enfin son vrai visage, celui d’un homme pour qui la lutte nationale des Palestiniens est plus importante que celle des Québécois.
_ La dernière tentation d’Amir. Le 23 avril 2011.
L’intérêt du Québec n’existe pas pour ceux qui travaillent au Québec dans une succursale d’un parti fédéraliste d’Ottawa. L’intérêt du Canada « from coast to coast » prime toujours lorsqu’il s’agit d’envoyer un poète indépendantiste en prison, d’imposer une constitution de force à un peuple minoritaire, d’adopter contre ce dernier une loi aussi antidémocratique que pouvait l’être la loi sur la clarté et d’envahir le champ de compétence des valeurs mobilières sans que cela sème le moindre émoi au sein de la députation locale de la succursale. La loyauté de ces députés va d’abord au Canada.
_ La succursale. Le 28 avril 2011.
Il n’y a pas de vide en politique, que des opportunités. Faute de financement, l’espace laissé vacant par les partis politiques fédéraux sera un jour ou l’autre occupé par les indépendantistes qui poursuivront sans relâche leur combat pour sortir le Québec du Canada.
_ Le baiser de la mort. Le 6 juin 2011.
Même si cela peut paraître étonnant au premier abord, je ne crois pas que la crise que vit actuellement le PQ et celle qui plane sur tous les partis politiques québécois soit le résultat d’une prise de conscience collective similaire à celle qui a enflammé l’Afrique du Nord. Ce que j’ai vu aux dernières élections fédérales n’annonçait pas ça. Contrairement à ce que prétendent de nombreux chroniqueurs et analystes politiques, je ne crois pas non plus que le présumé remplacement du clivage indépendantiste/fédéraliste par le clivage gauche/droite suffise à lui seul à expliquer la crise politique que nous vivons présentement au Québec. Mon intuition me conduit ailleurs. Les Québécois ayant adopté l’attitude de consommateurs vis-à-vis leurs partis politiques, c’est plutôt une crise de consommation politique que je perçois, la démission de quatre députés du PQ n’étant qu’un épiphénomène, un aveu d’impuissance de ces parlementaires face à un marché tout-puissant et omnipotent. À défaut de militer afin d’influencer les courants politiques, les Québécois se sont mis en attente d’offres de services politiques. Ils ont succombé à une forme d’apathie collective induite par les médias, un phénomène amplifié par les sondages. C’est dans ce contexte qu’il faut voir l’élection de 59 candidats du NPD à la dernière élection fédérale et la popularité montante de François Legault et d’Amir Khadir. Si rien n’est fait, c’est la fin de l’Histoire québécoise que je vois poindre à l’horizon, analogue à celle qu’annonçait Francis Fukuyama.
_ La fin de l’histoire et les derniers Québécois. Le 8 juin 2011.
Le PQ n’est donc plus le parti des indépendantistes qui veulent d’abord faire l’indépendance, mais le parti de ceux qui veulent surtout prendre le pouvoir et qui sont prêts à faire toutes les concessions pour l’obtenir, même des courbettes devant des personnes qui n’ont rien à faire de cet objectif, d’où la crise de l’amphithéâtre de Québec. De sorte que de nombreux indépendantistes en sont venus à se demander à quoi servait le pouvoir sinon qu’à permettre aux pragmatiques de l’exercer au premier chef, la prise de pouvoir pour faire l’indépendance devenant la source d’immanquables compromis, quand ce ne sont pas des compromissions, l’indépendance étant finalement toujours reléguée aux calendes grecques. Pourquoi appuieraient-ils indéfiniment un tel parti ? On comprend dès lors pourquoi la crise qui survient aujourd’hui au PQ était inévitable.
_ Le beau risque d’un parti indépendantiste ? Le 16 juin 2011.
Pauline Marois peut bien exiger un serment de tous ses députés. Cela ne changera rien aux difficultés que vit présentement le PQ. Le problème de Pauline Marois n’est pas la députation de son parti, pas plus que les démissionnaires, c’est son incapacité à obtenir la confiance des électeurs et à incarner le changement. Si l’indépendance en est la quintessence, Pauline Marois ne peut aucunement prétendre la personnifier. À moins d’être totalement aveugle, il est facile de constater que Pauline Marois est devenue un boulet pour le PQ. Les serments d’allégeance de ses députés n’y changeront strictement rien. Si cela peut suffire à la rassurer, cela ne la rendra certainement pas plus populaire auprès des Québécois qui n’ont absolument pas l’intention de voter pour un parti dirigé par elle.
_ Le dernier été de Pauline. Le 23 juin 2011.
Soutenir que le PQ mange plus ses chefs que les autres partis n’est donc pas un fait avéré, mais d’abord l’invention d’une certaine presse qui aime bien faire porter aux indépendantistes les plus convaincus l’odieux des difficultés de leurs chefs à terminer leur mandat. Une parade utile pour jeter l’opprobre sur les plus obstinés en prétendant que ces derniers font du tort à la cause et au parti en exprimant leurs opinions. Un habile sophisme qui induit l’idée auprès de la population que ce sont ceux qui défendent la cause qui lui nuisent le plus. On ne pouvait trouver de meilleur stratagème pour dénigrer la cause indépendantiste, une aubaine pour tous les médias qui aiment se mettre du pur et dur sous la dent. En tirant sur les messagers parce qu’il n’aime pas leurs messages, le PQ ne réussit qu’à nourrir davantage la bête médiatique et amplifier sa diversion savamment orchestrée.
_ Au cœur des ténèbres... Le 28 juin 2011.
Plus Pauline Marois tiendra longtemps la barre du PQ, plus elle se fera détester, plus Gilles Duceppe sera vu comme un sauveur. Il faut donc voir dans l’attitude actuelle de Mme Marois moins un suicide politique qu’un sacrifice pour la noble cause qu’elle défend. C’est bien connu, les Québécois aiment les sauveurs. Le PQ est en train de leur en fabriquer un sur mesure ! Après avoir brûlé Gilles Duceppe sur l’autel de l’élection fédérale du 2 mai 2011, ils en feront un héros. Comme quoi, si les Québécois ont déjà vénéré un miraculé, ils pourront bientôt aduler un ressuscité ! Tout cela grâce à l’intercession de Pauline Marois.
_ Le sauveur . Le 31 octobre 2011.

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Billets précédents sur le même sujet:
2010 Le temps de l’enlisement
2009 : Le temps des faux-fuyants
L’épreuve du temps : 2008

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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