Schisme au PQ

Le triomphe de Paul Desmarais

Vient toujours un temps où les ambitions personnelles ont quelque chose d’obscène

Chronique de Richard Le Hir

La Presse publie ce matin une chronique d’Yves Boisvert intitulée « péquisteries terminales » dans laquelle on retrouve un concentré de la narration que son journal et ses patrons de Power essaient d’imposer aux Québécois pour les convaincre de la fin du PQ et de leur espoir de pays. Lisez très attentivement ces quelques paragraphes :

« Rien de nouveau, en somme. La différence cette fois-ci, c'est que les conditions sont réunies pour bien plus qu'un autre changement de chef. Ça sent l'effondrement terminal. Au moment même où les libéraux se sont disqualifiés tant et plus...

Les élections fédérales du 2 mai ont indiqué que la «question nationale» n'est plus le moteur principal du vote québécois. Des souverainistes, voyant l'hypothèse d'un référendum gagnant s'éloigner, sont très bien capables de voter pour le NPD.

Ce vote de souverainistes fatigués est plus volatil que jamais. Ils ne sont plus acquis au PQ, même au moment où les libéraux sont censés être au plancher. Les indiquent que François Legault a le vent en poupe et pourrait ravager le PQ - et l'ADQ, et le PLQ.

La guerre est éternelle entre péquistes pragmatiques et idéologiques. Les premiers veulent d'abord prendre le pouvoir et convaincre les Québécois en «gouvernant bien». Les seconds veulent faire la souveraineté en arrivant au pouvoir ou carrément rester dans l'opposition en attendant.

Mais cette fois-ci, elle prend un tour plus dramatique. Songez que Louise Beaudoin n'est plus péquiste!

Ces déchirements n'auraient pas lieu si le pouvoir et un possible référendum gagnant étaient en vue. Ils ne le sont pas.

Ce n'est pas pour rien que le mouvement Legault les fait paniquer. Lui qui propose une sortie du vieux débat binaire souverainistes/fédéralistes dépasse tous les partis, sans même en avoir fondé un...

Non, cette fois, ces péquisteries en apparence classiques cachent une lutte finale entre les deux faces du parti. »

Vous apprécierez le choix des formules : « l’effondrement terminal », « la question nationale n’est plus le moteur principal du vote québécois », « François Legault a le vent en poupe », « ravager le PQ », « tour plus dramatique », « Louise Beaudoin n’est plus péquiste », « déchirements », « paniquer », « vieux débat binaire », « péquisteries », « lutte finale ». Chacune d’entre elle est choisie pour maximiser l’effet de renforcement de la suivante. On appelle ça de la propagande quand on veut être méchant ou prendre ses désirs pour des réalités quand on l’est moins.

Remarquez qu’à aucun moment le chroniqueur n’évoque-t-il le fait que l’indépendance est plus populaire qu’aucun des partis « réels ou appréhendé » en présence, et qu’en ce qui concerne le CAQ, non seulement rien ne dit qu’il est promis à un succès quelconque malgré l’engouement qu’il semble susciter pour le moment, mais que l’histoire politique du Québec nous enseigne que la progression vers le pouvoir est longue et difficile, et que François Legault, avec son cafouillage d’hier sur la tenue éventuelle d’un référendum, nous montre combien sa position est fragile.

On ne s’attend évidemment pas à une once d’objectivité de la part de La Presse sur la question de l’indépendance du Québec, mais l’acharnement qu’elle met à tenter d’en éradiquer l’idée atteint ici le stade de la furie destructrice.

Il est donc particulièrement consternant de voir le PQ lui offrir aussi généreusement du grain à moudre. Hélas, comme je le soulignais dans un article précédent, la question de la légitimité des nouvelles orientations du PQ est désormais posée, tout comme celle du leadership de Pauline Marois, malgré le soutien impressionnant qu’elle a reçu au dernier congrès.

En effet, aucun des membres qui ont voté en sa faveur n’avait anticipé une telle dérive, d’une telle ampleur, dans un laps de temps aussi court. Je ne suis pas certain qu’un nouveau vote sur son leadership confirmerait celui du congrès. En fait, je suis plutôt convaincu du contraire. Et le niveau de soutien qu’elle obtiendrait ne lui laisserait pas d’autre choix que d’offrir sa démission, car voilà clairement un cas où l’on ne peut pas se contenter d’un appui de 50 % plus 1.

Alors maintenant, la question est de savoir si Pauline Marois et les éléments du PQ qui la soutiennent vont entraîner le PQ dans la marginalisation et assurer ainsi le triomphe de Paul Desmarais et de sa vision provinciale « forever » du Québec, ou si elle aura l’élégance et la dignité de se retirer en laissant le PQ à ses militants qui ont toujours cru qu’il les mènerait à la concrétisation de leur rêve d’un Québec indépendant. Vient toujours un temps où les ambitions personnelles ont quelque chose d’obscène.


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15 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 juin 2011

    C,'est pas des farces quand un chef au P.Q fait une erreure,tout ce bouquand pour faire reculer le projet.C'est désolant de lire partout sur les blogues.Jean charest ne fait que ça des erreures et il n'y a aucun mot de la part des libéraux et encore moins des journalistes.Je suis venu sur ce blogue en pensant me réconforter mais non,encore et encore la même rengaine.On en veux tu un nouveau pays ou non.Moi c'est la dernière chance que je donne au parti après je ne vote plus.

  • Stéphane Russell Répondre

    16 juin 2011

    50%+1 reste le fondement du choix démocratique. Étonnant d'en voir de plus en plus qui ont un malaise avec ça, de M. Dion à vous M. Lehir, qui vraisemblablement vous mettez tous deux au dessus de la démocratie en déclarant le 50%+1 insuffisant.
    Non, vraiment, nous ne nous approchons pas de l'indépendance, mais pas du tout! Car bâtir un pays, c'est faire des choix et les assumer. Va-t-on aussi reculer après avoir entamé l'indépendance, sous prétexte que le résultat n'est pas assez de gauche ou de droite?
    Les camions de vidanges écrivent à leur arrière: «Attention! Je recule fréquemment».
    Vos propos, M. Lehir, me découragent plus que toutes les magouilles du clan fédéraliste. C'est madame Marois qui a été élue et confirmée par un votre de confiance sans précédent, par ses membres, suivant les bonnes règles démocratiques - avec ses forces ses faiblesses. La démocratie a parlé, et nous sommes individuellement tous tenus de la respecter. Sinon, plus rien ne tiens.
    Si aux prochaines élections Mme Marois ne donne pas un rendement valable, alors le temps sera venu de lui dire, amicalement: «voici, nous avons laissé toute la latitude à laquelle est en droit de s'attendre un chef, nous avons accepté MÊME ceci ou celà. Plus encore, vous aviez l'avantage du terrain avec la débâcle du PLQ. Mais voilà, ça n'a pas donné le résultat que vous nous aviez promis.» Le souffler avant ce moment là, c'est du domaine de la conspiration.
    Soyons souverains: assumons nos choix!

  • Archives de Vigile Répondre

    16 juin 2011

    Heureusement que l'on est au Québec. Et qu'il ya ici une démocratie qui même imparfaite, nous protège encore.
    Car l'ultra-lucide Paul Desmarais qui ici, ne peut que tenter d'influencer l'opinion avec ses "spin henchmen" sait agir, partout où il a des affaires, en concordance avec les conditions locales.
    Ainsi la compagnie Total, que lui et son associé Albert Frère contrôlent, a été accusée en 2002 par une dizaine de paysans birmans qui affirment avoir été victimes de “travail forcé” par Total pendant la construction d’un gazoduc de 63 km entre le rivage de la mer d’Adaman et la frontière thaïlandaise dans les années 1990. Sans doute que comme son copain Lucien il trouvait que les Birmans ne travaillent pas assez.
    C'est aussi vrai que l'on apprenait, grâce à Jean-Philippe Demont- Pierot et son livre "Total(e) Impunité" que les sous de la Total en Birmanie ont aidé la junte militaire au pouvoir. Ça c'est d'la business.
    Donc, comme je le disais, heureusement qu'ici au Québec il n'en soit réduit qu'à tenter, même systématiquement, de nous "influencer" car autrement on se prend à penser que si les circonstances s'y prêtaient, il saurait nous obliger.

  • François A. Lachapelle Répondre

    15 juin 2011

    J'aime la soupe aux pois qui fait "petter". Une soupe fumante qui sent bon, un peu le lard dedans. Et oui, ça brasse aussi les intestins, mais ça nourrit et nos ancêtres bûcherons et cultivateurs derrière la charrue ont fondé le peuple du Québec à l'aide de la soupe aux pois.
    Excusez cette entrée en matière pour arriver à la crise actuelle qui secoue le PQ. Il faut que cela brasse un peu; c'est dans notre nature et nous nous exprimons 'loud and clear"... ce que les anglais font discrètement derrière les tentures.
    Ce brassage découle d'une "grave" erreur de leadership de Pauline MAROIS au sujet du silence dans le cocus qui a entouré le projet de loi privé no 204 déposé par Agnès Maltais. Quelle bourde pour une opposition que de faire le travail du parti au pouvoir. L'opposition doit être un chien de garde, vérifier si les argents publics sont bien dépensés. Pas faire de l'électoralisme comme Agnès MALTAIS.
    Comme le dit Richard LE HIR, il est incertain que le vote de confiance au dernier congrès du PQ pourrait être confirmé maintenant par un autre vote.
    Le PQ doit réformer dans chaque comté sa façon de faire de la politique. Il existe des dossiers sectoriels très importants à prendre un par un. Comme le coût de l'électricité, les redevances minières, les permis d'exploration des gaz de schiste, la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly-2, la mauvaise gestion de nos sociétés d'État (H.-Q., SAQ et Loto-Québec) la privatisation de l'eau douce de nos cours d'eau, le gaspillage de nos ressources dans une consommation débridée commandée par les capitaux privés internationaux qui visent toujours plus de profits mais qui laissent sur place les déchets comme héritage.
    Il faut changer les moeurs de la publicité qui mène au gaspillage et à "la production de vidanges" toujours de plus en plus imposantes. Exemple d'action dans les vidanges: aucune ville du Québec ne serait autorisée de sortir un kilo de vidanges hors de son territoire. Ce projet jamais mis en application est possible en 2011. Au travail.
    La crise du PQ peut être salutaire et les québécois n'ont pas dit leur dernier mot. Et je crois que Pauline possède une clé maîtresse: un discours de démission positif et pouvant faire surgir de terre une nouvelle façon de faire de la politique au Québec.
    Bonne fête nationale du Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    À mon avis ce n'est pas le triomphe de Paul Desmarais qui a causé la descente aux enfers du PQ, ce sont plutôt les tirs croisés des indépendantistes entre eux qui ont fait du bon travail de sape. C'est rarement les autres qui sont responsables de nos malheurs!...

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Le château dans la région de Charlevoix sert probablement à "corrompre" quelques politiciens européens. Je n'affirme rien. Mais quand on sait qu'à l'époque sa propriété en Floride servait de centre de villégiature à Johnson et Bourassa, on peut se poser des questions. Si mes informations sont exactes, ce Monsieur ne détient pas de permis de lobbysme, n'est-ce pas ?

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Voici le courriel que je lui ai fais parvenir aujourd'hui à 10:32 :
    M. Boisvert,

    Permettez-moi de vous dire que vous êtes dans le champs avec votre analyse. Vos comptes de fée pour manipuler l’opinion vous rendent risible. Le moins pire serait que vous croyez vraiment en vos écrits. Dans le cas contraire, c’est le clan Desmarais qui seront fière de vous. Votre combat aveugle (ou non) pour le fédéralisme vous discrédite.

    Serge Savoie

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Merci monsieur Richard Le Hir pour ce survol vigilant.
    Paul Desmarais .....il est déjà dans son propre filet et il ne s'en rend même pas compte. Quand on s'appelle Paul Desmarais, on ne bâtit pas son château à Charles Voix. C'est la sous-jacense qui fera émerger ce peuple qui est le nôtre. Nous sommes, et rien sur la surface trompeuse ne pourra s'opposer. J'ai écris : LE PEUPLE SOUVERAIN DU QUÉBEC , OH! quelle euphorie magnifique d'ÊTRE ce que l'on est et de le ressentir réellement. C'est là notre devoir naturel . Merci au peuple auquel j'appartiens.Continuons dans le printemps des Iris. Est-ce la vérité de dire que nous sommes ? OUI! Sommes-nous un mensonge? NON! Il en est ainsi pareillement de toutes les nations du monde. Humanité! affirme-toi! Kébek il est temps de revêtir ton habit de noce. Ta bien aimée monte dans tes entrailles.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Marois ne se retirera pas. Elle est là pour faire tomber le PQ et faire gagner Legault (Desmarais).
    Mais elle ne le sait pas. Elle suit les directives.
    Il faut que les démissions au PQ de poursuivent pour éviter la mort lente qui ne laissera plus de temps pour une réorganisation.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Que ça fait du bien de lire un vrai lucide! Votre analyse est juste et intelligente! Bravo!

  • Yves Rancourt Répondre

    15 juin 2011

    Monsieur Le Hir,
    Vous avez bien raison de parler du triomphe de Paul Desmarais mais vous oubliez de mentionner que, cette fois, les coups ne sont pas venus du camp Desmarais mais de notre propre camp, du camp souverainiste.
    J'ai personnellement, monsieur Le Hir, perdu espoir que l'on puisse, comme peuple, reprendre le pouvoir aux prochaines élections. On se retrouvera probablement avec un gouvernement Legault, avec ou sans l'ADQ, qui continuera à appliquer les mêmes politiques que les libéraux sur la langue,l'immigration, les redevances minières, le gaz de schiste, etc, tout en enterrant le projet souverainiste. Et ce gouvernement, nous les souverainistes l'aurons voulu en s'en prenant sans retenue au seul parti qui pouvait réalistement nous permettre de reprendre le pouvoir aux prochaines élections et de poursuivre la route vers la souveraineté. Oui, Desmarais et l'oligarchie, qui rêvent de nous maintenir pour l'éternité dans cet état d'asservissement, doivent bien rire aujourd'hui.
    Vous-même contribuez encore aujourd'hui à ce travail de sape, en terminant votre texte par un reproche à Pauline Marois sur son ambition de devenir Première ministre. J'ai beau regarder partout à l'échelle planétaire, je ne connais pas beaucoup de chefs d'État qui n'avaient pas au départ l'ambition personnelle d'arriver au sommet. Mais, chez les souverainistes, c'est suspect.
    Salutations tout de même.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    ... et elle dit aussi:" Le Parti Québécois est le seul capable de mener à la souveraineté du Qc!"
    ...eh! exactement la phrase qui a coulé le Bloc.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Désolé M. Le Hir mais votre titre de billet, cette fois-ci, est faux. Le tir groupé des corporatistes de Power Corp en est un de panique. Desmarais constate la montée de Legault. Ce dernier n'a rien gagné encore..mais je décode que sa stratégie est fort habile et portera fruit. Desmarais aime pas ca. Mais ma lecture de l'équilibriste maladroit de Legault sur la question nationale est, à mes yeux, fidèle aux nationalistes souverainistes de centre droit que je suis... Ils sont tannés entre autres des sempiternelles obstinations entre nous, ceux de centre-droit et les purs et durs de centre-gauche...sur le comment faire la souveraineté.
    Je ne veux pas ennuyé personne par une longue réponse...mais je terminerai par ceci. Mathieu Bock-Coté le 24 mai dernier a résumé en 10 minutes ( à l'émission de Dumont à V) mes 22 années d'implications dans le mouvement souverainiste...La souveraineté est utopique à gauche...Pour ceux que ca intéresse, venez lire ceci http://lumenlumen.blogspot.com/2011/05/m-bock-cote-et-la-purete-souverainiste.html Le lien pour voir et entendre Mathieu est là...et mon point de vue complet sur la question...de Legault

  • Michel Laurence Répondre

    15 juin 2011

    Marois livre un "vibrant" plaidoyer en faveur de l’indépendance lors de la présentation du programme du PQ : « La raison d'être de notre parti, c'est de répondre aux besoins des Québécoises et des Québécois en leur proposant des solutions, comme gouvernement, et nous pensons que les solutions seraient meilleures dans un État indépendant. Et c'est ça, notre objectif » (Rue Frontenac)

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2011

    Votre analyse sur le dernier texte d'Yves Boivert est en plein dans le mille. Malheureusement, même des personnes intelligentes (universitaire de formation) n'ont que des mots doux quand à Mr. Boivert et ses textes pleins de 'commun bon sens'.
    C'est une citation directe d'une connaissance qui œuvre dans la fonction publique fédérale. Et cette personne n'est pas un(e) fédéraliste pure et dure. Un(e) mou(e), neutre ou séparatiste, dieu seul le sait et le diable s'en doute!
    Yves Boivert n'est pas de la trempe d'Alain Dubuc et d'André Pratte dans le spin (pro-fédéralisme ou séparatisme nullissime) , mais il n'est pas un Michel David non plus.
    N'oublions pas pour qui il travaille. Certains croient encore aujourd'hui de façon naïve que les journalistes de la présente génération sont tous rompus aux vertus énoncés par Edward R. Murrow!